Mars - 5

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Il est midi, j'ai avalé mon déjeuner en deux bouchées et je viens de faire le tour de l'école. Nulle trace de Lola. Pourtant, je l'ai aperçue ce matin avec Miho. Aujourd'hui, j'ai eu le droit à son regard de pitié. Je suppose que le croate a dû balancer quelque chose de méchant sur mon compte, et elle a pensé à mes pauvres sentiments qui vont sans doute se faire piétiner. Mais je m'en moque. Je ne fuirais pas. Je n'enfoncerais pas la tête dans le sable comme une autruche qui ne voit pas que tout va mal à côté d'elle. J'affronterais le ressentiment de Miho. Et je lui ferais lire ma lettre.

Mais encore faut-il que je trouve mon intermédiaire. Elle n'est pas dans sa classe, ni avec Daisy, Valentin ou Eliot, ni sur le toit. Il ne reste qu'une solution et elle ne m'enchante guère.

Le local du club arc-en-ciel. Je n'y ai jamais mis les pieds, alors que j'aurais pu au moins une dizaine de fois. J'ai toujours peur. Peur qu'on me voie franchir cette porte et qu'on se pose des questions sur mon compte. Peur qu'on saute aux conclusions. Peur qu'on m'exclut de l'équipe parce que je ne rentre pas dans les cases. Dans les soi-disant bonnes cases.

Mais aujourd'hui, je ne peux pas fuir. Parce que j'ai une mission. Je dois donner ma lettre, pour qu'elle soit transmise à l'unique personne qui doit la lire. Alors je toque à cette porte qui est comme les autres, et j'attends.

- Oui ?

J'ouvre et referme immédiatement derrière moi. Je pense que j'ai été assez rapide pour qu'on ne me voie pas.

Lola est seule, assise à un bureau, un ordinateur devant elle. Ses cheveux sont relevés en demi-queue et il ne manque plus que des lunettes pour qu'elle ressemble à une PDG travaillant sur son futur best-seller.

- Oh, Rio ! Je suis désolée. Si tu souhaitais assister à une réunion du midi, elles sont annulées jusqu'à la semaine prochaine parce que j'ai énormément de travail à rattraper et je ne peux le faire qu'à ce moment-là.

- Non, c'est toi que je cherchais. J'ai quelque chose à te demander.

- Oh.

Et cette intonation veut tout dire. Elle sait pourquoi je suis là, devant elle, à moitié tremblant à l'idée que la porte s'ouvre sur quelqu'un que je connais. Je dois me dépêcher et en même temps, je n'ai pas envie de bâcler ma demande.

- Je suis au courant qu'il ne souhaite pas me voir, repris-je, avant qu'elle ne dise quoi que ce soit. Je l'ai bien compris. Mais je ne vais pas abandonner. Alors j'ai...

J'ouvre mon sac et trouve rapidement le papier orange de l'enveloppe. Je le présente devant Lola, sur son bureau.

- Je lui ai écrit une lettre. C'est pas très original surtout que je lui ai piqué l'idée. Mais j'aimerais... ça serait chouette si tu pouvais lui donner. Et tenter de me défendre, parce qu'il n'aura pas besoin de l'ouvrir pour comprendre que c'est moi. Je pouvais être plus discret, mais...

- Mais l'orange, c'est vous, termine-t-elle. Je sais, il me l'a dit. Et je le ferais, Rio. Je lui donnerais la lettre. Parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure que vous êtes plus malheureux que des pierres, l'un sans l'autre.

J'écarquille légèrement les yeux et elle continue.

- Il s'inquiète pour toi. Tout le temps, à chaque fois qu'on se croise. Il essaie d'analyser tes gestes, ton expression faciale. Il t'observe lorsque tu es sur ton téléphone et tente de deviner à qui tu envoies des messages. Il ne cesse de me parler d'une Caroline, sans pourtant m'expliquer qui elle est, tout en pestant sur le fait que tu ne sembles pas heureux et qu'elle pourrait être un peu plus douée pour que ça soit le cas.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now