Ciel d'automne [BxB]

Juillet - 5

J'écoute cette chanson en boucle, parce qu'elle me donne trop trop la pêche.

- Tu n'oublies pas maman ? Si les parents de Miho téléphonent, nous sommes à une fête chez un de nos camarades de classe, papa vient nous chercher, et je dors dans la chambre de Paxton pour plus de sécurité.

- Je suis celle qui a inventé ce mensonge, donc ne t'inquiète pas. Je connais mon texte par cœur. Soyez prudents tous les quatre. Et passez un excellent week-end.

Nous sommes dans l'entrée, avec nos sacs de voyage. Depuis deux jours, Miho ramène des affaires chez nous pour préparer notre expédition à Durham. Abigail a été mise dans le coup, et elle nous a aidés. C'est elle qui a pris le sac par exemple, pour que ça ne soit pas trop suspect, sous prétexte qu'elle passe un week-end chez sa collègue. Cette partie est vraie, mais la brune a répliqué, en nous faisant un clin d'œil, qu'elle emprunterait des vêtements à Caroline, et que c'était plus marrant comme ça. Je ne savais plus où me mettre, et j'ai regardé le plafond pendant de longues minutes, pour essayer de faire passer le malaise. C'est encore un sujet très sensible.

Rory semble enchantée d'être avec nous, et à vrai dire, moi aussi. Depuis que je suis allé choisir la bague avec mon frère, je n'ai qu'une seule envie, c'est qu'il la lui offre. J'ai parfois l'impression d'être à sa place, et d'être plus pressé que lui qu'il se fiance. En riant, il m'a avoué qu'il préférait ne pas être là quand ça serait à mon tour de passer la bague au doigt de la personne de mon choix. Je me suis senti rougir comme une tomate, parce que je n'osais pas lui avouer que j'avais déjà réfléchi à la question en long, en large et en travers. Je sais que ce ne sont que des fantaisies d'adolescents, mais parfois, je fixe un de mes carnets vides, sur mon bureau, et je pense à l'idée de consigner tout cela, pour le futur moi. Quand j'aurais vingt-cinq, trente ans, que je gagnerais suffisamment d'argent, qu'il sera médecin...

- Rio ? T'es avec nous ? Je t'ai demandé de l'aide pour descendre de votre saleté de perron.

Je secoue la tête comme un chat, et je fixe Miho, qui est à ma droite. Ah, oui. La réalité. Cette bonne vieille réalité.

Il a été convenu que je ne prendrais pas mes béquilles avec moi. D'après le kiné, je fais de grands progrès, et je suis en bonne voie pour une guérison complète. Autant dire que lorsque je suis sorti de son cabinet ce jour-là, j'ai couru dans tous les sens, sans m'arrêter. Parce que bientôt, bientôt, je vais pouvoir retoucher à un ballon. Ça va être le plus beau jour de ma vie, je le sens au fond de ma poitrine.

- Oui. Désolé. Je pensais au kiné, et à ce qu'il m'a dit.

- Je t'avais dit que tu réussirais. Mais maintenant, tu n'as plus d'excuses pour ne pas me soulever.

J'avale une respiration. Ma mère est rentrée, parce qu'elle avait froid - nous sommes peut-être en été, mais le temps d'Irlande du Nord fait encore la tête - et Paxton est dans la voiture, dans la rue. Personne ne nous entend, et heureusement.

- Euh, pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin, pas dans le sens que... bref, t'as compris.

Miho est mortifié, et se cache la tête dans sa main. Il se sent toujours mal lorsqu'il fait ce genre d'allusion, même si je lui ai dit que ça ne me dérangeait pas - si elles ne sont pas nombreuses et vulgaires, il n'y a aucun problème. Je suis à l'aise avec ma sexualité, avec qui je suis, et ce que je ressens au moment où je le ressens.

- Avec plaisir, Votre Altesse. Je vais de ce pas vous soulever.

Je suis tellement à l'aise, que moi aussi je me permets ce genre de choses maintenant. La plupart du temps, ce ne sont que des jeux de mots, de la même teneur que notre rôle d'Altesse et de Prince. Tout n'est pas forcément sexuel - ça me dérangerait au plus haut point - et je m'amuse beaucoup avec ce type de phrase. Et ce qui est bien, c'est que nous nous sommes mis d'accord sur ce qu'elles impliquaient. Donc Miho aussi s'éclate, sans rien attendre de moi en retour.