Janvier - 9

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Sauf qu'il y a toujours la petite voix dans ma tête. Celle qui me répète que si j'annonce à Rio que Caroline est revenue en Irlande, il va se retrouver dans ses bras. Parce qu'un crush, parce que cet essai de relation, ça ne vaut strictement rien face au premier amour. N'importe qui me dirait que je suis stupide de penser ça, que ça ne marche pas de cette manière. Que le premier amour n'est pas indélébile. Mais pour eux, ça l'est. Même si Rio déclare le contraire, même s'il me répète que c'est parce qu'il s'est rendu compte que je suis au-dessus d'elle dans son cœur qu'il a su qu'il était amoureux, Caroline est toujours là. Il y a toujours du bleu clair dans l'orange. Et c'est ça qui m'effraie.

Je n'ai pas envie de lui demander de l'effacer à coup de gomme. Parce que forcément, ma couleur partirait avec. Mais j'en ai quand même peur. Je suis pris dans un sacré paradoxe. Je sais que le mieux, ça serait d'en parler à Caroline. De lui expliquer tout ce qui se passe entre Rio et moi. Qu'elle me rassure, qu'elle m'apprenne le mode d'emploi pour le garder auprès de moi. Qu'elle me donne des conseils. Mais je ne peux pas. Hormis le fait que mon petit-ami ne souhaite pas que notre histoire s'ébruite et que je le respecte, je ne veux pas qu'elle me pose la fameuse question.

- Au fait, comment va Rio ? Vous êtes toujours inséparables ?

Celle-ci. Celle sur ses nouvelles. Parce que je sais exactement ce que je vais faire. Je vais lui dire la vérité à elle, mais je vais m'enfermer dans le mensonge avec lui. Parce que j'ai la trouille, et que c'est en train de me bouffer. Pour encore reprendre une métaphore de l'anglais, l'étiquette, elle recouvre toute ma tête, voire toute ma personne.

- Oui, toujours. Bon, tu conviendras qu'avec ma magnifique monture, je ne peux plus jouer avec lui. Mais pour le reste, on ne s'est pas quittés.

- Je vous ai longtemps enviés. Parce que, même quand on sortait ensemble, il te regardait systématiquement d'une manière... je ne sais pas comment la décrire. Comme si tu étais le point de soleil dans son tunnel noir. Dès que tu apparaissais dans une pièce, lui, il s'illuminait, comme s'il était en résonance avec toi. C'est un truc que je n'ai jamais compris, mais que j'enviais. Parce qu'avec moi, il n'était pas comme ça. Je savais qu'il m'aimait de tout son cœur, ça, c'est certain. Mais je ne l'illuminais pas autant que toi.

Je la fixe, alors que nous avançons vers la boutique de Madame Ayase - elle se trouve dans le même quartier que la fleuristerie. C'est bien la première fois que j'entends ça.

- Parfois même je pensais qu'il s'était trompé, lorsqu'il m'a fait sa déclaration. Que c'est toi qui aurais dû être à ma place. Parce que pour moi, tous les sentiments qui le traversaient, c'était bien plus que de l'amour platonique de simple amitié. C'était même tout le contraire de platonique. Enfin, désolé si je pars un peu loin. Mes souvenirs sont juste en train de remonter.

J'avale ma salive. Elle sait, sans savoir. Alors, je lui accorde un peu de vérité. Parce qu'elle le mérite, et que ça me fera passer pour un con pas trop con non plus.

- Je l'aime. Tout court, je veux dire. Je m'en suis rendu compte avant que lui développe ses sentiments pour toi. Et je n'ai jamais eu le courage de le lui annoncer.

- Bon sang, ça a dû être une véritable torture pour toi !

Je ne m'attendais pas à ça. Elle me plaint. Son empathie me fait mal au cœur.

- Bah... j'étais incapable de te détester. Et ne pas contrôler ce qu'on ressent, quand ça concerne les sentiments amoureux, je connaissais ça. Tu es une fille bien, et je te considérais comme une amie. J'avais encore du mal à penser à cette magnifique, mais difficile phrase qui dit que lorsqu'on aime quelqu'un, la plus belle preuve d'amour qu'on peut lui faire, c'est de le laisser partir. Je n'arrivais pas à abandonner. Tu étais là, certes, mais je passais mon temps à me répéter que tu finirais bien par t'en aller, par te désintéresser de lui, ou même par le plaquer violemment pour un joueur de hockey ou de baseball. Je ne voulais pas briser votre couple, mais je l'espérais tout de même. Alors, quand tu es partie au Canada, j'ai été coupé en deux. Une partie était incroyablement mélancolique que tu nous quittes, car je t'aimais beaucoup. L'autre se réjouissait presque, parce que Rio allait être forcément triste de votre séparation forcée. Et vers qui allait-il se tourner pour se consoler ? Moi. À mes yeux, c'était l'occasion rêvée pour lui parler de mes sentiments.

Ciel d'automne [BxB]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz