Chapitre 75

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TW : mention de viol, violences et meurtre.

Le silence qui suivit sa déclaration était lourd de sens. Je retournais les paroles de Geto dans ma tête, me demandant comment il avait pu être aussi juste dans son raisonnement à propos de ma sécurité à l'école. Ceci dit, je n'étais pas dupe, il était tout aussi dangereux qu'eux, mais ça faisait mal de comprendre qu'il m'avait dit la vérité. 

- Je comprends mieux pourquoi nous n'avons pas trouvé d'informations sur mon ancêtre.. Si les exorcistes cherchent à éliminer ma lignée, pas étonnant que les documents la concernant aient disparu. 

Nanami pâlit plus encore. J'étais perdue devant toutes ces révélations, je ne m'attendais pas à remettre en question toute ma vie depuis mon arrivée à l'école d'exorcisme de Tokyo en venant ici, mais je ne pouvais plus me voiler la face. J'enfonçais mon visage dans mes mains, prenant le temps de souffler et de me calmer avant de me redresser face à Aella.

- Bon. Raconte moi tout ce qui me concerne s'il te plaît. Ne néglige rien, j'ai besoin  d'informations et je suis restée dans l'incertitude trop longtemps par leur faute. Dis toi qu'ils ont attendus 2 MOIS pour me dire que j'étais maudite et que le fait que toutes mes missions tournent à la catastrophe et que je manque de finir en charpie à chaque fois n'était pas NORMAL ! Je n'en peux plus des secrets, des mystères, de ne pas savoir si je suis une meurtrière ou non, de pourquoi on essaie de me tuer, etc .. . Pitié, parle ! 

J'étais au bord des larmes en finissant ma phrase, dépendre autant de la bonne volonté d'autres pour obtenir quelques miettes d'informations vitales m'exaspérais. Soeur Aella sembla comprendre ma détresse et ne chercha pas à tourner autour du pot.

- Bon, je vais commencer par le début et ensuite je te poserai des questions sur ce qu'il t'est arrivé précisément, histoire de mieux cerner les tenants et aboutissants. Ça te va ?

Je hochai la tête, toute ouïe. Mes parents se rapprochèrent, avançant leurs chaises et Nanami s'agita à côté de moi. Je sentais bien qu'il voulait m'enlacer mais il n'osa pas me toucher. Je restais immobile pour ma part, encore en colère contre l'école et lui par extension. Aella se racla la gorge et entama son long récit.

- Notre ancêtre Kanoko n'avait rien de spécial, elle n'était qu'une simple paysanne dans un village perdu du Japon et élevait difficilement ses filles. Elle en avait 5, issues du même mariage. Son mari est mort peu après la naissance de la dernière et elle a dû tout prendre en charge pour survivre. Elle a beaucoup bataillé et s'en est sortie avec difficulté mais elle a réussi à obtenir un contrat officiel avec une partie de la petite noblesse, ce qui l'a sortie de la pauvreté. Sa détermination et son travail acharné en plus de son statut de veuve lui ont valu une place respectable dans son village, et elle a gagné en pouvoir politique peu à peu, à une époque où les femmes étaient reléguées à la maison et n'avaient aucun droit. Son veuvage l'a libérée, et elle a commencé à éduquer ses filles autrement, en les incitant à parler haut et fort, à être maîtresses de leurs vies. Oui, c'était précurseur à l'époque, elle avait un sacré tempérament pour inciter ses propres filles à désobéir aux usages courants.  La logique aurait voulu qu'elle se dépêche de faire marier ses filles en espérant que la dot suffirait à faire vivre le reste de sa famille, mais elle a choisi une voie bien plus ardue. Bref, Kanoko était une femme de caractère et cela a commencé à faire jaser, entre jalousie et haine pure et dure. Une partie du village s'est ligué contre sa famille car refusait qu'elle ait du pouvoir en raison de son sexe. Ils ont lutté verbalement, et ça en serait resté là s'ils s'étaient contentés de la snober, mais non. Leur choix est à l'origine de l'évènement qui a des conséquences sur nos vies d'aujourd'hui. 

Elle bu une gorgée de thé avant de reprendre après cette pause dramaturgique.

- Quelques habitants qui la haïssaient ont monté un guet apens pour la faire tomber et la "remettre à sa place de bonne femme". Ils sont allés baver sur elle à ses employeurs, expliquant qu'elle n'était pas digne de confiance et qu'elle était dangereuse. Kanoko avait une particularité : elle pouvait voir les fantômes et parler aux morts. Elle ne s'en était jamais servie ouvertement de peur de se faire tuer, mais quand son mari mourut, la laissant pauvre et désemparée, elle trouva un moyen de l'utiliser en allant voir les nobles pour résoudre leurs problèmes. Elle jouait à la voyante en fait.. Et elle était efficace ! Sa renommée lui a permis d'élever ses filles et de devenir importante, mais personne au village ne connaissait son secret. Forcément, les gens ont voulu savoir, et sans réponse claire, ils ont menti et ostracisé sa famille par jalousie. 

Seule reste la poussière (OC X Nanami Kento, "Je")Where stories live. Discover now