Chapitre 69 : Une demie-dragonne bornée

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 — Syara, Syara ! Appela Phi avec une voix pour le moins paniquée.

Ouvrant les yeux alors qu'elle revenait à elle, la beast vit qu'elle était à terre et que tous ses amis étaient penchés au-dessus d'elle. La jeune fée lui prodiguait un sort de soin qui, bien qu'agréable, était totalement inutile.

— Je vais bien, affirma-t-elle en se redressant.

— Tu es sûre ? On t'a vu t'écrouler comme une poupée de chiffon, ne nous dis pas que tu vas bien ! s'exclama Guard.

— J'ai été... Convoquée par le directeur, répondit-elle en souriant.

— Hein ?

— L'esprit qui se trouve dans le violon avait besoin de me parler. D'ailleurs, en y repensant, il l'avait déjà fait en me laissant consciente... La prochaine fois que je le vois, il va m'entendre !

— Et pourquoi il avait à te parler ? Questionna Elyazra.

— Ça, ça ne va pas te plaire.

Après s'être totalement relevée, Syara résuma la discussion qu'elle avait eue avec Fos. Elle donna les explications sur ce qui était contenu dans les lettres, le principe du conseil des dragons, son importance, le lieu et la date du rendez-vous ainsi que le caractère urgent de la chose.

— Attends, on vient tout juste de poser nos affaires, on ne va pas déjà repartir !

— C'est... Urgent.

— Eh bah urgent ou pas, ils vont attendre les gros lézards ! Pour qui ils se prennent ? On n'est pas à leur botte à devoir rappliquer comme des chiens bien obéissants dès qu'ils nous le demandent !

— Tu sais qu'en les appelant les gros lézards, tu t'insultes à moitié aussi ?

— M'en fiche !

Comme Syara s'y attendait, partir directement n'enchantait pas sa sœur. Elle-même n'était d'ailleurs pas ravie par cela. Ils avaient marché toute la journée et, même si les harpies avaient été des hôtes d'une grande hospitalité, leur couchettes pour le moins primaires lui avaient plusieurs fois fait rêver de son lit bien douillet.

— Ce sera l'occasion pour toi de revoir ton cousin, argumenta-t-elle tout de même. De ce que m'a dit Fos, il devrait être là à la place de Shay. D'ailleurs, si tu n'as pas réussi à le retrouver à Sendra, c'est peut-être parce qu'il était déjà parti.

— Eh bah lui aussi il va attendre ! C'est pas négociable !

— Trouvé ! s'exclama Rael.

Surprises, les deux sœurs se tournèrent en direction de l'elfe noir. Il tenait dans ses mains un épais livre qui n'était autre qu'un assemblage de nombreuses cartes. Avec celui-ci, il était possible de se créer un itinéraire complet quel que soit l'endroit que l'on voulait atteindre.

Alors qu'il posait le livre sur la table et que tout le monde s'approchait, le chanteur pointa une chaîne de montagne du doigt. Celle-ci était moins longue que la chaîne d'Hara, mais bien plus large.

— Les pics infranchissables se trouvent ici, indiqua-t-il. Sur le papier, des téléporteurs ne se trouvent pas très loin. Deux jours de marche tout au plus pour y arriver.

— Mais ?

— Mais comme tu peux le voir, les routes s'arrêtent toutes très rapidement. On ne sait pas où ça se trouve exactement et avancer va vite devenir compliqué.

— Ils ne pouvaient pas faire leur réunion dans une station balnéaire ? Râla la demie-dragonne.

— On sent effectivement que c'est fait pour des êtres qui peuvent voler, commenta Guard.

— Depuis notre passage au royaume des fées, j'ai une plutôt bonne maîtrise du sort de vol, mais pour toi...

— Tu le lanceras sur moi aussi et je me débrouillerai, j'ai ça dans le sang, décida Elyazra. Au pire, si on arrive en retard, ce sera de leur faute. Ils n'avaient qu'à mieux nous chercher. Maintenant, direction le bar !

Bien décidée à fêter la réussite de leur mission plutôt que d'enchaîner sur une nouvelle, la demie-dragonne referma le livre, le rangea dans la bibliothèque et se rendit jusqu'à la porte d'entrée. Sachant qu'elle n'arriverait pas à la faire changer d'avis, Syara s'avoua vaincue et, après un haussement d'épaules, suivit sa sœur.

Pendant le reste de la journée et toute la soirée, la suite des événements ne fut évoqué que pour décider de qui restait et qui partait. Si Phi voulait les suivre dans ce nouveau périple, il fut plutôt décidé qu'elles iraient uniquement toutes les deux pendant que les autres restaient à la maison ou partaient accomplir de petites missions. Le plus important était que le plus de membres de leur groupe soit disponible si Sae avait besoin d'eux.

Syara n'oublia pas non plus de prévenir l'impératrice harpie de la situation et passa de longues minutes à s'excuser de ne pas pouvoir tenir sa promesse. Elle ne lui en voulait cependant pas, insista sur le fait qu'elle comprenait qu'elle ne pouvait se soustraire à ses obligations et lui souhaita bon courage pour ce nouveau voyage.

Une fois le message passé, la beast remit la boucle d'oreille à Rael et continua à profiter de la seule soirée dont elle disposait. Elyazra avait beau être bornée à ce sujet, elle n'avait malgré tout pas totalement tort et la beast trouvait aussi que cette période de détente, aussi infime soit-elle, était la bienvenue.

Vu que Syara s'était souvenue que Fos pouvait parler avec elle, elle supposa que lui aussi s'était résigné à ce qu'elle ne parte pas dans l'instant, mais plutôt au lendemain. De toute façon, plus elle y réfléchissait et plus elle se disait qu'un départ le jour même aurait été peu utile et n'aurait fait gagner que peu de temps. Mieux valait commencer le voyage en pleine forme que fatiguée à cause de la demie-journée de marche qu'elle avait déjà dans les jambes.

La modération était tout de même de mise pendant ces célébrations, du moins, pour la violoniste. Sa sœur, elle, se comporta comme si elle pouvait passer la journée suivante dans son lit. Elle engagea plusieurs concours de boissons avec les autres clients du bar, pour le plus grand bonheur du patron de l'établissement. Sans surprise et malgré le handicape qu'était son état d'ébriété de plus en plus important à mesure qu'elle enchaînait les concours, Elyazra les remporta tous.

Pour elle, le retour à la maison fut bien plus compliqué que pour ceux qui avaient jugé que la modération était de mise. À grand coup d'écart de gauche à droite et de droite à gauche, se faisant stopper tantôt par un mur, tantôt par une poubelle qu'elle renversait, la demie-dragonne avait bien triplé la distance parcourue par rapport aux autres. Au moins, elle n'eut aucun mal à trouver le sommeil et tomba comme une masse sur son lit sous les regards amusés de ses compagnons.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant