Chapitre 1 : Bataille dans les champs

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 Rongée par l'inquiétude, une elfe noire d'un âge moyen se tenait dans sa cuisine et observait l'extérieur depuis sa fenêtre. Depuis plusieurs semaines, son champ était visité par un sanglier géant. La bête était bien plus grosse qu'un sanglier normal et tout ce qu'elle pouvait faire d'elle-même pour le repousser était insuffisant.

L'un de ses amis lui avait alors conseillé de déposer une requête au hall des musiciens le plus proche. Contre une certaine somme, un groupe pouvait venir et régler son problème. Pour eux, une telle créature ne devait être qu'une formalité.

Celui qui avait répondu à son appel avait en effet l'air compétent. Ils possédaient de grands pouvoirs, étaient agiles et repoussaient aisément les charges de créature à la taille démesurée.

Cependant... Cependant... Est-ce qu'ils étaient vraiment obligés de combattre au milieu de ses salades ?! Ils n'avaient commencé leur combat que depuis quelques minutes et avaient déjà ruiné la moitié de ses récoltes ! C'était à se demander si elle aurait mieux fait de laisser le sanglier faire plutôt que de faire appel à cette équipe de bourrin !

L'une de ces bourrins était justement face à la bête qui la chargeait. Armée d'une simple rapière, Elyazra abordait un large sourire, prête à en découdre avec cette bête. La demi-dragonne se tenait prête à lui planter sa lame pile entre les deux yeux.

Encore un peu... Un peu... Un peu... Parfait ! Il ne lui restait plus qu'à allonger le bras et... avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, Elyazra fut poussée sur le côté. Ne comprenant pas ce qui venait de se passer, la jeune femme vit rapidement que Rael s'était jeté sur elle pour lui éviter de se prendre la charge.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Eh bien, je te sauve. Tu allais te faire embrocher.

— Écoute mon chéri, je sais que tu penses à mon bien-être, mais il y a une différence entre me sauver et m'empêcher de m'amuser.

Voyant l'incompréhension se dessiner sur son visage, Elyazra sourit et l'embrassa. Pendant ce temps-là, la bête avait choisi sa nouvelle cible et s'attaquait à Guard. Le sanglier n'ayant pas pris autant d'élan qu'à la charge précédente, le satyre réussit à la contenir et l'immobilisa assez pour que Syara, qui jouait de son violon un peu plus loin, puisse l'attaquer.

Une lame de vent partit de son archet droit sur la bête, mais son cuir était visiblement trop épais pour être entaillé de cette manière. Cette créature était vraiment plus résistante qu'un simple sanglier qui aurait normalement été coupé en deux par une telle attaque. Non, c'était l'attaque qui n'était pas assez puissante par rapport à d'habitude.

— Dites, c'est un champ pour faire pousser des légumes, pas des enfants ! s'exclama Guard à l'attention du couple qui s'embrassait tout en repoussant la bête.

— Si ça te dérange, détourne le regard ! hurla Elyazra. C'est pas vrai, on ne peut même pas avoir un peu d'intimité !

— Ça n'est ni le moment, ni l'endroit ! réprimanda Syara.

Visiblement à bout à force de faire des charges infructueuse, le sanglier resta au corps à corps avec Guard et commença à donner des coups dans tous les sens. Le satyre para ou esquiva comme il le pouvait jusqu'à ce qu'un dôme lumineux n'enferme la bête.

— Bien joué Phi !

Enfin relevée, Elyazra se rendit jusqu'à la protection qui servait ici de prison et pointa sa rapière entre les yeux du sanglier. Il ne restait plus qu'à créer une petite brèche pour laisser passer la lame.

— Franchement, c'est beaucoup moins drôle comme ça, commenta la demie-dragonne.

À ces mots, Elyazra passa sa lame dans le trou apparu dans le dôme et traversa avec une facilité déconcertante le crâne de la bête. Celle-ci s'effondra immédiatement sur le sol, morte. Les cultures de leur cliente ne risquaient plus rien.

— Bien joué tout le monde ! félicita Rael.

Tandis que Phi s'approchait, heureuse d'avoir été utile pour autre chose que protéger les autres, Syara, elle, restait dans son coin à l'orée de la forêt d'où était apparu le sanglier monstrueux. La beast paraissait soucieuse et regardait son violon d'une étrange manière.

— Tu devrais aller lui parler, conseilla l'elfe noir à son amie.

— Quoi ? Pourquoi moi ?

— Parce que tu es sa sœur.

— Peut-être, mais tu connais mon tact. Si j'y vais, ça va empirer les choses ! Argumenta la demie-dragonne.

— Je vais lui parler, décida Guard.

Soulagée de ne pas avoir à faire cela, Elyazra observa le satyre s'approcher de la beast. Syara s'était assise, adossée à un arbre et continuait à observer son instrument avec une expression soucieuse.

— Ça ne va pas ?

— Comme d'habitude depuis que nous avons vaincu ma mère, souffla-t-elle. Les sorts que j'arrive à lancer sont d'une faiblesse affligeante. Avant ça, ma lame de vent l'aurait coupé en deux ! Là, je n'ai même pas réussi à passer sa peau.

— Ça va revenir. Tu as été fortement affectée par ce qui s'est passé là-bas, voilà tout.

— J'ai fait mon deuil ! s'énerva-t-elle.

— Vu comment tu réagis, ça n'est pas vrai. Et quand bien même, je ne te parle pas de ça. Tu as fait appel à des sorts extrêmement puissants pour refermer ce portail. Je ne serai pas étonné si cela impliquait une longue période où tu te sens à plat et où tes sorts ne sont pas à la hauteur de tes attentes. Je n'ai qu'un conseil à te donner. Repose-toi.

— étrangement, je le suis bien plus depuis que nous avons changé d'appartement. Ne pas avoir cette ivrogne pot de colle chaque nuit à côté de moi est très reposant.

— Tu es dure avec elle.

— J'ai le droit, c'est ma sœur ! Quoi qu'il en soit, ça ne peut plus durer. À notre retour à Léfarène, j'irai voir des mages soigneurs pour voir s'ils peuvent faire quelque chose pour moi.

— Bonne idée. En attendant, viens avec nous fêter notre victoire et féliciter Phi, elle le mérite.

— C'est vrai, admit Syara. Elle a très bien combattu.

Après avoir rangé son violon, la beast accepta la main tendue par son ami. Ensemble, ils retournèrent auprès du reste du groupe et complimentèrent de nouveau Phi sur l'action qu'elle venait de faire.

La jeune fée était peut-être encore maladroite et réservée, mais elle prenait de plus en plus d'assurance. Bien qu'elle puisse douter de son utilité, elle avait parfaitement sa place dans un tel groupe qui ne cessait de lui rappeler et qui l'encourageait.

Pendant qu'ils se réjouissaient de leur victoire, l'elfe noir qui les avait engagés s'approcha d'eux. Vu qu'elle avait assisté à tout le combat depuis chez elle, elle savait que la menace pour laquelle elle les avait engagés avait été vaincue.

— Mission accomplie ! s'exclama Elyazra avec un large sourire à son intention.

— Vous avez ruiné mon champ ! Hurla l'agricultrice, furieuse. Vous avez réussi à faire pire que cette bête !

— Oups... déglutit la demie-dragonne en se rendant compte de l'étendue des dégâts qu'ils avaient causés.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant