Décembre - 4

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Je manque de me brûler les doigts tant je ne veux pas lâcher prise sur ce tout petit bâtonnet qui m'éloigne de ma réalité effrayante. Mais il est temps d'y retourner, et de ne pas craquer. Je pense avoir ravalé mes larmes, mais celles-ci s'échappent lorsque, juste devant la porte automatique, j'aperçois Miho.

- Salut.

J'approche à grands pas en pointant un gros doigt vers lui.

- Toi, toi... tu ne me refais plus jamais ça ! Plus jamais !

- Bon en effet, tu ne ressembles à rien. On dirait que t'es passé sous un rouleau compresseur, et qu'on a essayé de t'arranger après, sauf que ce n'est pas super efficace.

Je m'arrête complètement. Et la chose la plus étrange possible sort de ma gorge. Un rire. J'éclate de rire, et je pleure en même temps. C'est parfaitement nerveux.

- Je te l'avais dit, continué-je, plié en deux. Je ressemble à un déchet sur pattes.

- Ah oui, oui, tout à fait. Je ne démens pas.

Il me fixe, avec un sourire en coin. Celui qu'on se fait, juste avant de rentrer sur le terrain. Je l'imite, tout en reniflant. Je n'ai pas de mouchoirs sur moi, si bien que je m'essuie, avec classe et élégance, dans mon manteau. Je m'approche encore plus, et me penche vers lui. Je lui touche les épaules, j'essaie d'étirer mes lèvres d'une manière plus sympathique et surtout, je le regarde droit dans les yeux.

- Merci. Je me doute que ça n'a pas dû être facile de descendre.

- Bah, heureusement que je connais quelques infirmières et que certaines seraient prêtes à se plier en quatre pour mes magnifiques iris ambrés.

J'esquisse un rire, et une main se colle contre ma joue, encore couverte de larmes. Je sursaute au geste, et il se retire immédiatement.

- Je suis désolé. J'aurais dû te demander avant de faire ça.

- Non... reste. Bouge pas.

Le toucher se fait plus délicat, son pouce balaye l'espace proche de l'os de ma mâchoire. Je frissonne, et je le vois qui hésite. Mais d'un coup, le contact visuel est rompu, et il tourne sa tête vers la porte vitrée.

- Ta mère est prise en charge, je crois. Tu viens ?

Je fixe l'endroit qu'il me désigne. En effet, je remarque une blouse blanche non loin de mes parents, ainsi qu'un fauteuil roulant. J'observe quelques secondes Miho avant qu'il me fasse signe d'y aller et de ne pas l'attendre. J'avale les quelques mètres qui me séparent de la salle d'attente en moins de temps qu'il ne faut pour dire « salut c'est moi » et je fais face au médecin. Papa semble s'être réveillé de sa torpeur, ce qui est une bonne chose.

- Bonjour Docteur, dis-je en arrivant, le visage sérieux. Vous allez vous occuper de ma mère ?

- Oui. Elle va partir en consultation d'urgence dans mon service et nous aviserons d'elle. Savez-vous si elle a de quelconques antécédents ? Du diabète, des problèmes de cœur, des cancers ?

J'avale difficilement ma salive. C'est un sujet un peu délicat dans la famille.

- Mon grand-père est mort d'un cancer bronchique parce qu'il fumait beaucoup. Mais ma grand-mère, elle, a vécu très longtemps avec un cancer du sein non diagnostiqué. Elle ne pratiquait pas d'auto examens, et elle a été prise en charge trop tard. Elle est décédée l'année dernière. Et je sais que mon arrière grand-mère, ainsi que la sœur de ma grand-mère sont mortes d'un cancer féminin, mais je vous avoue que j'ai oublié l'endroit en question.

Ça a été une épreuve pour toute la famille. Nana était l'une des personnes les plus douces que je connaisse, et sa mort a laissé un trou béant dans notre vie et dans notre cœur. Pour compenser cette perte, maman s'est mise à travailler d'arrache-pied, quitte à s'épuiser dans l'exercice. Elle se refusait même les pleurs.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now