Chapitre 35 Discussion

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Tout se déclencha simultanément, et la situation dégénéra en un instant. J'eus à peine le temps de crier "va t'en" au jeune que je sentis mon pouvoir enfler dans ma poitrine. Le processus de destruction était lancé et ne pouvait s'arrêter. J'espérais simplement qu'il ne se contente que de m'éliminer moi, et pas mon visiteur. Tandis que ces pensées fusaient dans mon esprit, le jeune homme me fixait, et son visage se plissa d'horreur soudainement. Je ne distinguais pas ses mots, mais d'un coup, surgit devant moi un fléau gigantesque et monstrueux. Sa menace était telle que je me figeais sur place et je sentis mon pouvoir hésiter. Le fléau me dominait, silhouette difforme et bizarrement humanoïde, et hurlait avec une voix féminine des menaces à mon égard. Le jeune essayait de s'éloigner de moi, dans une attitude désespérée, et je compris alors qu'il tentait d'attirer le fléau loin de moi, afin de me protéger. C'était bien la première fois que cela m'arrivait ! Je compris alors que le fléau était attaché à ce gars et qu'ils étaient liés d'une manière ou d'une autre.
Mes réflexions furent interrompues par une douleur soudaine dans ma poitrine : le pouvoir censé me détruire de l'intérieur cherchait à sortir de moi, réagissant à la présence du fléau. C'était catastrophique : mon pouvoir, réagissant habituellement à l'énergie maudite des fléaux en dévastant tout sur son passage, était tourné vers moi même, et une lutte entre ma volonté de mourir, et celle inconsciente de mon pouvoir de me protéger s'engagea. Mon énergie était scindée en deux, s'opposant à elle même dans un duel de volontés qui échappait à mon contrôle. J'étais concentrée sur ce qu'il se passait à l'intérieur de moi et ne vit pas le fléau me frapper. Je roulais dans l'herbe humide complètement sonnée, la poitrine toujours vrombissante de la bataille intérieure. Une tension infernale enflait dans mon thorax et j'avais l'impression que j'allais exploser. Je me relevais tant bien que mal, hagarde au milieu de la clairière éclairée par la lune, pour observer un jeune garçon embrasser un fléau répugnant. Je ne réagis pas à cette scène, je n'étais plus que vaguement consciente car le tourbillon d'énergie à l'intérieur de mon corps me court circuita d'un coup. Tout devint noir et je m'ecroulais, espérant avoir réussi mon coup.

Je me réveillais à l'infirmerie, devant une Shoko très inquiète, qui me tatait le front. Je me sentais encore un peu mal mais rien à voir avec la douleur de me savoir toujours vivante.

- Comment tu te sens ?

- Mal.

- C'est à dire ?

J'observais Shoko, et ne savais si je devais lui dire la vérité. C'est alors que la réalité de mon action me frappa d'un coup, et je me rendis compte que je venais vraiment d'essayer de me suicider. J'étais déterminée à mourir il y a quelques instants !? Mon corps se couvrit d'une sueur glacée et je me mis à pleurer. Je n'en revenais pas : j'avais l'impression de retrouver mes esprits après une période cauchemardesque où je n'étais plus capable de vivre. C'était la première fois que je ressentais l'envie de mourir, et j'étais terrifiée d'avoir failli réussir. Si le jeune homme n'avait pas été là, j'aurais mis fin à ma vie.
Il me fallut beaucoup de courage pour expliquer cela à Shoko, qui me serra de plus en plus fort la main au fil de mon récit décousu, ponctué de reniflements. J'étais abasourdie de ce revirement soudain d'attitude, j'avais l'impression que le nuage de déprime qui pesait sur mon esprit depuis des semaines s'était délité d'un coup, me laissant enfin respirer. Je me rendais compte à quel point j'avais plongé profondément dans les eaux sombres d'une dépression rapide et de ses effets délétères. Avoir perdu tous mes repères avait brisé les rambardes de sécurité qui maintenaient mon envie de vivre et j'étais effarée de voir à quel point mon état s'était dégradé rapidement. 
Mon explication terminée laissa Shoko pensive, et elle se leva, très préoccupée, chercher quelque chose. Alors que je restais seule, encore perturbée, je vis le jeune homme se glisser dans la pièce timidement et s'approcher de moi puis s'arrêter à distance de mon lit. Il avait l'air terriblement gêné et contrit. Je brisai le silence car sa présence piquait ma curiosité malgré les trémolos dans ma voix.

Seule reste la poussière (OC X Nanami Kento, "Je")Where stories live. Discover now