Chapitre 68

35 2 10
                                    

Seule avec mon père, je savourais le calme revenu, à peine dérangé par les piaillements énervés de ma mère dans la pièce d'à côté qui s'agaçait sur l'imprimante. Celle-ci ne marchait pas, comme toutes les imprimantes du monde qui refusent systématiquement de faire ce qu'on leur demande lorsque c'est indispensable et urgent. J'étais amusée de la voir se comporter aussi naturellement, en temps normal elle n'aurait pas montré cette facette là de sa personnalité car elle restait toujours professionnelle devant des inconnus, mais il semblait qu'elle avait adopté Nanami comme nouveau membre de notre famille sans rechigner. En tout cas, elle ne faisait pas semblant avec lui, et ne jouait pas à la femme parfaite, en s'énervant et réagissant comme à son habitude. J'étais soulagée de voir que mes parents l'appréciaient, même si une heure n'était pas suffisante pour juger une personne. Mon père brisa le silence, interrompant ma réflexion.

- Il a l'air bien ce garçon. Comment as tu dit qu'il s'appelle ?

- Nanami Kento. C'est un exorciste. Et mon amoureux. 

Mon père se tu, laissant mariner sa question et je ne le brusquais pas. Il voulait rajouter quelque chose mais n'osait pas, et le connaissant bien, je lui laissais le temps de trouver le courage de me poser sa question fatidique. Question qui arriva au bout de 5 bonnes minutes.

- Es-tu heureuse ?

Question qui me prenait totalement au dépourvu. Je ne savais pas quoi répondre, aussi me contentais-je d'un simple :

- Euuuh...

Il me regarda, et je fixais ses petites rides aux coins de ses yeux, incapable de trouver une réponse qui le satisferait.

- Ne réfléchis pas Mauricette. Sois honnête avec moi, s'il te plaît. J'ai envie de savoir ce que tu ressens maintenant. Donc je répète ma question : es tu heureuse, là, tout de suite ?

Oh oh oh. Mon père avait clairement choisi d'appuyer là où ça faisait mal, et de me forcer à réfléchir à comment je considérais ma vie actuelle. La conclusion était douloureuse :

- Non. Pas vraiment.

Il posa sa main sur mon épaule.

- Ma chérie.. je suis désolé que tu aies eu à vivre ça, tu as dû être terrifiée. J'aurais aimé être près de toi pour te rassurer et t'aider à ce moment, je.. . Je me souviens que tu nous avais prévenus que quelque chose s'était passé mais comme tu n'avais pas dit grand chose, nous ne nous sommes pas vraiment alarmés.

Les larmes que je pensais évaporées revinrent se loger dans mes yeux, et je me retrouvais à hoqueter dans les bras de mon père. Je pleurais sur toute ma souffrance, la réalité de ma nouvelle vie et le deuil de l'ancienne. En y réfléchissant bien, entre deux reniflements, je me rendis compte que même avant je n'étais pas franchement heureuse, j'étais juste abrutie par la routine et la monotonie. Cependant, les changements abrupts qui avaient surgit dans mon quotidien ne m'enchantaient absolument pas et je me retrouvais bien plus malheureuse qu'avant. La seule chose qui me faisait tenir, c'était Nanami. L'aimer était le phare de ma nouvelle existence, bien que parier mon bonheur uniquement là-dessus n'était pas sain. Si jamais ma relation avec lui s'étiolait, je ne savais pas comment j'allais faire pour survivre. Il fallait que je trouve un meilleur équilibre de vie plutôt que de me contenter de subir toutes ces décisions prises sans moi. J'en avais marre de me cacher, de vivre enfermée à devoir constamment faire attention à mes actes, bien que je sache parfaitement que cette obligation était sensée au vu de mes actions passées. Malgré tout, avoir perdu ma liberté et devoir gérer ma culpabilité me rendaient bien plus frustrée que je ne l'avais jamais été. Et je ne savais pas comment évacuer ces sentiments, cette colère qui me parasitait, au point de me réveiller la nuit quand ce n'était pas à cause d'un cauchemar où je me faisais tuer. Il fallait absolument que je me trouve un psy, ma santé mentale était trop fragile. Avoir le soutien de mes parents et de mon amoureux était une chose, mais travailler sur soi même et ses traumas restait nécessaire.

Seule reste la poussière (OC X Nanami Kento, "Je")Where stories live. Discover now