Chapitre 20 : Tension au conseil

158 48 3
                                    

 Face à cette révélation, Cristal ne pouvait qu'être choquée. Se battre pour que toutes les races soient égales était une chose, anéantir celle dominante, la sienne, en était une autre. Ce point de vue était cependant acclamé par beaucoup de monde installé dans les tribunes en retrait.

— Si tels sont véritablement vos intentions, alors vous pouvez finir ce que mon père avait commencé, annonça-t-elle.

— Vous voyez, on ne peut pas se fier à une elfe. Encore moins à une gamine issue de la famille royale.

— Je te rassure, je voulais uniquement savoir comment tu réagirais si nous t'annoncions ça, intervint l'elfe noir qui avait parlé en premier. Bien que cette idée extrême ait traversé l'esprit de nombreuses personnes, ça n'est pas ce que nous comptons faire.

— Parle pour toi. Si je croise un elfe...

— Tu le tueras ? Et si tu croises un enfant elfe ? Un qui sait à peine marcher. Un qui n'a pas été imprégné par leur culture ? Tu lui planteras une dague dans la gorge ?

— Je...

— Si leur domination était naturelle, instinctive, alors ce serait une nécessité. Mais ça n'est pas le cas. C'est dans leur culture, dans leur éducation. Les exterminer jusqu'au dernier réglerait le problème, mais serions-nous réellement dignes du monde que l'on aurait récupéré ? Ne serions-nous pas devenus des monstres bien pires qu'eux ? Notre mission est de couper les branches pourries, de soigner celles qui peuvent encore l'être et de préserver les branches saines, comme elle.

— Elle ? Elle fait partie de la famille royale ! Tu m'as demandé si j'étais capable de tuer un enfant elfe qui sait à peine marcher, et bien s'il vient de cette famille, oui. Et je le ferai même avec le sourire !

— Cristal n'est pas comme les autres, la défendit Mélyne.

— Foutaise ! Elle est aussi corrompue que son père et ne tardera pas à le rejoindre pour lui lécher les bottes si elle en a l'occasion !

— Il a tué ma mère ! Hurla Cristal, faisant planer un silence de plusieurs secondes sur l'assemblée. Vous pouvez dire que je suis corrompue. Vous pouvez dire que ma famille est irrécupérable. Vous pouvez dire que je ne vaux pas mieux qu'eux. Vous pouvez me détester, me cracher dessus, me lancer des fruits pourris ou même des pierres au visage, je m'en moque. Mais si je rejoins un jour mon père, ça ne sera pas pour lui lécher les bottes, mais pour lui faire la même chose qu'il a fait à ma mère.

— Qui t'a donné l'autorisation de parler ? Gamine pourrie gâtée arrogante !

— Vous voulez de l'arrogance ? En voilà ! Si mon père a voulu me tuer, c'est parce qu'il avait peur de mes pouvoirs et vous, si vous êtes cachés sous terre, c'est que vous n'avez aucun moyen de le vaincre. Je suis donc la meilleure chance pour vous de vous débarrasser de lui. Alors soit vous me dites ce que vous attendez de moi, soit je remonte à la surface et je trouve un moyen de le tuer... Seule. Je ne suis cependant pas certaine qu'une elfe qui revient sans aucun soutien pour tuer son père fasse bien avancer votre cause. Alors ? Qu'est-ce que vous choisissez ?

— Je vais la tuer maintenant, ça sera réglé, décida-t-elle en se levant.

— Allez-y. Mon père vous enverra même une lettre de remerciement s'il l'apprend.

— Mais tu vas la ferm...

— Assez ! Tonna l'elfe noir. Isphiale, tu retournes tout de suite à ta place !

— Non je vais...

— Quoi ? La punir ? La tuer même ? Après tout le mal qu'on s'est donné pour la récupérer et la transporter pour la soigner ? Tu la touches et ta tête roulera sur le sol avant la sienne. Elle s'est peut-être emportée, mais tout ce qu'elle a dit est vrai. Elle a une très bonne raison d'en vouloir au roi et elle est notre meilleure chance de le renverser. De plus, d'après le témoignage de Mélyne, elle a beau faire partie de la famille royale, elle n'a jamais levé la main sur qui que ce soit et ses idéaux coïncident avec les nôtres. Alors tu retournes t'asseoir et tu la fermes ou tu te barres et tu perds définitivement ton siège du conseil.

— à quoi bon siéger à ce foutu conseil vu que c'est toi qui prends toutes les décisions.

Passant à côté de Cristal, l'enragée ne manqua pas de la bousculer violemment au passage. Elle se rendit ensuite jusqu'à la porte qu'elle franchit sans hésitation avant de la claquer derrière elle. Ce coup de sang avait jeté un froid dans la grande salle. Cristal se disait que cela aurait clairement pu se passer mieux, mais comment aurait-elle pu réagir autrement face à une personne qui la considérait coupable d'avance ? Elle voulait bien se taire face à la population, mais ne pouvait rester sans rien dire alors qu'on lui demandait justement de parler !

— Je te prie de m'excuser et surtout de l'excuser. Comme tu as pu le constater, sa position est très extrême, mais son passé n'aide pas non plus à ce qu'elle accorde le bénéfice du doute à un elfe, surtout à la famille royale.

— J'ai appris récemment quels monstres étaient mes frères et mes sœurs, répondit-elle en baissant les yeux. Encore maintenant, j'ai du mal à le croire, mais si c'est vrai, il est clair qu'ils devront payer pour tout le mal qu'ils ont fait et qu'ils continuent de faire. Il en est de même pour mon père et pour tous ceux qui ont maltraité vos peuples. Mais je ne veux pas de justice arbitraire. Je veux que les peines soient proportionnelles au crime commis. Je veux qu'une famille d'elfe qui n'ait rien à se reprocher n'ait rien à craindre et puisse continuer à vivre en paix.

— Nous savons qu'il s'agit de la voix la plus compliquée à cause de la rancœur. Peut-être qu'aucun d'entre nous ne connaîtra l'harmonie des peuples de son vivant, mais nous nous battons pour que les générations futures puissent coexister, main dans la main, sans que qui que ce soit ne prenne le pas sur l'autre. Ce sera à nous d'engager l'air du pardon, mais pas de l'achever. Mais avant tout, notre rôle à nous est de commencer et d'achever l'air de la justice.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant