Juin - 6

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(évocation de crise de panique, de cancer, de mort, d'opération et d'ablations d'organes)

Je ne remercierais jamais assez mon père d'avoir eu l'excellente idée de transformer ma trousse de toilette en sac à bandoulière. Comme je suis obligé de monter les escaliers pour aller me doucher, je ne peux pas tenir mes béquilles et mes affaires en même temps. En me voyant me préparer pour aller me laver, Miho a vraiment eu pitié de moi et a tenté de faire changer sa mère d'avis, quant à mon lavage dans la salle de bain du bas, juste à côté de sa chambre. Je n'ai malheureusement pas pu comprendre ce qui se disait, parce que tout était en croate. Mais au vu des cris, je pense que ça ne s'est pas très bien passé. Quand je reviens dans la chambre de Miho, une fois propre et en pyjama intégral - Margareta est même sortie de sa chambre pour vérifier, et m'a bien fait comprendre que je n'avais pas intérêt à me déshabiller en bas des escaliers - il laisse aller ses pensées.

- Elle est cruelle ! Tu es en béquille, merde, tu peux glisser et te faire encore plus mal à cause de nos escaliers en carton !

- Ça me fera travailler, ne t'inquiète pas. Et puis, elle aurait pu exiger que je dorme sur un matelas gonflable posé par terre.

Miho m'offre une tête blasée et me glisse un baiser sur la joue.

- J'adore vraiment quand tu es optimiste. Ça me rappelle quand j'ai décidé de t'aimer. Il pleuvait comme ce n'était pas pensable, on était trempés comme des soupes, on était frigorifiés, mais tu riais comme un tordu. Tu voyais le verre à moitié plein, parce que pour toi, cette tempête nous a permis de passer du bon temps ensemble, et de discuter de choses à cœur ouvert.

- Ce moment t'a tellement marqué que parfois, je m'en veux de ne pas avoir deviné ce qui se tramait en toi. Mais pour en revenir à ce que tu dis, c'est vrai. J'ai l'impression qu'en ce moment, j'arrive à nouveau à voir la vie du bon côté. Enfin, pour certaines choses. L'avenir, nous, tout ça, je suis à moitié plein. Pour ma mère, je n'y arrive pas. Quant à ma rééducation, je danse un peu des deux côtés sans savoir où poser le pied.

Son sourire s'élargit, et je sais exactement pourquoi. J'ai avoué que je n'avais pas de doute pour nous. C'est la vérité. Notre séparation nous a rendus plus forts. Le fait de gagner la bataille à l'école aussi.

- En fait, reprend-il, il y a un truc qui me trotte en tête depuis quelque temps. Est-ce que je peux t'en parler ? Tu vas peut-être trouver ça un peu bizarre, mais... ce que tu dis, ça m'y a fait penser.

Je croise mes jambes en tailleurs sur le matelas, et je laisse jouer avec mes doigts, posé sur le protège-matelas - il est nerveux. Je commence à lentement attraper froid, et je pense que je vais bientôt demander à ce que nous allions nous mettre sous la couverture.

- Bien sûr. Je t'écoute.

Son index et son majeur s'amusent à passer sur tous leurs congénères, et je réprimande un frisson. Il va me déconcentrer, avec toutes ces caresses.

- J'ai parfois l'impression que sans les épreuves qui nous sont tombées sur le coin de la tête, on ne serait pas rapprochés de personnes avec qui ont aurait jamais pensé avoir des contacts. Toi, avec ton frère, d'abord par le cancer de ta mère, puis avec ton cœur brisé. Moi avec Samuel, par notre attaque et notre combat à l'école.

- Est-ce que tu penses à nous là-dedans ? le coupé-je presque. Est-ce que tu penses que nous ne serions pas qui nous sommes sans ton accident ? Que tu serais resté dans le placard, que je me serais retrouvé une copine et qu'au pire, j'aurais appris que Caroline était de retour en ville et je serais retourné dans ses bras ? Je ne suis pas énervé, je te le promets. Je veux juste savoir.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now