Chapitre 111 : Le ciel de l'autre monde

128 37 5
                                    

 Les émotions provoquées par la traversée du portail passées, le groupe se focalisa sur les environs pour repérer le moindre élément qui pourrait les aider à s'orienter. Au premier coup d'œil, cet endroit n'avait rien de spécial. Le passage les avait fait atterrir au beau milieu de la nature, sur une plaine d'herbe verte et vallonnée.

Étant entourés de collines, il n'y avait pas grand-chose à voir depuis leur emplacement. Même au niveau sonore, seul le sifflement d'une légère brise parvenait à leurs oreilles. À cause de ce manque d'information, Syara allait pour proposer d'avancer lorsqu'elle remarqua qu'Elirielle avait le regard vissé sur le ciel, une larme roulant sur sa joue.

— Ça ne va pas ? S'inquiéta la beast.

— Je... Non, ça n'est rien, répondit la dragonne en reprenant ses esprits. C'est juste que... Cela fait si longtemps que je n'ai pas contemplé un ciel bleu. Plus de neuf-cents ans. À force de vivre sous cette couche de nuage perpétuel, j'en avais presque oublié sa beauté.

— C'est vrai que sous un tel ciel et une telle lumière, toutes les couleurs semblent si vives ! S'exclama Orélius.

— Vous allez peut-être dire que je suis quelqu'un d'insensible, mais moi, ça ne me fait pas grand-chose, commenta Elyazra.

— C'est peut-être parce que contrairement à Orélius, tu as déjà vu un ciel bleu et que ce souvenir ne date que de quelques mois par rapport à Elirielle pour qui cela fait neuf-cents ans, lui expliqua sa sœur.

— Ah bon ? C'est vrai que j'ai vu un tel ciel, mais où ? Je n'arrive pas à m'en rappeler.

— Un endroit dans notre monde avec une percée dans les nuages ? S'étonna la dragonne. C'est impossible, même si cela se trouvait dans un endroit reculé, tout le monde en aurait entendu parler !

— Nous n'avons pas réellement vu ce ciel, intervint Phi. Lorsque nous sommes parties à la recherche des partitions d'Athéa, nous avons dû passer des épreuves dans un coffre en cristal comme le violon de Syara. L'une d'elles nous avait plongées dans une ville humaine avant l'ouverture du portail.

— C'était une très grande illusion très poussée, résuma la violoniste. Elle était tellement bien faite qu'elle nous donnait l'impression que tout était réel. Pour ma part, c'est encore plus récent. J'ai contemplé un ciel similaire il y a à peine une semaine.

— Dans le violon ? Déduisit Elyazra.

D'un hochement de tête, Syara répondit par l'affirmatif. Si, de leur côté, cela ne provoquait que peu d'émotions, il n'était pas non plus compliqué pour elles de comprendre ce que pouvait ressentir la dragonne. Ainsi, elles respectèrent ce moment et ne cherchèrent pas à la presser, lui laissant tout le temps nécessaire pour qu'elle puisse continuer à contempler le ciel.

— Pardon pour ce temps perdu, annonça-t-elle finalement.

— Pas de problème. Je ne pense pas que ces quelques minutes vont être très impactantes sur la réussite de notre mission.

— J'ai tellement hâte que la nuit tombe pour voir à quoi ressemble le ciel, sourit la dragonne avec un air pensif.

De ce côté-là, Syara avait un doute. Elle-même avait pu voir cette voûte obscure parsemée de milliers de points lumineux et de volutes de couleurs discrètes mais magnifiques dans son violon, mais était-ce le cas pour Phi et Elyazra ? Il y avait bien le plafond de la ville des fées qui pouvait s'en approcher, mais cela n'était qu'une pâle copie en comparaison.

Ainsi, la violoniste était elle aussi impatiente de voir la nuit tomber pour avoir la réaction de sa sœur et de sa protégée. Ils n'étaient malgré tout pas venus dans ce monde pour y faire du tourisme. Le sérieux ne tarda pas à regagner le groupe qui se mit en marche pour explorer les environs.

Arrivée en haut de la colline la plus proche, Syara, en tête du groupe, s'arrêta immédiatement en sursautant et tendit un bras derrière elle pour prévenir les autres qu'ils devaient s'arrêter. Elle qui pensait trouver une autre étendue de verdure de l'autre côté se retrouvait au bord d'une falaise qui tombait à pic. En bas de celle-ci et aussi loin qu'elle pouvait voir jusqu'à l'horizon, elle ne remarqua aucune terre, juste une étendue cotonneuse de nuages blancs.

— C'est quoi ce bordel ? Où est-ce que le portail nous a fait atterrir ?

Les questions se bousculaient dans sa tête. Se trouvaient-ils sur une île suspendue au niveau des nuages ou sur un plateau de montagne ? Y avait-il quelque chose sous ces nuages ? Pouvaient-ils les traverser sans danger ou bien se heurteraient-ils à une sorte de mur invisible comme c'était le cas chez eux s'ils tentaient l'expérience ?

— Si ça se trouve, ce monde est plat et nous sommes au bord, commenta Orélius en haussant les épaules.

— Il peut y avoir des centaines d'explications logiques et toi tu choisies celle-là ? Lui fit remarquer sa cousine.

— Ely, s'il te plaît, souffla le fils de Shay. N'emploie pas des mots dont tu ne comprends pas la signification.

— Répète ça pour voir !

Cette fois-ci, sans même chercher à parlementer, Elirielle donna à chacun une bonne tape derrière la tête pour tuer dans l'œuf la dispute naissante. La demie-dragonne se tourna rapidement vers elle, sans doute pour se justifier. La connaissant, elle dirait sans doute que ça n'était pas elle qui avait commencé et que son commentaire était tout à fait légitime. Elle se ravisa cependant et ne dit rien en voyant le regard réprobateur que la dragonne lui lançait.

Tout en se frottant l'arrière du crâne, Elyazra reporta donc son attention sur les nuages en contrebas. Ils pouvaient très bien faire demi-tour et explorer l'autre côté. Si la théorie d'un monde plat était stupide à ses yeux, il était tout à fait possible qu'ils soient arrivés au bord de cette falaise, mais qu'il y avait bien plus de choses à explorer en partant dans l'autre sens.

Tout le groupe avait d'ailleurs eu cette même idée et commençait à rebrousser chemin, à l'exception de la demie-dragonne qui continuait à scruter les nuages qui caressaient la falaise.

— Ely, tu viens ?

— Il y a quelque chose dans les nuages, annonça-t-elle avec un sérieux inhabituel dans sa voix.

Curieuse, Syara revint sur ses pas et suivit le regard de sa sœur. La vue accordée par ses gènes de dragon était plus perçante que la sienne, mais, en insistant et en plissant les yeux, la beast remarqua effectivement quelque chose. Une ombre, gigantesque, se mouvait au pied de la falaise. Plus inquiétant, elle ne faisait que grossir à chaque seconde qui passait.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant