Chapitre 19 : Devant le conseil de la résistance

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 Continuant à marcher auprès du dragon dans les rues de la ville, Cristal avait l'impression de participer à une procession punitive. Tous les éléments y étaient. Un accompagnateur qui s'assurait que personne ne s'en prenne à elle, mais qui marchait lentement pour qu'elle ait le temps de subir ce qu'on lui avait réservé, une foule en colère qui en avaient eu assez de cracher devant elle et ne se gênaient plus pour le faire directement sur elle quand ça n'était pas un fruit pourri qui la heurtait, une douleur de plus en plus vive et une grande difficulté à marcher pieds nus.

Elle avait beau se dire qu'elle méritait ça en tant que membre de la famille royale du peuple qui les faisait tant souffrir, pour un enfant de dix ans, il s'agissait tout de même de quelque chose de difficilement supportable.

Elle résistait du mieux qu'elle pouvait pour ne pas fondre en larmes, mais ne pouvait s'empêcher d'en verser une occasionnellement. Ce calvaire ne prit fin que lorsqu'ils furent arrivés en plein cœur de la ville où le dragon la fit entrer dans un bâtiment qui n'était certainement pas une simple habitation au vu de sa taille.

— Il n'y a vraiment aucun elfe qui se soit rangé de votre côté ? Personne de mon peuple qui vit ici ?

— Nous avons quelques partisans à la surface, mais nous avons fait en sorte que cet endroit soit inconnu de ton peuple. Nous ne pouvons nous permettre d'y faire entrer un espion.

— Et si l'espion n'est pas un elfe ? Je ne veux pas semer le doute ou la discorde, mais ne pas envisager une telle chose serait faire preuve de naïveté.

— Crois-moi, nous avons fait le nécessaire pour être certain que chaque personne qui se trouve ici soit quelqu'un de confiance, au moins sur ce point là. Contrairement à ce que tu peux penser, ne pas être un elfe et loin d'être le seul critère pour pouvoir entrer dans cette ville ou même avoir conscience qu'elle existe. Maintenant entre, ils t'attendent.

— Qui ?

— Je te l'ai dit. Ce que tu deviendras dépendra de tes choix. Considère que les personnes derrière cette porte sont ceux qui te jugeront sur ces choix.

Voilà qui était rassurant, souffla-t-elle intérieurement. De toute façon, elle n'avait pas le choix. Il fallait bien qu'elle passe par là pour avoir une chance que la situation s'améliore. Cristal allait pour tourner la poignée, mais se ravisa et préféra frapper à la porte. Mieux valait qu'elle soit prudente et ne donne pas comme première impression le sentiment qu'elle voulait s'imposer à eux.

— Entrez ! Entendit-elle.

Cette fois-ci, la jeune elfe ouvrit la porte et se retrouva dans une grande salle ou l'élément central était une table ronde géante en pierre. Une dizaine de sièges y étaient répartis autour. Il n'y avait pas véritablement de logique qui sautait aux yeux quant aux personnes qui y siégeaient. Certaines races étaient représentées plusieurs fois, d'autres étaient absentes. La majorité était des hommes, mais on ne pouvait pas dire non plus qu'il manquait la présence de femmes. Certains étaient musclés, d'autres frêles, des biens habillés, d'autres en haillons. Ce conseil était des plus étranges.

— Cristal ! s'exclama une voix familière.

Jusque-là assise sur un siège en retrait, comme une trentaine d'autres personnes, Mélyne accourut auprès d'elle. La jeune elfe faisait peine à voir, les pieds en sang et recouverte de la tête aux pieds de crachats et de restes de fruits pourris.

— Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ?

— J'ai... Permis aux habitants d'ici d'extérioriser un peu leur colère, répondit-elle. Si ça leur a fait un peu de bien, c'est le principal.

— Acolar, ne me dis pas que tu l'as faite venir à pied jusqu'ici !

— Et pourquoi pas ?

— Tu as vu dans quel état elle est ? Tu crois que c'est comme ça qu'on va réussir à s'en faire une alliée ? Tu crois qu'elle va avoir envie de nous aider après ça ? Tu aurais très bien pu la prendre avec toi sous ta forme dra...

— Jamais ! s'emporta-t-il. Jamais je ne servirai de monture à une elfe !

— Ça n'est pas grave, je t'assure, la rassura Cristal qui ne voulait pas être source de conflit. S'il y a un endroit où je suis autorisée à me rendre et où je peux me laver, alors je m'y rendrai après. Ces personnes ont dû subir des choses que je n'ose même pas imaginer à cause des elfes, alors je ne leur en tiens pas rigueur.

— Mais tu n'es en rien responsable de ce qui leur est arrivé.

— Une elfe est une elfe, lança une personne dans l'assemblée qui se trouvait à l'écart de la table.

— S'en est assez ! Tonna un elfe noir assis à la table. Avance, elfe !

Sans réfléchir un instant, Cristal se rendit jusqu'à la table. Comme lors de sa longue procession, elle garda la tête et les épaules basses pour ne pas donner une impression hautaine et dédaigneuse.

— Dis-nous. Sais-tu pourquoi tu es ici ?

— Dans cette pièce en particulier, pas vraiment. Tout ce que je sais, c'est que vous êtes ceux qui avez mon sort entre vos mains. Dans cette ville, j'ai ma petite idée avec les conversations que j'ai pu avoir. Dois-je développer ?

— Chaque mot qui sort de la bouche d'un elfe est une véritable torture, râla une personne de l'assemblée.

— Qu'on lui coupe la langue ! s'exclama un autre.

— Développe. Dis-nous ce que tu penses savoir sur la raison de ta présence dans cette ville.

— Mon père, le roi des elfes, a voulu me tuer lors de ma cérémonie de matérialisation de mon instrument. Il l'a fait par peur de ne pas pouvoir me contrôler lorsque j'aurai développé mon plein potentiel et m'a laissée pour morte. Mélyne, qui était à la fois ma servante et agissait en même temps pour vous a considéré que je n'étais pas comme mes frères et sœurs et que je pouvais vous aider à faire avancer votre cause.

— Et quelle est notre cause ?

— Que les elfes arrêtent de considérer les autres peuples comme des êtres inférieurs. Cela doit passer par la destitution de la famille royale et de l'aristocratie en général.

— Qu'elle est naïve, rit une femme à la table. Si elle n'était pas une elfe, elle en serait presque touchante.

— Si j'ai dit quoi que ce soit de faux, je m'en excuse et je suis prête à entendre ce pourquoi je suis réellement là.

— Dans l'ensemble, tu es plutôt dans le vrai, répondit la même personne. À un détail près. Nous ne voulons pas que les elfes nous considèrent comme leurs égaus. Nous voulons qu'ils disparaissent, purement et simplement de la surface de ce monde. Que ces engeances maléfiques crèvent toutes jusqu'au dernier !

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant