Chapitre 131 : Au bout de l'île

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 Quatre jours supplémentaires s'étaient écoulés depuis leur départ de la ville angélique. Sur leur chemin, ou plutôt leur parcours qui coupait à travers les plaines, le groupe avait pu passer par deux villages bien plus modestes. Vu qu'ils se trouvaient encore sur les terres du baron et donc qu'ils ne risquaient pas grand-chose grâce à la présence d'Élane, le groupe trouva qu'il s'agissait d'une bonne occasion pour tester leurs déguisements et leur excuse.

Personne ne se douta un seul instant qu'ils n'étaient pas des anges. Pour ceux qui demandaient pourquoi ils marchaient plutôt que voler, il suffisait alors de montrer les ailes abîmées d'Elyazra pour que tous se montrent horrifiés par ce qui lui était arrivé et compatissent à son malheur. La demie-dragonne, d'abord réticente à l'idée d'endosser ce rôle, trouva finalement son compte et en joua, voir même surjoua, pour se faire plaindre.

Elle avait beau n'avoir aucun talent de comédienne et forcer bien trop chacune de ses expressions et complaintes, cela ne faisait qu'attirer encore plus de sympathie à son égard. Elle se retrouva d'ailleurs coincée lorsque l'un des anges, touché par son histoire, lui proposa de l'emmener voir l'une de ses connaissances à la magie curative très puissante.

Heureusement, leur guide avait su trouver les mots justes pour l'en dissuader en affirmant qu'elle avait déjà vu un éminent soigneur qui s'occupait de sa famille, mais que même lui n'avait rien pu faire, d'où leur voyage pour rencontrer le déchu. Le nom qu'il donna était visiblement connu et reconnu de tous vu qu'il n'insista pas plus par la suite.

La présence d'Élane était un véritable atout dans ces petits villages. Tout le monde connaissait le fils du baron et semblait l'apprécier. Dans leur périple, ils n'avaient passé qu'une seule nuit à la belle étoile vu qu'ils n'avaient trouvé aucun village. Pour la première, les habitants s'étaient proposé pour les loger tandis que des chambres d'auberge leur avaient été offertes pour la troisième.

Le fait qu'il n'y ait une telle structure d'accueil qu'après trois jours de marche montrait bien la lenteur à laquelle ils allaient en étant à pied. Les anges qui voyageaient devaient faire en une seule journée le trajet depuis la ville jusqu'à ce village étape.

En milieu d'après-midi de leur quatrième jour, le groupe vit enfin quelque chose qui brisa la monotonie du paysage. Depuis leur départ, mise à part les deux villages, tout n'avait été que plaines légèrement vallonnées. Que ce soit la flore ou la faune, il n'y avait finalement pas grand-chose. De l'herbe, des fleurs sauvages, quelque rares arbres pour la première catégorie et des oiseaux pour la seconde.

Ce qui différait donc de l'environnement habituel était des parties plus rocailleuses ainsi qu'un anneau de pierre qui pouvait faire penser aux différents portails qui permettaient, dans leur monde, d'aller d'une ville à une autre en un instant. En s'approchant de la structure, ils remarquèrent qu'ils étaient arrivés à une extrémité de l'île céleste. Ce devait être pour ça que l'herbe s'y faisait plus rare.

— Regardez, on voit les terres d'en bas ! S'exclama Phi en courant vers le bord de la falaise.

— Fais attention ! Prévint Syara, peu rassurée.

— Pourquoi tu lui dis ça ? Tu veux qu'il lui arrive quoi ? Questionna Elyazra.

C'est vrai, même si elle entrait dans une nouvelle crise de maladresse comme elle pouvait encore avoir, Phi était celle qui risquait le moins à s'approcher du précipice. Si elle tombait, quelques battements de ses vraies ailes la ramèneraient sur la terre ferme.

Si elle s'était déjà approchée sans aucune peur du bord de l'île, le faire par temps clair, sans nuage pour cacher ce qui se trouvait en dessous était une tout autre chose. La vue était certes saisissante, mais donnait aussi rapidement le vertige et la força à reculer d'un pas. De là où elle était, elle pouvait malgré tout voir que le monde d'en bas était bien plus diversifié. Il y avait des forêts, des montagnes, des lacs d'une eau azure. Les terres sous cette île céleste ressemblaient à un véritable paradis.

Par endroits, malgré la distance, Syara remarqua aussi des villages. Ils n'avaient rien de très élaboré et faisaient penser au village d'humains qu'elle avait visité avec Telak lorsqu'elle était partie pour Sendra et que les enfants qui y habitaient avaient du abandonné après qu'elle ait échoué à sauver les adultes partis chasser.

— Ce sont les terres de votre père en bas ? Questionna Elirielle.

— Oui, répondit l'ange. Notre monde est principalement constitué d'îles terrestres au-dessus desquelles tournent les îles célestes. Les terres de mon père s'étendent donc jusqu'à la mer.

— Et vous savez ce qui cause ce phénomène ? Pourquoi les îles célestes tournent au-dessus de celles terrestres ? Demanda Orélius.

Pour toute réponse, le fils du baron haussa les épaules. Si la réponse lui était inconnue, peut-être que le déchu saurait leur en donner la raison. Syara mit donc cette question de côté dans son esprit et continua à observer le panorama en se disant que ce monde était magnifique et qu'il donnait véritablement envie d'être exploré.

— C'est étonnant que les anges restent ici alors que tout est si beau en bas, commenta-t-elle. Ne le prenez pas mal, mais les terres célestes sont... hésita la beast.

— Chiantes à en crever, compléta sa sœur.

— Vides, nuança-t-elle en jetant un regard noir à la demie-dragonne.

— Bien que je n'aurai pas utilisé ces termes, vous avez raison, répondit Élane. Il n'y a pas grande chose sur cette île céleste et le monde d'en bas est bien plus diversifié. C'est malgré tout encré dans notre culture que les anges vivent sur les terres célestes. Aucun de mes congénères ne penserait à aller s'installer en bas. Et puis, s'il est vrai que mon île peut paraître bien monotone, ça n'est pas le cas de toutes. Celle que nous nous apprêtons à rejoindre par exemple est beaucoup plus boisée. On peut même dire que c'est une forêt volante.

— En parlant de ça, comment allons-nous nous y rendre ? Demanda Elirielle. J'ai l'impression que cet anneau de pierre n'est pas étranger. S'agirait-il d'un portail ?

— Vous avez vu juste, confirma Élane. C'est un peu comme les anneaux des places de vos villes que vous m'avez décrits. Si leur fonctionnement diffère, leur fonction reste similaire.

— Vous auriez pu les installer en ville, ça nous aurait évité tout ce trajet, râla Elyazra.

— C'est justement parce que leur fonctionnement diffère que nous ne pouvons pas le faire. Les passages ont été disposés au bord des îles pour une bonne raison. Les mettre plus à l'intérieur des terres les rendrait totalement inefficients. Quant à la raison, je suis désolé, mais je ne peux pas vous en dire plus, mes connaissances s'arrêtent là.

Personne ne pouvait lui en vouloir. Eux-mêmes ne savaient pas comment fonctionnait leurs propres portails, tant qu'ils pouvaient les utiliser en toute sécurité, c'est tout ce qui importait.

— Le portail semble inactif. Y a-t-il quelque chose à faire pour l'activer ? Questionna le demi-dragon.

— Il suffit d'y insuffler un peu de magie. Laissez-moi faire, répondit le fils du baron.

Sortant sa lame comme Syara le ferait avec son violon, Élane posa le plat de son épée sur la pierre. Le portail réagit immédiatement et s'ouvrit sous leurs yeux, révélant ainsi toute la différence entre ceux de ce monde et le leur. Là où eux ne voyaient habituellement qu'un vortex ou un voile coloré, il y avait ici, à l'intérieur de l'anneau, une image très nette de leur destination, comme s'ils venaient d'ouvrir une porte qui les y menait directement.

Cette nouvelle île était effectivement remplie d'arbres. Peut-être allait-elle être plus intéressante que les terres du baron, se dit Syara en le traversant pour se retrouver directement de l'autre côté comme si les deux îles étaient collées l'une à l'autre.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant