Mars - 2

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(évocation de possible mutilation)

J'ai été remplacé comme aide par Lola, et elle me lance des regards mi-tristes mi-colériques, ce qui est un étrange mélange. À un moment, j'ai eu peur qu'elle vienne me faire la leçon sur le toit. J'ai aussi été effrayé par la colère de Daisy, si bien que je l'ai fuie.

En réalité, je me rends compte que j'évite tout le monde. Je vais aux entraînements, je fais mon travail, et je rentre chez moi pour me doucher, parce que je ne peux plus voir John en peinture sans avoir envie de l'encastrer dans les murs. Je suis assez souvent accompagné de Samuel, qui ne me parle pas, mais qui est à mes côtés là-dedans. À chaque fois que nous sortons, ses poings sont serrés, si bien qu'il doit se faire mal avec ses ongles. Dans un certain sens, ça ne m'étonnerait même pas qu'il fasse ça dans le but de se blesser. Parce qu'il n'a pas réagi assez tôt, qu'il a l'impression d'être un lâche, et qu'il se déteste pour qui il est. J'aimerais être là, être un ami. Mais ce qu'il m'a fait me revient toujours en pleine face lorsque je m'approche de lui pour entamer une conversation. Je souhaiterais vraiment que ça s'arrête, mais apparemment, mon cerveau n'est pas de cet avis.

La seule personne qui ne m'a pas fait fuir, c'est Valentin. Nous nous sommes croisés sur le toit et j'ai tout de suite compris que ce n'était pas voulu de sa part. Parce qu'au début, il était accompagné. Je crois bien que je n'ai jamais été aussi gêné de ma vie.

Je fumais tranquillement ma cigarette en pensant à l'entraînement du soir même, où je savais que j'allais devoir travailler avec John et sa clique, comme Samuel était cloué au lit par une sale gastro. Mon envie d'y aller se réduisait de minute en minute, et ma séance de fumette devenait de plus en plus longue. J'étais au milieu de ma deuxième clope lorsque la porte s'est ouverte. J'ai arrêté d'avoir peur de me faire surprendre par un membre du personnel, m'étant rapidement rendu compte que personne, hormis les élèves, ne montait jamais ici.

J'ai donc continué mon activité fumante, prêt à me décaler si ça gênait mes camarades. Je me suis retourné vers la porte parce que j'étais quand même curieux. Parfois, le toit est utilisé pour les déclarations amoureuses ou les ruptures et je voulais savoir si c'était le cas aujourd'hui, et si je connaissais les deux protagonistes.

Et il s'est avéré que oui. Mais qu'ils n'étaient pas là pour se séparer, mais pour être tranquille. Sans doute pris dans l'excitation de leur activité prochaine, ils ne m'ont absolument pas vu et ont commencé à se rouler des pelles.

Valentin et Eliot étaient juste en face de moi, et se laissaient aller à leurs sentiments les plus primaires. Il n'y avait aucune trace de gêne entre eux, et je les entendais même rire tout doucement. Ça m'a fichu un immense coup au moral. Parce que l'amour entre ces deux-là était palpable, carrément.

Arrêtant enfin de jouer au voyeur, et de remuer le couteau dans la plaie, je me suis retourné vers le ciel et j'ai raclé ma gorge pour signifier ma présence. Je ne les ai pas vus se séparer, mais j'ai entendu mon prénom.

- Rio ? Ça fait longtemps que tu es là ? avait commencé Valentin.

- J'y étais avant vous. Je suis en train de fumer.

Je n'avais pas bougé, mais j'avais facilement pu imaginer la couleur faciale des deux jeunes hommes. Le blond avait glissé quelques mots à l'autre, et j'avais entendu la porte se fermer. Ça a eu l'effet de me faire changer de position, pour fixer mon seul camarade encore présent. Valentin souriait discrètement et moi, j'essayais de comprendre la raison du départ d'Eliot.

- On n'a pas vraiment fini notre discussion lorsqu'on s'est vus l'autre jour. Daisy m'en a parlé quand on était à Paris. Je me suis simplement dit que c'était l'occasion. Et t'inquiète pas pour El', il ne va pas t'en vouloir. Je pense secrètement qu'il aime autant les poètes français que se retrouver dans le froid avec moi.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now