Chapitre 71 : Passager clandestin

136 34 17
                                    

 Après avoir rejoint la rive à la nage, Syara retourna au niveau de la route. Sa sœur, toujours hilare, avait fini par traverser le pont. La Beast comptait toujours attendre pour sa grande vengeance, mais voir Elyazra aussi moqueuse n'était pas quelque chose qu'elle pouvait laisser impuni.

— Alors, elle est bonne ? s'esclaffa la demie-dragonne.

— Un peu fraîche, répondit-elle avec un sourire de façade. J'ai compris que j'avais été trop loin en te réveillant avec un seau d'eau.

— Ah ! Il t'aura au moins fallu ça pour admettre tes torts !

— Oui. Tu es ma grande sœur adorée et je ne veux pas qu'on reste fâchées.

— La par contre tu me fais peur. Tu t'es cogné la tête au fond de la rivière ?

— Et si on se réconciliait, une bonne fois pour toutes, avec un câlin ?

— un câl... Oh non, certainement pas... Tu es trempée, ne m'approche pas !

Tandis qu'Elyazra reculait, le sourire de façade de Syara se transforma en un sourire aussi sadique que sincère lorsqu'elle s'approcha de sa sœur, les bras grands ouverts. La beast se mit alors à poursuivre la demie-dragonne qui tentait de s'échapper en appelant au secours. La violoniste faillit réussir à l'étreindre, mais referma ses bras sur une fumée noire, vestige du sort de téléportation à courte distance qu'Elyazra venait d'utiliser.

— Tu ne m'échapperas pas ! Rit Syara.

Continuant à courir pour éviter l'accolade de réconciliation, la demie-dragonne vit sur la route une occasion d'y échapper. Une charrette avançait vers la ville qu'elles venaient de quitter. Sans aucune hésitation, Elyazra sauta dedans et se cacha derrière le cocher qui, dans l'incompréhension la plus totale, se demandait ce qui se passait.

— Au secours, elle veut s'en prendre à moi ! s'exclama-t-elle en feignant la panique.

— Tu n'as vraiment aucune gêne ! Laisse ce monsieur tranquille. Veuillez excuser ma sœur, elle ne mord pas, mais ne sait pas se tenir.

Voyant que l'homme n'allait pas spécialement se sacrifier pour elle, Elyazra sauta à l'arrière de la charrette, puis sur la route où elle se remit à courir. Après s'être de nouveau excusée auprès de la personne qu'elles avaient dérangée, Syara repartit à la poursuite de sa sœur.

Au bout d'une quinzaine de minutes et plusieurs tentatives infructueuses, Syara réussit finalement à coincer Elyazra qui couina lorsqu'elle l'étreignit. Finalement, aucune des deux n'était satisfaite. La demie-dragonne avait reçu le câlin dont elle ne voulait pas et Syara avait bien trop séché à son goût pour que son étreinte ait l'effet qu'elle souhaitait.

Au moins, cette course-poursuite les avait fait rire toutes les deux et les avait finalement réconciliées au point où Syara pensait à abandonner sa vengeance. Elle n'était pas encore décidée, cela allait dépendre du comportement d'Elyazra les prochains jours.

Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elles marchaient, toujours en direction des montagnes. La route qu'elles empruntaient était déserte et la seule personne qu'elles avaient croisée devait venir d'une autre route dont elles avaient dépassé l'intersection une heure auparavant.

— Ely ? Ça va, ton sac n'est pas trop lourd ?

— Hein ? Pourquoi tu me poses cette question maintenant ?

— Je me dis juste que pour le moment, ça va, mais qu'il va sans doute peser lorsqu'on sera en montagne. Avec ma sacoche dimensionnelle, il y a bien assez de vivres à l'intérieur pour nous deux. Ça serait plus confortable pour toi de ne pas l'avoir.

— Et tu veux que j'en fasse quoi ? Je ne vais quand même pas l'abandonner sur le bord de la route.

— Et pourquoi pas ? Personne ne passe par ici. Dépose-le au pied de cet arbre, on le reprendra au retour.

Tout en disant cela, Syara accompagna ses paroles de clins d'œil appuyés. Sa sœur la regarda avec étonnement, mais finit par comprendre que la raison pour laquelle elle voulait qu'elle pose son sac et celle qu'elle annonçait étaient différentes. La demie-dragonne posa donc son paquetage au pied d'un arbre au bord de la route et se recula, tournée vers Syara pour voir ce qu'elle comptait faire.

— Tu vois, ce doit être plus confortable comme ça. Maintenant dépêchons-nous. J'aimerais bien arriver aux pieds des montagnes avant la tombée de la nuit.

Malgré ce qu'elle venait de dire, Syara n'avança pas d'un pas, prit sa sœur par le poignet d'une main et lui fit signe de se taire de l'autre. Elle resta ensuite les yeux rivés sur le sac et attendit que quelque chose se produise.

Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne se mette à bouger tout seul. Depuis l'extérieur, il donnait l'impression qu'un petit animal s'y trouvait et essayait d'en sortir. Elyazra comprit alors où elle voulait en venir et croisa les bras tandis que Syara adoptait une posture avec les poings sur les hanches.

Après avoir bougé pendant quelques instants et s'être légèrement ouvert, le sac ne bougea plus. Quelque chose ayant sans doute le pouvoir de se rendre invisible en était sorti.

— Phi, pas la peine de te cacher, nous savons que tu t'es cachée dans le sac pour nous accompagner. Montre-toi !

Aucune réponse. Soit elles avaient toutes les deux hallucinées en voyant le sac bouger, soit la jeune fée gardait son voile d'invisibilité alors qu'elle avait été découverte.

— Phindérellia tu as intérêt à te montrer tout de suite sinon ça va barder ! Se fâcha Syara.

Le fait d'élever la voix fut d'une efficacité redoutable. La jeune fée apparut immédiatement devant elles, totalement terrifiée à l'idée de se faire réprimander pour les avoir accompagnées alors qu'elle devait normalement rester avec Rael et Guard.

— Eh bien, si tu comptes avoir des enfants un jour, je les plaint, rit la demie-dragonne.

— Avec une tante comme toi, je suis certaine qu'ils m'en feront voir de toutes les couleurs. Mais pour le moment, mes futurs enfants hypothétiques ne sont pas le sujet. On t'avait dit de rester à la maison !

Voyant que la violoniste attendait sa justification, Phi prit sa taille humaine pour pouvoir communiquer plus facilement. Elle resta cependant murée dans le silence, les yeux, embués par des larmes qu'elle tentait tant bien que mal de retenir, rivés sur ses pieds.

— Alors jeune fille, que fais-tu ici ? Je suis toute ouïe.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant