Ciel d'automne [BxB]

Décembre - 6

Comme les choses sont bien faites, ma mère et Miho sortent de l'hôpital le même jour. Maman a repris un peu de poids, mais les analyses n'ont rien donné. Ils lui ont demandé de revenir la semaine prochaine, en ambulatoire, pour faire une échographie. Elle est heureuse de rentrer à la maison, et de revoir les Andrews. Ils sont déjà au courant qu'elle ne restera pas tard, mais elle tient absolument à venir à la petite fête.

Miho, lui, est excité comme une puce. Il a même cherché une recette de fish and chips sur internet, pour faire la surprise à ses parents, puisqu'habituellement, on utilise celle de sa famille. Et comme il ne cesse de parler avec ses mains pour m'expliquer, il m'a demandé de le pousser jusque'à la voiture de son père. Nous l'aurions bien pris avec nous, pour éviter un déplacement inutile à Benedict, mais Miho a mis en avant le fait que Maman aimerait sans doute être à l'aise et que de toute manière, on se reverrait tous très rapidement. Je lui ai fait un clin d'œil comme réponse, et il m'a répondu de la même manière. J'ai l'impression que plus le temps avance, plus nous devenons complices. Et ce n'est pas pour me déranger.

Une fois arrivé à la maison, je repars presque immédiatement. Je sais que Maman n'est pas seule, et qu'elle a deux hommes pour veiller sur elle. Bien évidemment, j'ai plus confiance en mon père qu'en mon frère, mais il fait beaucoup d'efforts depuis le début de la semaine. Malheureusement, je ne tombe pas dans le panneau si facilement, parce que je sais qu'il peut s'enrouler très rapidement dans son égoïsme en nous laissant nous débrouiller sans lui. De toute manière, il nous a prévenus ; après Noël, il repart sur son chalutier parcourir toutes les mers du globe pour pêcher ses poissons rares et chers. Je n'ai jamais compris le principe de la pêche de luxe, et pourquoi les bateaux locaux ne peuvent pas s'en charger eux-mêmes, et la seule fois où Paxton nous a expliqué le but de l'entreprise pour laquelle il travaille, je n'ai strictement rien écouté.

Je me presse sur la route pour arriver dans la rue de Miho. Nous habitons à cinq minutes l'un de l'autre, mais à chaque fois, j'ai l'impression que le temps passe au ralenti. Peut-être parce qu'on a toujours adoré se retrouver, même quand on devait travailler sur nos exposés. C'est comme ça. On est les deux faces d'une même pièce.

Je toque en reprenant ma respiration. Je n'ai pas pu m'empêcher de courir sur les derniers mètres, et je me moque complètement que les voisins m'aient vu piquer un sprint. Je suis heureux et je ne m'en cache pas. Ce soir, j'ai décidé de ne pas penser à la maladie potentielle de ma mère, à ma colère envers mon frère, et à ma peur des sentiments que je pourrais développer pour Miho. Je laisse uniquement le positif m'envahir. De toute manière, j'ai toujours été comme ça : je suis un éternel optimiste pour qui le verre est la plupart du temps à moitié plein. La soirée va bien se passer, on va se retrouver avec les Andrews, qu'on n'a pas vus depuis des lustres. Il suffit d'ignorer Paxton et le tour est joué. Oui, ça va être cool.

C'est Victor, le petit frère de Miho, qui m'ouvre. Il a huit ans, mais en parait onze. Il est extrêmement mature pour son âge, mais en contrepartie, il ne dit pas un mot. C'est la personnification du silence. Mais apparemment, ça ne dérange personne. Il est dans son monde, dans sa bulle. Et d'après ce que je sais, il s'est trouvé des amis dans le même délire que lui.

Le plus marrant, c'est que lorsqu'on le compare à Miho, on n'a pas l'impression qu'ils sont frère et sœurs. Il a pris les cheveux noirs de leur mère, ainsi que ses yeux bleus, alors que le reste de la fratrie est un copié-collé génétique du père : iris ambrés, et mèches brun clair, tendant vers le blond foncé.

- Salut, dit-il, en me laissant passer. Mihovac est dans sa chambre, il t'attend. Elle a été déplacée au rez-de-chaussée, juste à côté des toilettes.

- Merci pour le guidage Vic !

Je cours dans les couloirs, salue toutes les personnes que je croise et toque trois fois à la porte de mon meilleur ami. C'est notre code, perfectionné au fil des années. Un léger, un fort et un moyen, très rapide. Et au moins, il ne sera pas obligé de se déplacer pour m'ouvrir.