Avril - 8

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La confrontation avec Nigel Buckley a lieu trois jours après mon retour à l'école. Lola a réussi à obtenir un rendez-vous en se faisant passer pour Daisy, tout en prétextant une discussion autour du budget de certains clubs. La secrétaire de ce cher Nigel a accepté et Lola est partie en croisade, une perruque brune sur la tête pour ne pas être reconnue, au cas où John aurait parlé d'elle à son père. Elle a aussi dégoté des micros, et interrogé le club d'audiovisuel afin que nous ayons un retour. Nous nous plaçons près de la double porte menant vers l'administration, au rez-de-chaussée - Samuel, Miho et moi - et nous faisons semblant d'écouter de la musique. En réalité, nos téléphones sont reliés à Lola et nous entendons tout ce qu'elle fait.

- Je vais toquer, et ensuite, je ne pourrais plus vous parler, nous indique-t-elle tout bas.

Étant au milieu, je chope le bras de Sam et la main de Miho et je les serre avec toute ma peur. La panique est de retour et j'essaie de l'ignorer le plus royalement possible.

Nous entendons la discussion avec la secrétaire, puis la jeune femme passe à nouveau une porte. Et enfin, une voix masculine nous parvient.

Je n'ai jamais vu cet homme, puisque les membres du conseil d'administration se font très discrets. Ils préfèrent laisser la directrice prendre tout sur son dos, les élèves et les parents mécontents. J'ai soudainement de la compassion pour elle, parce qu'elle ne semble avoir aucun pouvoir décisionnaire. Elle ne doit appliquer que ce qui lui vient d'en haut.

- Bonjour Monsieur Buckley. Je suis ici pour discuter avec vous du budget prévisionnel des clubs.

Lola se promène avec un dossier pour faire illusion. Mais celui-ci ne contient pas de chiffres, ou du moins, pas ceux qu'il attend. Ils font la comparaison entre ce que coûte un délit de fuite et un simple remboursement d'assurance. La feuille détaille également tout ce que nous savons et ce que nous revendiquons. Lola a insisté pour qu'on parle de justice, même si ça ne m'enchante guère. Non seulement nos familles n'ont pas les moyens, mais je ne veux pas que l'on se souvienne de moi à cause de ça. Je ne me sens pas d'attaque à engager tout ça, avec ce qui est tombé sur la figure de mes parents. Les policiers savent que nous avons été attaqués à l'école par un de nos camarades, mais comme nous avons tous eu des commotions cérébrales, nos souvenirs sont trop flous pour être utilisés par les enquêteurs. Donc je n'y crois pas beaucoup.

- Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Qui êtes-vous et qui vous envoie ?

Oh, apparemment, il a fini de lire la feuille. Ça peut commencer.

- Je ne suis que la trésorière du conseil des élèves - le pire, c'est que c'est totalement vrai - qui veut vous parler du budget prévisionnel des clubs. Rien de plus.

- Arrêtez de vous moquer de moi, mademoiselle. Vous êtes amie avec ces garçons qui racontent partout que mon fils les a attaqués, alors qu'ils sont allés chercher des histoires avec un groupe de voyous qui traînent dans les couloirs.

Nous pouffons tous les trois. Franchement, John aurait pu faire preuve de plus d'imagination. Son excuse est ridicule. Il n'y a pas de délinquants dans ces murs, puisqu'ils sont recalés à l'entrée, soit par leur dossier scolaire, soit par leur manque de moyens. Parce qu'on le sait bien, dans la tête de cet homme, un voyou est un habitant de notre quartier, à Miho, Samuel et moi.

- Lisez bien la feuille, Monsieur. Il n'y a pas que cela.

Un bruit de froissement. Je l'imagine empoigner le papier sans la moindre grâce.

- Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez. Le témoin de l'accident qui a eu lieu en octobre était une vieille femme. Elle n'avait pas toute sa tête.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now