Chapitre 50 : Des harpies dans la ville

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 Lorsque Syara sortit de l'autre côté du portail, elle fut tout de suite rassurée de voir que tout s'était bien passé et que les harpies n'avaient pas été découvertes. Tout n'allait cependant pas pour le mieux. Bien que cachées par leurs capes, il était évident, de par leurs positions collées les unes aux autres, qu'elles étaient terrifiées.

Ça n'avait rien d'étonnant pour la beast. Le hall des portails était absolument bondé. Elles ne devaient jamais avoir vu autant de monde ni s'être retrouvées dans un endroit aussi bruyant. Si l'on ajoutait à ça le fait que chaque personne présente, à l'exception de leur escorte, était hostile aux harpies, leur comportement était parfaitement censé.

— Tout va bien se passer, ne vous en faites pas.

— On ne voit même pas le ciel. Si nous sommes découvertes, nous ne pourrons pas nous... paniqua l'aînée.

— Du calme, du calme. Nous allons sortir très bientôt. Perdre votre sang froid est le meilleur moyen de faire une erreur. Nous sommes là, vous pouvez nous faire confiance. Personne ne vous approchera.

— Qu'est-ce que tu préconises ? Questionna Rael.

— Ely ouvre la marche, Guard prend le flanc gauche, toi le droit et moi derrière.

— Et moi ? Questionna Phi.

— Comme pour le portail. Tu restes au milieu, près d'elles au cas où il y aurait un problème.

— Compris ! s'exclama la fée avec enthousiasme.

La formation en place, Elyazra ouvrit la marche comme son rôle le demandait et se dirigea vers la sortie la plus proche du hall. Sendra étant une ville où le commerce était florissant grâce à son port, de nombreuses personnes allaient et venaient dans ce point clé qu'était le hall des portails et qui permettait de rejoindre les villes principales du monde entier ainsi que celles plus modestes aux alentours telles qu'Edolaf.

Bien que l'affluence soit forte, la foule n'était pas non plus compacte et les voyageurs se poussaient presque naturellement en voyant qu'ils se trouvaient sur le chemin d'un groupe de huit personnes.

Depuis sa position arrière, Syara ne cherchait pas vraiment à prévenir des obstacles, mais était concentrée sur les expressions qu'elle pouvait lire sur les visages de ceux qu'ils croisaient. Globalement, la grande majorité les ignorait totalement et, pour les quelques rares autres, les rapides coups d'œil dans leur direction étaient similaires aux réactions perçues à Edolaf. Les grandes capes à capuche attiraient une certaine curiosité passagère, rien de plus.

Sans même avoir à batailler pour se frayer un chemin, le groupe sortit rapidement du hall. En voyant le ciel au dessus de leur tête, les harpies se détendirent un peu ou, du moins, ne paniquaient plus.

— Alors c'est ça une ville, s'époustoufla Sae. C'est... Grand !

— Sendra est la deuxième ville du pays, indiqua la beast. Elle a subi une catastrophe il y a quelques mois, mais je constate qu'elle s'est bien relevée.

— En parlant de ça, lorsque j'ai dû partir de chez Shay, il a conseillé à mon cousin de venir ici pour aider à la reconstruction. Peut-être qu'il s'y trouve encore, réfléchit la demie-dragonne.

— J'aurais bien aimé que tu puisses le retrouver, mais nous détourner de notre itinéraire augmenterai les risques et...

— Je sais, je sais. Ne t'en fais pas, je ne cherche pas spécialement à le retrouver.

— Il est comment ? Demanda Phi.

— Encore plus casse-pieds que Syara, rit-elle. Mais vu que nous avons été élevés ensemble depuis que j'ai dix ans, je le considère comme mon frère.

— Si tu penses qu'il est aussi insupportable que moi, c'est peut-être que le problème ne vient pas de nous, commenta la violoniste mine de rien.

— S'il vous plaît, nous ne devons pas attirer l'attention, alors pas de scène en public, tempéra Guard.

— Oui papa ! Répondirent en cœur les deux sœurs.

— Au moins vous savez vous mettre d'accord quand c'est pour vous moquer de quelqu'un d'autre, souffla le satyre, exaspéré.

— On plaisante, rit Syara.

— Oui, on ne va pas t'embêter. On tient à notre argent de poche, ajouta Elyazra.

Si cette ambiance détendue était d'abord déconcertante pour les trois harpies, elle les aida finalement à se détendre et à se dire que s'ils plaisantaient ainsi, ce devait être parce qu'il n'y avait pas de danger.

Le fait de quitter la place grouillante de monde devant le hall des portails finit de les apaiser. À cet instant, elles commencèrent à profiter de cette occasion de se trouver en ville et posèrent toute sorte de questions. Rael, qui était celui qui connaissait le plus la ville, répondait à la plupart d'entre elles. Il coupait occasionnellement ses explications pour indiquer une direction à suivre ou une rue à prendre.

Grâce à lui, ils arrivèrent finalement devant la mairie en ayant évité les points critiques tels que les marchés où l'affluence devait être encore pire qu'au hall des portails. Syara pensait qu'entrer avec trois personnes qui cachaient leur visage allait être compliqué, mais aucun garde de la ville ne se trouvait devant les portes.

Une fois à l'intérieur, elle en repéra immédiatement deux. Ils les observaient, mais ne bougeaient pas de leur poste pour autant. Voir trois personnes encapuchonnées ne les affolait pas plus que ça ? C'était étonnant.

— Syara, regarde ! s'exclama Rael.

Suivant la direction qu'il indiquait, la beast tomba sur la guitare de Volach, celle qu'elle avait repris au groupe de bandits auquel appartenait autrefois Guard. Ce fameux héros de la ville qui avait donné sa vie pour repousser l'attaque d'un dragon noir... À présent qu'elle connaissait la véritable histoire de cette personne, sa seule envie était d'utiliser cet instrument comme bois pour alimenter une cheminée.

Cependant, ce que Rael pointait n'était pas la guitare, mais un tableau accroché derrière. Celui-ci représentait une mer déchaînée du côté gauche et la ville du côté droit. Un épais rempart séparait les deux et empêchait les bâtiments de se faire engloutir par les flots. Du côté de la mer avait été peint un immense monstre vaguement humanoïde fait d'eau qui abattait son poing sur le rempart.

Celui-ci était cependant protégé par une violoniste debout sur le mur qui, de par sa position héroïque, indiquait qu'elle tenait tête à ce monstre, seule. Le détail qui attira le plus son attention était la couleur bleutée du violon qu'elle tenait en main et faisait penser au sien.

— C'est toi à la catastrophe de Sendra ? Questionna Elyazra.

— Ils n'auront pas mis bien longtemps avant de totalement réécrire ce qui s'est passé, commenta l'elfe cyber.

— C'est vrai. Le monstre ne ressemblait pas à ça, était beaucoup moins impressionnant et se trouvait de l'autre côté du mur, commenta la beast avec une expression quelconque, comme si cette peinture ne lui faisait ni chaud ni froid. Ne perdons pas de temps et allons demander à voir le maire.

Ne s'attardant pas plus sur la peinture censée lui rendre hommage, Syara échangea sa place avec sa sœur et guida le groupe jusqu'à l'accueil qui se trouvait au fond du hall d'entrée.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant