Mai - 4

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(évocation d'un agression lesbophobe)

Il me sourit et je clique enfin sur le téléphone vert. Je prends mon air le plus assuré possible, et je salue l'homme - je n'ai jamais vu de femmes à ce poste et je trouve ça dommage. Je lui explique très rapidement la situation ; j'ai été accepté à Durham, je suis heureux de leur proposition, mais j'en ai une autre à leur soumettre. Je m'excuse faussement pour le culot, alors que je trouve que c'est normal. Et ensuite, je passe mon ordinateur à Samuel, pour qu'il plaide pour sa paroisse.

Je pensais mettre mes écouteurs pour tuer le temps, mais écouter le blond parler est un véritable plaisir. Il est doué, et ça ne m'étonnerait pas qu'il se soit entraîné devant un miroir, ou même avec sa sœur. Il se tient bien droit, regarde l'ordinateur avec confiance. Sa voix ne tremble pas lorsqu'il raconte son mensonge, sur sa chute dans les escaliers qui lui a valu sa fracture du tibia - il grimace lorsqu'il annonce qu'il a dévalé toutes les marches, comme s'il se souvenait de la douleur. Il dit que l'une des universités de son choix l'a déjà lâché, et qu'il a également émis un vœu sur leur campus en Irlande du Nord. Il joint, grâce à mon aide, les vidéos que le coach m'a fournies. J'ai été assez surpris lorsque je les ai regardées - j'étais trop curieux. Il y en a une qui est vraiment vieille, mais de tout le lot, ça a été ma préférée.

Je crois qu'elle date de notre year 12. J'étais encore insupportable comme garçon et, je pense, un poil trop arrogant. J'ai commencé à changer quand j'ai rencontré Daisy sur le toit de l'école. Et mon jeu s'en est ressenti. Pendant ce match, j'avais la tête ailleurs. Je ne sais plus à quoi je pensais, mais on peut très clairement voir sur la vidéo, même si elle est de mauvaise qualité, que je ne suis pas concentré. Je me suis laissé coincer et Miho aussi - ça m'a fait un pincement au cœur de le revoir sur le terrain avec moi. Et Samuel est entré en action. Il a dribblé tout un tas d'attaquants et de défenseurs et il a marqué un but d'anthologie. J'en avais été soufflé, parce que je jalousais son action. Normalement, ça aurait dû être moi. C'est pour ça que je n'ai pas protesté lorsque le coach l'a exclu du terrain pour insubordination.

À notre époque, j'aurais montré les crocs. J'aurais plaidé en sa faveur. Qu'on se fiche du poste attitré et des joueurs qui avancent trop sur le terrain. Tant que ledit joueur est bon, c'est l'important. Et j'aurais demandé à ce qu'il reste. Par respect pour son jeu, et son talent, même s'il ne veut pas le reconnaître.

Alors que ma tête s'amuse à me rejouer tout le match - et à me pointer mes erreurs -, je sursaute lorsque j'entends mon ordinateur se fermer. Je baisse les yeux vers le boîtier gris, puis vers les iris bruns. Ils sourient.

- Il va y réfléchir et en discuter avec les dirigeants de l'équipe. Je leur ai dit que j'étais prêt à jouer à n'importe quel poste et que je ne visais pas le professionnel. J'ai juste envie de continuer le football, de devenir biochimiste et de travailler dans un laboratoire pharmaceutique.

Je crois que je ne l'ai jamais vu aussi heureux. Ses joues rougissent et il fouille dans sa poche. Il va sans doute prévenir sa sœur.

- Désolé, je suis impoli. Mais il faut absolument que je lui dise.

- Oh, t'inquiètes. Je ne peux pas te dire que je comprends parce que ma relation avec mon frère est étrange, mais c'est normal d'annoncer la bonne nouvelle à Heather. Elle sera certainement fière de toi.

Il relève lentement les yeux vers moi, et débite, de but en blanc.

- Ce n'est pas elle à qui j'écris. C'est à mon...

Il s'arrête, respire un grand coup et je comprends. Je comprends de qui il s'agit, mais je lui laisse le temps de le dire - ou non d'ailleurs - parce que j'estime que c'est important pour lui.

Ciel d'automne [BxB]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora