Chapitre 3 : Ce qui cloche dans le groupe

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 Sortie de la maison, Syara ne décolérait pas de contre sa sœur et marchait d'un pas rapide avec un regard noir fixé au loin. Les quelques personnes qu'elle croisait la dévisageaient et s'écartaient de son chemin, sans doute effrayées à l'idée de se mettre en travers de la route d'une personne avec un tel regard assassin.

Comment avait-elle osé ? Rageait-elle intérieurement. Qu'elle remette en doute ses compétences en matière de magie l'énervait déjà, mais qu'elle la compare à sa mère était le lac de trop qui pulvérisait le vase.

Elle ne l'avait connu que pendant les quelques jours qui avaient précédé sa défaite, alors elle ne savait pas quelle insulte elle venait de proférer. Elle, elle avait eu la chance d'être enlevée par son père à sa naissance. Elle n'avait pas eu à subir tous ses entraînements, toutes ses punitions, toutes ses tortures gratuites. Elle avait peut-être passé les premières années de sa vie avec un père rongé par la mélancolie, mais au moins il ne l'avait jamais privée de sommeil, de nourriture, d'eau et ne l'avait jamais battue.

Cette dispute avait fait remonter des souvenirs que la beast aurait voulu oublier depuis longtemps. Peu à peu, la colère qu'elle avait à l'encontre d'Elyazra se mua en une haine envers sa mère. Maintenant qu'elle connaissait le fin mot de l'histoire, elle comprenait pourquoi malgré tous les sévices qu'elle lui faisait subir, elle faisait en sorte qu'ils ne laissent aucune trace sur son corps. Parce qu'elle ne l'avait jamais considéré comme sa fille, mais comme le prochain réceptacle pour son âme.

Contrairement à ses serviteurs qui, comme Telak, ne faisaient que partie de familles manipulées depuis des générations et qui avaient été enterrés convenablement, sa mère avait été incinérée dans un bûcher alimenté par les flammes noires d'Elyazra. À présent, Syara regrettait ce choix. Elle aurait préféré l'enterrer dans une tombe anonyme pour pouvoir y revenir régulièrement et la piétiner.

En poussant le vice encore plus loin, elle était même prête à en appeler aux pouvoirs du violon pour la ressusciter et avoir le plaisir suprême de lui ôter la vie une nouvelle fois. La lame de vent qu'elle avait lancé et qui l'avait décapitée était la chose la plus satisfaisante qu'elle ait jamais faite.

Cependant, même les pouvoirs de l'ombre du violon ne suffiraient pas et, si elle en avait l'occasion, ce sort serait destiné avant tout à l'ami qu'elle avait perdu ce jour-là. Guard avait raison, elle n'avait toujours pas fait le deuil de Telak. D'un autre côté, comment pouvait-elle le faire ? Il ne le faisait pas ressentir de son vivant, mais le démon était le meneur incontesté de leur groupe. Sans lui, ils n'arrivaient même pas à réussir une mission aussi simple que celles dont ils revenaient.

Le satyre tentait tant bien que mal de reprendre ce rôle. Il se débrouillait d'ailleurs plutôt bien, alors qu'est-ce qui ne collait pas ? Était-ce de la faute d'Elyazra ? Non, même si elle était énervée contre elle, marcher ainsi, seule avec ses pensées, lui permettait au moins d'être objective et de ne pas lui mettre toutes les fautes sur le dos. Elle agissait de la même manière avant et cela se passait très bien. Rael n'était pas à blâmer non plus. À part son côté sur-protecteur envers la demi-dragonne, le mage de vent était toujours aussi efficace. Plus qu'un simple membre, Phi s'améliorait de jour en jour et était devenue un véritable atout. Ses sorts faisaient des miracles autant en défense qu'en attaque.

En pensant à la jeune fée, Syara se rappela qu'elle avait voulu intervenir pendant la dispute et qu'elle n'avait fait que lui couper la parole pour invectiver Elyazra. À son retour, il fallait impérativement qu'elle aille s'excuser. La jeune fée manquait encore d'assurance et ça n'était pas en agissant ainsi qu'elle allait l'aider à s'améliorer.

Tous les membres du groupe passé en revue, il ne restait plus qu'une personne. Mis à part l'absence de Telak, le plus gros changement qu'ils avaient subi était la perte de puissance considérable de ses sorts. Avec de tels pouvoirs, c'était tout juste si elle pouvait prendre des missions qui consistaient à récupérer un chat coincé dans un arbre.

Le problème venait donc d'elle. Même avec un scénario similaire ou le champ aurait été ravagé, elle aurait pu faire repousser les légumes avant même que la cliente ne hausse le ton. À présent cela tenait du miracle si sa musique faisait éclore un bourgeon. Il fallait qu'elle règle ça au plus vite !

Avec à présent un autre objectif en tête que de marcher au hasard pour se vider la tête, Syara prit le chemin du Hall des musiciens. Vu qu'ils habitaient en périphérie de la ville, ça n'était pas la porte à côté, mais la beast n'en pouvait plus d'être un fardeau.

Arrivée au point de chute de tous les mages de la région, Syara se présenta à l'accueil et demanda à voir un musicien spécialisé dans les soins. Phi l'avait déjà examinée et n'avait rien trouvé d'anormal, mais peut-être que son cas était au-delà du domaine de compétence de la jeune fée. Pour être certaine que la personne envoyée soit la bonne, elle prit le temps d'expliquer la situation inhabituelle dans laquelle elle se trouvait, puis patienta jusqu'à ce qu'on lui présente quelqu'un.

Assise sur un banc, une inquiétude la prit soudain. Les finances n'étaient pas au beau fixe et elle n'avait pas grand-chose sur elle. Avec cela en tête, elle espéra que la personne qu'on allait lui présenter ne demanderai pas trop d'argent en contrepartie pour ses services.

— Mais c'est bien elle ! Entendit-elle en voyant un nain se rapprocher. Lorsqu'on m'a dit qu'une certaine Syara avait besoin de mes services, je me suis dit que ça devait en être une autre, mais c'est bien vous !

— On se connaît ?

— Non, mais dans la ville d'où je viens, vous êtes célèbre. Après tout, vous avez arrêté la tempête qui a failli la rayer de la carte.

— Vous êtes de Sendra ?

— Exact. J'étais d'ailleurs sur les remparts le jour de votre intervention. Quand je vous ai vus, vous et votre ami créer des murs de terre dans la ville puis détruire celui qui la protégeait des vagues, je me suis dit que j'étais tombé sur deux tarés qui voulaient que la ville sombre. Et bah je m'étais trompé. Par contre, je maintiens que vous êtes taré pour faire face à une déferlante comme ça sans chercher à vous mettre en hauteur. Enfin bref, qu'est-ce que je peux faire pour aider la petite louve favorite de Sendra ?

— Petite louve ?

— Ouai, faites pas attention. Quand les habitants ont appris qu'en plus d'avoir sauvé la ville, c'était votre première mission, ils vous ont donné ce surnom. Faut pas le prendre mal, c'est affectif.

— Je ne le prends pas mal, c'est juste que je n'étais pas au courant, sourit-elle. Si j'ai besoin de vous, c'est parce que mes pouvoirs ont très fortement décliné ces derniers temps. Je sais que j'ai beaucoup trop tiré sur la corde, mais là ça en devient très inquiétant.

— Dans ce cas, vous pouviez pas mieux tomber. Les problèmes de mages, c'est ma spécialité.

— Par contre, je suis un peu à court au niveau des finances et...

— Vous faire payer ? Et puis quoi encore ? Si je rentre à Sendra et qu'on apprend ça, je vais me faire lapider ! Allez, suivez moi. Allons trouver un coin tranquille que je puisse vous examiner.

Entraînée par le nain au caractère jovial, Syara traversa le Hall des musiciens à la recherche d'une pièce vide. Pendant ce temps là, elle repensa au surnom que les Sendriens lui avaient donné. La petite louve... pourquoi pas ? Elle n'allait sans doute pas utiliser ce pseudonyme où qu'elle aille, mais elle trouvait tout de même ça mignon.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant