Avril - 3 / TW

261 29 83
                                    

TW : Homophobie/biphobie, évocation de blessure due à une attaque homophobe, évocation de crimes/meurtres à caractère homophobes/lesbophobes/transphobes (oui, c'est particulièrement joyeux)


Ce sont Paxton et papa. Une minuscule pointe de déception vient me vriller le cœur. J'aurais bien voulu que Miho soit aussi de la partie. Lui au moins, il est sorti de l'hôpital depuis quelque temps, contrairement à moi.

- Hey... tu es réveillé...

Mon frère marche littéralement sur des œufs. Je ne l'ai jamais vu avec une tête pareille. Il est blanc, ses traits sont tirés et ses cernes sont violets. Ses iris sont habités par la fatigue, tout comme papa.

- On vient de déposer maman à sa chimiothérapie et on s'est dit qu'on pourrait te rendre visite. Ça va ? Tu n'as pas trop mal ?

- Ils me bourrent d'antidouleur, donc c'est très supportable. Ça me fait du bien de vous voir tous les deux. Mais s'il vous plaît, la tête de déterré, je la connais bien. Je ne vais pas mourir. J'ai juste les orteils des deux pieds fracturés, une douleur à une côte - mais apparemment ce n'est pas cassé -, des bleus sur les bras, un œil au beurre noir, une lèvre et une arcade sourcilière fendue. Ce n'est pas grave. Je n'ai pas le cancer comme maman.

Je me fiche que Samuel soit mis au courant. On est dans la même galère, tous les deux.

- Tu en as pour des mois de guérison. Tu vas devoir aller faire des séances de rééducation et tu ne pourras pas toucher un ballon avant des semaines et des semaines.

Mon père ne dit rien, mais me fixe comme si j'allais me désintégrer dans la seconde.

- Je sais. Mais je ne suis pas mort.

- Encore heureux ! reprend-il.

- Ça te paraît très certainement assez fort comme mot, papa, mais je n'exagère pas. Avec ce que j'ai vécu, avec ce qu'on a vécu tous les trois, c'est possible. Samuel a dû subir une intervention pour arrêter ses hémorragies internes. Je n'aurais pas su où il avait cours, il y restait. Donc, ne minimise pas le fait que je suis heureux d'être encore en vie.

Je ne le dis pas, mais j'ai lu des témoignages. Quand Miho s'est fait attaquer, puis Samuel. Je me suis plongé dans des articles de faits divers. Une femme trans qui est morte dans une forêt. Une lesbienne rouée de coups qui était dans un sale état. Un gay poignardé en pleine rue, alors qu'il rentrait chez lui après avoir déjeuné avec son compagnon. Ces histoires m'ont fait froid dans le dos, et j'ai admiré ces personnes. Vraiment. Pour le courage d'avoir été elle-même en société. Pour avoir annoncé aux journalistes friands de ce genre de récits que ce n'est pas ce qui les ferait s'arrêter. Dans le cas de l'homme, le coupable a été puni. Tentative d'homicide. Il a reversé de l'argent à la victime et est allé en prison. Pour les deux autres... les enquêtes ont été abandonnées.

Lola, qui est celle qui m'a aiguillé vers ces articles, m'a révélé que c'est parce que ce sont des femmes. Les crimes visant plus de la moitié de la population mondiale sont apparemment moins intéressants et valent moins le coup d'investiguer. Alors ils abandonnent vite les recherches en prétextant qu'ils n'ont pas assez d'indices.

- Voyons Rio, on ne meurt pas parce que tes petits camarades sont jaloux de toi. Sinon, la population serait bien moins importante qu'elle ne l'est.

Oh. Mon père croit que c'est par jalousie. Il n'est pas au courant pour le reste. Je remercie intérieurement mon frère et ma mère, mais en même temps, je suis envahi par la trouille. Je ne sais pas ce qu'il va me dire quand je vais lui apprendre la vraie raison de ces attaques.

Ciel d'automne [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant