Décembre - 3

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(mention de l'action de vomir et de ce qui en résulte)


Nous repartons quelques heures avant la nuit, mais ce n'est pas suffisant. Les visites à l'hôpital seront terminées lorsque nous arriverons à Belfast. Je peste d'autant plus contre Grand-Mère, qui habite à la campagne pour être tranquille, d'après elle. En vérité, elle déteste l'idée de se mêler aux autres, parce qu'elle est trop bien pour eux.

Dans la voiture, je reprends enfin mon téléphone. Bien entendu, j'ai eu une réponse à ma photo, mais elle est suivie de beaucoup de nouveaux messages.

De : Minuscule

> Ça va, tu te mets bien ? Mais merci de penser à moi, c'est vraiment super gentil. 💛

> Tu me manques Rio, c'est bizarre de passer un dimanche sans te voir. Dire qu'avant, c'était le jour où on allait jouer sur le vieux terrain, à côté de chez nous. J'adorais quand les gosses de notre sois-disant quartier compliqué venaient avec nous, et qu'on s'amusait jusqu'à ce que leurs parents les rappellent. Qu'on transmette ce qui fait la magie du foot. C'était la bonne époque...

Je me souviens parfaitement de ces moments. On avait un peu arrêté à la rentrée, mais j'avais demandé à mon meilleur ami de recommencer en octobre, parce qu'à moi aussi, ça me manquait. Sauf qu'entre-temps, une voiture est rentrée dans son vélo, et du verre s'est logé dans sa moelle épinière. Sans lui, ça ne sera plus pareil, je le sens.

> Dis, je sais que tu ne peux pas prendre ton téléphone, mais est-ce que tu reviens bientôt ? Je commence à tourner en rond ici, et Valentin est reparti à la fin du mois dernier. D'ailleurs, est-ce que Daisy t'a annoncé qu'il était à nouveau en couple avec Eliot ? Je l'ai aperçu ressortir de sa chambre, le jour de la réconciliation. Je crois bien que je n'ai jamais vu quelqu'un sourire de cette manière.

C'est moi qui étire les lèvres, le cœur battant dans la poitrine. Moi, si. C'était lui, lorsque je lui ai dit que ça me tentait d'essayer avec lui. Son sourire était lumineux comme les spots d'un stade national. Éblouissant même. C'est d'ailleurs ce que je lui tape, après avoir mis ma ceinture de sécurité. Au moins, je suis certain que personne ne me fera de remontrances parce que je passe mon temps sur mon téléphone. Paxton est reparti avec sa copine et dort chez elle ce soir. Je suis tranquille et j'en profite comme jamais.

> Ça y est, t'es enfin dans la voiture ? Alors, comment c'était ? L'horreur ?

> Grand-Mère, oui, comme d'habitude. Elle a dit à ma mère qu'elle pouvait quand même faire un effort et aider son personnel à débarrasser la table. Sauf que Maman ne va pas spécialement bien en ce moment, donc j'ai pris sa place. Elle n'a même plus l'énergie de remballer Mamie.

Je m'étais promis de ne pas l'inquiéter, mais là, j'ai besoin de partager ma propre peur. Miho connaît parfaitement la force de mon attachement à ma mère. Elle faisait partie de sa belle déclaration, c'est pour dire.

> Oh, j'espère qu'Amelia finira par se sentir mieux. Tu lui passeras mon bonjour, et mon prompt rétablissement ?

> Bien sûr !

J'hésite. Je n'ai pas encore envoyé mon message, qui clignote dans son application. J'ai envie de mettre un cœur, mais je ne l'ai jamais fait. J'ai peur de franchir une frontière, et de ne plus pouvoir retourner en arrière. Mon écran s'éteint parce que je suis trop lent à me décider, et je me découvre à l'intérieur. Le black mirror, comme la série du même nom. Et dans son miroir, je peux apercevoir toutes les étiquettes collées sur mon front. Celles que j'aime, comme footballeur, ami, fils. Celles que je déteste. Menteur, fuckboy, petit garçon abandonné. Et la dernière en date, énorme, gigantesque et brillante de mille feux.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now