Juillet - 10

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On approche de la fin, voilà la dernière grande scène.


- Rio, dépêche-toi, ou on risque d'être en retard !

Je m'observe une dernière fois dans le miroir. Aujourd'hui, c'est la dernière fois que je vais à Clear Lake. C'est la dernière fois que je franchis ses portes. C'est la dernière fois que je suis Rio Hardy, élève de year 14, attaquant dans l'équipe de foot et son capitaine. À partir de demain, je serais juste Rio Hardy, sans la moindre étiquette se rapportant à l'école. Je suis pressé, et en même temps mélancolique de cette période. Même si la fin de l'année n'était pas de tout repos, je sais que ça va me manquer.

- J'arrive !

Je suis le seul dans ma famille à être diplômé d'une Grammar School. Les trois autres sont allés dans des écoles normales pour finir leur scolarité, et papa n'a même pas passé les A-Level. De plus, j'ai été accepté dans une université prestigieuse et ça, ils n'arrivent pas à s'en remettre. Maintenant, je pense à ma remise de diplôme dans quelques années. Ça sera encore plus grandiose que maintenant.

Je sors enfin de ma chambre et avale la distance qu'il me reste jusqu'à la porte en quelques pas. Mes parents m'attendent, avec mon frère et sa fiancée. Ils sont bien droits, et me sourient niaisement. C'est presque dérangeant, mais je ne fais aucune remarque. Je n'ai pas envie de les vexer en un jour pareil. Ça ferait de moi quelqu'un de particulièrement ignoble.

- Ça y est ? T'as fini de t'observer dans le miroir ?

Je tire la langue à Paxton, qui en profite un peu pour se moquer de moi. Il fait jouer notre différence d'âge, en racontant qu'à son époque, les toges n'étaient pas aussi sophistiquées, et qu'on se fichait un peu de l'allure que l'on avait. Je ne le crois pas le moins du monde, alors je hoche la tête et je passe devant toute la petite assemblée. Comme j'ai déjà mes chaussures aux pieds - les mêmes que pour aller au bal -, je déclare.

- Bon, vous venez ?

Papa lève les yeux au ciel et me devance pour ouvrir la voiture. Nous nous entassons à cinq dedans, et je suis relégué au milieu, comme je suis le plus petit en âge. La logique aurait voulu que ça soit maman qui se retrouve ici, mais il était hors de question que je lui impose ça. Même si son cancer semble avoir déserté son corps, elle est encore fragile, et elle est épuisée par son travail.

Elle a repris à mi-temps, juste après notre retour de Durham. Le premier jour, elle était nerveuse comme une jeune diplômée commençant son nouveau job. On l'a encouragée de toutes nos forces, et je suis même allé à son cabinet le midi pour manger avec elle. Elle n'a pas repris les tournées, et s'occupe des patients qui viennent les voir dans leur local, à ses collègues et elles. Certains de ses pépés et mémés ont fait le déplacement juste pour la revoir. Ça m'a fait chaud au cœur, même si je sentais bien qu'elle n'allait pas fort. Le soir, elle s'est endormie comme une pierre avant vingt et une heures.

Le désavantage d'être au milieu, c'est que tout le monde peut voir ce que je suis en train de faire. Or, dans mon cas, c'est envoyer un message à Miho. Je déteste très clairement lorsqu'on s'amuse à lire au-dessus de mon épaule et qu'on se moque de moi parce que je suis incapable de lâcher mon petit ami.

A : Ljubavi moja

> Tout va bien pour toi ? Vous êtes dans la voiture ?

> Oui. On vient d'y entrer. Viktor fait la gueule parce qu'il n'a aucune envie de venir, et Abigail ne parle pas. Je ne sais pas ce qu'elle a, et elle ne veut rien dire aux parents. Du coup, je te préviens tout de suite, l'ambiance n'est pas au beau fixe.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now