Janvier - 5

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J'aime beaucoup le lundi, parce que j'ai beaucoup d'heures en commun avec Rio. Contrairement à la physique qui a disparu de son emploi du temps, il a gardé la biologie pour une raison un peu étrange. Nos professeurs lui ont dit que lorsqu'il serait trop vieux pour jouer au football, il pourrait devenir kiné pour joueurs. Et pour se faire, il fallait absolument continuer les sciences. On ne fait pas vraiment d'anatomie, mais je ne vais pas m'en plaindre. Je l'ai avec moi, et on est côte à côte.

- Tu prends l'ascenseur avec moi ?

- Ouais. Je sais que c'est pas ce que tu préfères. Tu me soutiens avec le truc du bal, moi avec ça.

Je suis content qu'il ne fasse pas de hiérarchisation de nos problèmes, en se rabaissant encore une fois. C'est assez étrange, mais en ce moment, il n'est pas optimiste, comme à son habitude. Je dirais même qu'il est tout noir, et ça m'inquiète. J'aurais dû creuser un peu plus loin. Il n'y a pas que le truc du bal. L'autre chose qui le ronge le ternit au fil des jours. Alors, pendant que nous montons, même si ce n'est pas très long, j'en profite. Ça me change aussi les idées du fait d'être enfermé dans cette boite de conserve. C'est dommage qu'il n'y ait pas de fenêtres comme dans une voiture ou les vestiaires. Je pourrais aérer la pièce et immédiatement me sentir mieux.

- Il y a autre chose, hein ? commencé-je.

- Quoi ?

- Tu vois le verre à moitié vide en ce moment. Donc je me dis qu'il y a autre chose que... le bal. Est-ce que c'est vrai ?

Les portes s'ouvrent. Je me doute qu'il va sortir sans me répondre. Pourtant, il reste là et se plonge dans mes yeux. Encore une fois, il fait la même tête que lorsque sa Nana était en soin palliatif, et qu'il n'y avait plus rien à faire, sauf la soulager le plus possible.

- Oui. Mais je... je ne veux pas en parler. C'est trop... ça le rendrait trop réel. Je t'en supplie, n'insiste pas.

- Je te respecte. Je souhaitais simplement savoir.

Il hoche la tête, et j'avance vers lui, pour lui montrer que la discussion est close. J'aurais honnêtement préféré avoir tort. Et même si je ne connais pas tous les tenants et aboutissants, je me doute de quelque chose. Pour qu'il m'offre un visage si fermé et si triste, ça ne peut concerner qu'une seule personne. Sa mère.

Nous nous installons en biologie et son regard se dirige immédiatement vers la fenêtre. Moi, c'est pour me permettre de ne pas exploser, à cause de mes symptômes claustrophobes. Lui, c'est pour s'échapper d'ici. Je voudrais lui prendre la main, lui répéter que je suis là, mais je me ferais rejeter, puisque nous sommes à l'école. Et le rendre encore plus mal qu'il ne l'est déjà, ce n'est pas vraiment mon but.

Alors, j'attends patiemment que le professeur arrive, en griffonnant sur mon cahier. Ce sont des gribouillages de gros chats, qui ressemblent à Garfield. Il y en a un roux et blanc - enfin, dans mon esprit, puisque j'utilise uniquement un stylo noir - et un gris. Ils se battent, s'amusent avec des pelotes de laine très touffues, dorment dans des boîtes. En dirigeant mon regard vers Rio, je me mets à esquisser le chat de Schrödinger, qui hurle qu'il est vivant avec un tonitruant miaou ! dans une bulle.

- C'est marrant ce que tu dessines. Pourquoi le chat est coincé dans un carton ?

Je me tourne vers ma voisine et je sursaute. Depuis quand Daisy fait-elle partie de notre groupe de sciences ?

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Ça, c'est une surprise. Mais à partir de maintenant, je serais avec vous.

- Mais tu n'étais pas dans une classe supérieure ?

Elle baisse la tête. Oh. Je comprends. Parfois, après les vacances, ce genre de chose se produit. Les résultats aux examens ne sont pas assez bons, alors les personnes en section avancée comme Daisy redescendent d'un cran. Notre groupe n'étant pas complète, elle peut se le permettre. Je ne vais pas me plaindre ; ça me fait très plaisir de l'avoir avec moi.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now