Chapitre 92 : les excuses d'une fée

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 Le plan d'action réfléchi, chacun partit de son côté. Elyazra et Syara se rendirent dans leurs appartements respectifs pour se reposer tandis qu'Elirielle était partie rendre des comptes aux autres dragons et expliquer les décisions qu'ils avaient prises en petit comité. De son côté, Orélius était lui aussi retourné dans ses appartements vu qu'il n'avait pas grand-chose à faire d'autres. Il ne fallut cependant pas longtemps avant que quelqu'un ne frappe à sa porte.

— Entrez ! Invita-t-il.

S'attendant à voir plus ou moins tout le monde, la personne qui se présenta à lui ne se trouvait malgré tout pas en haut de la liste. Phi entra et referma derrière elle. Que pouvait-elle bien lui vouloir ?

— Toi aussi tu es passée par les montagnes, tu devrais te reposer... Mais c'est vrai que tu n'étais pas invitée au Kiel'Felas, donc tu ne dois pas avoir d'appartement pour toi. Tu peux utiliser mon lit si tu le souhaites.

— C'est gentil de proposer, mais je ne suis pas fatiguée, sourit-elle. Je voulais te parler. Je ne te dérange pas ?

— Absolument pas. Tu veux boire quelque chose ?

— je suis trop jeune pour boire de l'alcool. J'en ai déjà pris par mégarde ou plutôt par maladresse et ça ne m'a pas réussi.

— Je ne suis pas Ely, rit Orélius. Quand je dis boire, je ne parle pas uniquement d'alcool. J'ai quelques jus de fruits bien meilleurs au goût et pour la santé que n'importe quelle niôle que ma cousine pourrait s'enfiler.

— Dans ce cas je veux bien un verre.

Sortant une bouteille contenant un liquide orange sombre et deux verres, Orélius les remplit presque à raz-bord et les amena sur la table basse. S'asseyant sur le canapé, il invita la jeune fée à en faire de même, puis lui tendit la boisson qu'il lui avait servi.

— Merci.

— Mais de rien. Alors dis-moi. De quoi voulais-tu me parler ?

— Je voulais m'excuser.

— T'excuser ? De quoi ? Demanda-t-il avec de grands yeux.

— De la manière dont Syara et Ely t'ont traité. Tu n'as rien fait pour qu'elles s'acharnent comme ça sur toi. Ça n'est pas juste !

Après un instant de flottement ou tout deux restèrent silencieux, Orélius se mit à rire sans pouvoir s'arrêter. Pour Phi, cette réaction était pour le moins étonnante. Elle le laissa donc faire et attendit qu'il se calme pour avoir des explications concernant ce qui se passait.

— Tu n'as pas à t'en faire pour ça. Si je n'ai pas réagi, c'est que je ne me suis pas senti en danger un seul instant. Ely m'a fait bien pire et je lui ai fait bien pire en retour, ce ne sont que des chamailleries. Quant à sa sœur, j'ai bien compris que c'était une personne qui avait le sang chaud. Elle s'emporte rapidement, beaucoup doivent la voir comme quelqu'un de caractériel, mais elle a un bon fond. Tu as bien vu par toi-même que nous avions une discussion posée avant qu'Ely ne revienne et que nous commencions à réfléchir au plan d'action. Et même là, toutes les deux étaient calmes, à part à la fin.

— Mais quand même... Te plaquer contre le mur comme elles l'ont fait. Ça ne se fait pas.

— Je comprends la colère de Syara qui s'est sentie embarquée malgré elle et pour Ely, comme j'ai dit, ça n'est qu'un jeu. J'ai laissé faire parce que je savais qu'il ne m'arriverait rien. Si l'une des deux avait vraiment voulu me faire du mal, je les aurais maîtrisées pour les calmer.

Surprise par cette réponse inattendue, Phi regarda Orélius avec de grands yeux interloqués. Maîtriser Syara, d'accord. Après tout, sans son violon, elle avait une force tout à fait banale. Pour Elyazra cependant, c'était une tout autre histoire. Elle était un monstre de puissance brute !

— N'oublie pas que je suis moi aussi issu de l'union d'un dragon et d'une humaine. Ely ne l'admettra jamais devant personne, mais en termes de force brute, je suis au dessus d'elle. Elle n'a jamais réussi à me battre quand nos jeux de mains se transformaient en véritable bagarre. Donc tu vois, il n'y a pas besoin de s'en faire pour moi. Et puis, je ne vois pas pourquoi ce serait à toi de t'excuser de leur comportement.

— D'habitude il y a les autres pour les canaliser, mais moi, quand elles font ce genre de chose, je n'arrive pas à me faire entendre.

— Quelqu'un a réussi à trouver un moyen de canaliser Ely ? Comment a-t-il fait ?

— Elle s'en prenait souvent à Guard au début. De ce qu'il m'a dit, il était un bandit qu'elle avait épargné et forcé à suivre. C'était un peu leur souffre douleur et il encaissait toutes les remarques sans broncher. Elles se sont calmées à mesure qu'il a gagné leur confiance et il est aujourd'hui un peu comme le père de notre famille. Pour Rael, c'est sa personnalité calme et réfléchie qui arrive à les atteindre. Grâce à ça, il arrive à leur montrer qu'elles agissent de manière impulsive sans les énerver encore plus. C'est même peut-être ça qui a plu à Ely et c'est pour ça qu'ils sont ensemble.

— Et toi dans tout ça ? Quelle est ta place dans cette famille ?

— Je dirai que je suis la petite sœur qui a du mal à s'affirmer et qui cherche à montrer qu'elle n'est pas inutile.

— Ça m'étonnerait que tu sois inutile. Déjà, tu as une endurance hors du commun pour une humaine. Être là à me parler après un voyage qui a épuisé une demie-dragonne comme Ely, ça n'est pas rien. Tu as un instrument avec un pouvoir qui t'a facilité les choses ? D'ailleurs, j'ai un peu entendu parler des écoles qui permettaient d'avoir un instrument. Tu n'es pas un peu jeune pour avoir le tien ?

— Je n'ai pas d'instrument de musique et pour ce qui est de l'endurance, je suis loin d'égaler Ely ou même Syara. Si j'ai pu venir ici sans me fatiguer, c'est parce que je ne suis pas réellement humaine. Vu que nous allons partir pour un autre monde ensemble, mieux vaut que tu le saches.

Habituée à se transformer, Phi rapetissa en un battement de cils et fit apparaître ses ailes pour dévoiler sa véritable nature. Cette fois-ci c'était au demi-dragon d'être surpris. La jeune fée savait qu'elle ne devait pas montrer sa forme à n'importe qui, mais il s'agissait tout de même du fils de Shay et du cousin d'Elyazra en qui elle plaçait toute sa confiance.

Après avoir voleté et fait quelques tours du salon, Phi reprit taille humaine, mais ne cacha pas ses ailes. Orélius restait malgré tout bouche bée devant elle.

— Gravir les montagnes n'a pas été un problème pour moi et même quand je me sentais fatiguée, Ely insistait pour que j'aille me reposer dans son sac.

— Une fée... Je ne savais même pas qu'elles existaient ! Comment mon imbécile de cousine qui brise tout ce qu'elle a entre les mains et fonce dans tout ce qui bouge comme un taureau enragé a fait pour se lier d'amitié avec une fée ?

— Ely, Syara, les autres et ton père aussi m'ont sauvé la vie. Ils ont fait tellement de choses pour moi que je voulais absolument continuer à les accompagner, même quand tout allait enfin pour le mieux pour moi, encore une fois grâce à eux.

— Tu peux m'en dire plus ? J'ai très envie de connaître cette histoire.

— Bien sûr, avec plaisir !

Venue à la base pour s'excuser au nom de Syara et Elyazra, Phi se mit à raconter ce qui lui était arrivé, comment elle avait été sauvée, recueillie, puis ramenée chez elle par ses amis où ils s'étaient finalement battus pour sa liberté.

La seule personne à qui elle avait raconté tout ceci en dehors de ses amis était le doyen des doyen de la forêt élementale. Cela lui faisait du bien de pouvoir parler de ce sujet à quelqu'un, de montrer à quel point ses amis comptaient pour elle et étaient à bien des égards ses héros.

Orélius accueillit cette histoire avec le plus grand intérêt, posant de nombreuses questions et remplissant leurs verres à mesure qu'ils se vidaient. Elle voyait en lui de nombreux traits communs avec son père et n'avait nul doute qu'il deviendrait, lui aussi, un très bon ami sur qui elle pourrait compter et qui, elle l'espérait, compterait sur elle.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant