Février - 4

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J'accroche mes deux mains sur mon téléphone, et je renifle toujours. Mais un sourire s'esquisse sur mes lèvres.

- Tu es avec moi. Je ne suis pas tout seul. Tu penses que je peux venir te voir après avoir ramené ma mère ?

- Oui, mais il va falloir que tu escalades la fenêtre. Sinon on ne sera pas tranquille. Mes parents vont te demander ce que tu fais là, et ça va partir en interrogatoire.

- Pas de problèmes. Est-ce que... j'ai le droit de rester cette nuit ?

- Tu ne te sens pas de rentrer ?

- Non. J'ai besoin de souffler avec mon copain. Et après j'irais affronter ma famille. Et... et je suis désolé de ne pas être très expansif avec toi, de ne pas répondre lorsque tu me dis que tu m'aimes. Crois-moi, c'est inscrit à l'encre indélébile sur le cœur orange.

- Mais tu n'oses pas. Tu as peur qu'on nous entende. N'hésite pas à me le faire savoir Rio, au lieu de me laisser dans le silence. Parce que ça me fait douter, alors que je ne devrais pas. Tu sais quoi ? J'ai une idée. À chaque fois que tu veux me le dire, tu n'as qu'à dire « chat orange ». C'est un code entre nous, et on croira que tu as simplement vu un félin au pelage roux.

- Putain, mais quel génie. Je n'y aurais jamais pensé.

- Je sais. Mais que veux-tu, j'adore quand on me répète que je suis génial.

Je souris encore plus. J'ai arrêté de pleurer, et je ne m'en étais même pas rendu compte.

- Hé Miho ?

- Oui ?

- Chat orange à fond. Chat orange à trois cents pour cent.

Il rit à l'autre bout du fil. C'est étrange aux premiers abords, mais ça nous correspond bien. Le chat pour Schrödinger et son expérience. Le orange pour l'assemblage de nos deux couleurs. C'est nous.

- Moi aussi, Rio. Moi aussi.

Nous discutons encore quelques minutes de choses et d'autres, et je raccroche. J'attrape ma cigarette pour la mettre dans le cendrier, et je m'en sors une nouvelle. Cette fois-ci, je ne la gâche pas en la laissant se consumer sans moi, et je profite de la fumée toxique. Ça me détend, et ça me fait oublier ce qui m'attend derrière ces portes de verre. Ma mère cancéreuse qui trouve étrange que je sois proche d'un garçon.

Je joue sur mon téléphone pendant le temps qu'il me reste. Lorsque je la vois apparaître dans le couloir menant aux salles de soin, je compose le numéro d'une agence d'ambulances, que j'ai rentré dans mon répertoire avant de partir ce matin, afin de prévoir le coup. Je suis aussi froid qu'un congélateur, et je refuse toute tentative de discussion. Je n'ai pas l'énergie de me justifier. Je n'ai pas l'énergie d'expliquer la différence entre tomber amoureux et aimer. Je n'ai pas l'énergie de détériorer peu à peu ma relation avec ma mère.

Lorsque nous arrivons devant chez nous, je paye, même si elle fait la tête. Je l'aide à monter les marches de notre perron, que je vais finir par raboter pour couler du ciment dessus, afin que tout le monde puisse entrer dans notre maison. Je la dépose sur le canapé, je lui prépare du thé, tout cela dans un silence de cathédrale. Et lorsque je suis certain qu'elle est bien installée, avec sa couverture, je déclare que je vais dans ma chambre pour faire mes devoirs.

Une fois enfermé, je sors un sac de voyage de sous mon lit, et j'y glisse mes affaires pour le lendemain. Une brosse à dents, du déodorant, un pyjama - j'ai cru comprendre qu'il vaut mieux que j'éviter de dormir torse nu comme j'ai l'habitude de le faire si je ne veux pas que Miho explose - ainsi que des sous-vêtements propres. Je glisse mes cahiers de cours dans mon sac, et j'ouvre la fenêtre. Je lâche mes paquets sur le sol, et je me faufile dans l'entrebâillement, comme j'avais l'occasion de le faire, il y a quelques années de ça. Je bénis mon ventre plat, qui passe sans aucun problème. Je sais que je suis un chanceux de première, avec mon excellent métabolisme. J'ai déjà rendu extrêmement jalouses des filles en leur racontant que je pouvais manger tout et n'importe quoi sans prendre un gramme.

Ciel d'automne [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant