Mai - 3

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J'écarquille les yeux comme des billes, et je pose une main sur sa joue. Je meurs d'envie de l'embrasser, et lui aussi, d'après les mordillements de sa bouche. Je me penche vers lui et je colle nos lèvres entre elles avec force. J'essaie de transmettre tous les sentiments positifs qui me traversent en ce moment.

- Je t'aime tellement, si tu savais, glissé-je, en me séparant de lui et en reprenant mes caresses. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Pourquoi ils n'ont rien dit à l'hôpital ? Pourquoi ils ne s'en sont pas rendu compte ?

- Je ne sais pas. Ils n'avaient peut-être pas le temps ? Ils ont vu que ma moelle était touchée, que je ne ressentais plus rien alors ils n'ont pas cherché à comprendre. Ils m'ont aussi annoncé que j'étais un chanceux, parce que ma vessie fonctionnait toujours par elle-même et que je pouvais me rendre aux toilettes. En fait, ça, c'est un signe que la paralysie n'est pas complète.

Il se tait deux secondes, avant de reprendre.

- Je ne les blâme pas. L'hôpital était surbooké, comme les neurologues. Je ne suis même pas passé sur le billard, ils m'ont juste fait une anesthésie locale pour me retirer tous mes bouts de verre. Sauf que tout ça m'a fait perdre de précieux mois.

- Qu'est-ce que le médecin t'a conseillé ? Pour faire retravailler tes jambes, je veux dire ?

- De la rééducation. Beaucoup de rééducation. Sauf qu'avec les examens qui arrivent... je... j'ai peur de ne plus avoir le temps pour rien.

Je me rapproche de lui, mais je ne l'embrasse pas. Je me plonge dans ses iris ambrés. Jamais je ne m'en lasserais.

- Fais-le. Ta santé passe avant tout. Si tu as une chance, une possibilité de te remettre sur tes deux jambes, saisis-la s'il te plaît. Ne pense pas au reste.

- Tu ne comprends peut-être pas. Si j'accepte tous les rendez-vous qu'il veut me coller avec mon kiné, on ne se verra plus beaucoup hors des cours.

- Je sais. Mais je ne veux pas être ce petit ami qui te retient parce qu'il veut que tu passes absolument du temps avec lui. Je ne dis pas que je n'apprécie pas notre intimité, loin de là. Mais si je suis un blocage pour te soigner, alors je te le dis franchement. Vas-y.

Il sourit discrètement et ça me donne encore envie de l'embrasser. Pire, de juste passer du temps avec lui, à ne rien faire, juste le regarder droit dans les yeux comme maintenant. Il me fait un effet démesuré, c'est dingue.

- Est-ce que tu pourrais être mignon et m'aider à me relever ? Il faut que je cherche quelque chose dans ma table de nuit.

Je lui attrape les épaules et je le remets en position assise, juste à côté de moi, vers la tête de lit. Il se déplace en glissant sur le couvre-lit. Habituellement, il se met sur le dos et il s'aide de ses bras. Là, ça semble plus compliqué et plus douloureux même, parce qu'il évite que son dos touche le mur.

- C'est à cause du risque d'escarres. Je dois éviter les frottements au maximum. Je vais devoir dormir sans t-shirt et sans couverture sur moi, et je serais sur le ventre alors je déteste ça. Normalement, ça finira par un peu disparaître, mais il faudra surveiller. Et c'est chiant parce que je ressemble à un escargot.

Je lui presse la main par compassion et il atteint enfin la table de nuit. Il s'y accroche pour glisser et saisit la poignée du tiroir.

- Ferme les yeux !

Je m'exécute, le sourire aux lèvres. Je suis presque certain de savoir ce que c'est, mais je joue le jeu. J'écoute mon environnement. Le stylo qui ne fonctionne plus très bien sur lequel il faut appuyer très fort. Le papier qui se décolle. Miho qui revient vers moi. La chaleur sur mon épaule.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now