Chapitre 54 : Ebauche d'un plan infaillible

139 40 14
                                    

 L'euphorie de la nouvelle passée, le maire demanda aux trois harpies de remettre leurs capes et capuches. Cette demande les inquiéta quelque peu, mais elles obéirent tout de même et observèrent le dirigeant de Sendra se rendre jusqu'à la porte de son bureau. À cet instant, il remarqua que quelqu'un avait fermé la porte à clé, ce dont Guard se justifia en se dénonçant et en expliquant qu'il ne voulait pas qu'une personne entre alors que Sae et ses sœurs n'étaient pas cachées.

Avec ces explications, le maire comprit et acquiesça qu'il s'agissait effectivement d'une bonne initiative. Il rouvrit donc la porte, se rendit dans le bureau d'à côté et demanda à la personne qui s'y trouvait d'annuler toutes les réunions qu'il avait de prévu ce jour-ci. Malgré les protestations de la personne, il insista, puis retourna dans son propre bureau qu'il ferma à clé de sa propre initiative.

— Ils vont frapper à la porte pendant un moment, mais finiront par se faire une raison, expliqua-t-il.

— Merci pour ce que vous faites pour elles, dit Syara.

— Un changement aussi important dans le monde entier, ça vaut bien quelques personnes mécontentes qui vont voir leur rendez-vous décalé. Nous allons passer l'après-midi à mettre au point un plan digne de ce nom, avec ma propre expertise en politique, pour que tout se déroule au mieux.

— Une après-midi va suffire ? s'inquiéta Rael. Pour tout vous dire, en tant qu'escorte, nous avions déterminé que Sendra était à la fois assez influente tout en étant accessible grâce à Syara, mais nous n'avions pas vraiment pu réfléchir à la suite vu le nombre d'inconnues que représentait cette rencontre.

— C'est tout à fait normal. Heureusement que vous n'êtes pas allés directement à Léfarène, ça aurait été...

— Du suicide, finit Elyazra.

— Elles n'auraient jamais pu atteindre le conseil, confirma-t-il. Pour répondre à la question, une après-midi sera très juste, mais nous continuerons tout ceci chez moi. Vous pourrez tous y loger et nous ne serons pas dérangés.

— Votre maison est si grande que ça ? Questionna Sae.

— J'étais l'un des marchands les plus riches de la ville avant de me lancer en politique. Autant vous dire que même avec votre escorte, il me restera encore largement de la place.

— Vous avez des employés pour vous occuper de cette grande maison ? s'inquiéta Syara.

— Quelques-uns, mais j'ai toute confiance en eux. Ils ne diront rien à personne si je leur explique la situation. Et puis, si ça n'est pas le cas, au moins vous pourrez prouver que vous méritez votre récompense pour cette mission d'escorte, dit-il avec un large sourire. Mais ne nous attardons pas sur ça, nous avons du pain sur la planche.

Ne perdant pas de temps, le maire sortit une feuille et commença à lister tous les points qu'ils devaient aborder avant que les harpies ne soient prêtes pour la suite. Syara ne s'attendait pas à ce qu'il s'implique autant et aussi tôt, mais elle n'avait pas non plus imaginé une seule seconde qu'il y aurait autant de points à aborder.

À chaque fois qu'elle pensait qu'il avait terminé sa liste, il passait quelques secondes à réfléchir et repartait sur une salve entière de nouveaux sujets à clarifier. Au final, cela représenta une liste de trois pages entières.

— Voilà le premier jet, annonça-t-il. Pas trop démoralisée ?

— Je ferai le nécessaire pour que les harpies puissent vivre en paix, annonça-t-elle avec détermination. Merci pour le temps que vous prenez pour nous.

— Auriez-vous de quoi écrire ? Questionna Rael. Avec tous ces points, si nous ne rédigeons pas ce qui est décidé, il y a de fortes chances que nous l'oublions.

L'elfe cyber équipé pour retranscrire ce qui allait être dit, la grande réunion stratégique put commencer. Le maire était méticuleux et ne laissait aucune place au hasard ou à la chance. Toutes les possibilités étaient étudiées et chaque point de la liste prenait un temps considérable pour être considéré comme traité.

À l'exception d'Elyazra qui avait décroché presque dès le début, tout le monde était investi dans cette tâche et cherchait à bien faire. Aucune question, même celles qui paraissaient les plus stupides, n'étaient mises de côté.

À la fin de la journée, alors que la nuit était tombée et que l'ennui commençait à rendre folle la demie-dragonne, seul trois points de la liste avaient été abordés. À ce rythme là, ça n'était pas une soirée qui allait suffire, mais une semaine au minimum !

— Bien, faisons une pause le temps d'aller chez moi.

— Enfin ! s'exclama la demie-dragonne qui vécut cela comme une délivrance.

Vu qu'ils devaient sortir du bureau, les harpies se drapèrent de nouveau de leur cape pour cacher tout attribut de leur espèce. Malgré l'heure tardive, le maire ne put échapper aux interrogatoires de ceux qui étaient restés exprès pour savoir pourquoi il avait annulé ses rendez-vous, pourquoi il s'était enfermé dans son bureau et qui étaient les personnes avec lui.

À cet instant, tous purent constater de l'expérience qu'il avait en politique pour convaincre et rallier les personnes à sa cause. Sans révéler quoi que ce soit de compromettant, mais sans mentir pour autant, il avait réussi à leur faire accepter le fait que son geste était parfaitement légitime. Le seul reproche qui lui fut fait au final fut qu'il aurait pu leur expliquer tout ceci plus tôt.

— Je ne sais pas où vous habitez, mais pouvons nous prendre un itinéraire qui évite les endroits fréquentés ? Demanda Syara. Nos amies ne sont pas très à l'aise avec ça et je sais que dans des villes comme celle-ci, certains endroits ne désemplissent pas malgré l'heure.

— Ne vous en faites pas, nous ne passerons pas par de tels lieux. Le quartier que j'habite est l'un des plus calmes.

— En tout cas, ça fait du bien de respirer un peu d'air frais ! s'exclama Elyazra.

— Tu sais, la mise au point d'un plan aussi abouti que nous le souhaitons va prendre du temps. Rien ne t'empêche d'aller te balader en ville pendant que nous l'établissons. Nous te préviendrons juste si tu as un rôle à y jouer.

— Et s'il y a une attaque et que je ne suis pas là ?

— On saura les défendre tout en te faisant savoir qu'il faut que tu reviennes, répondit Rael.

— Peut-être même qu'on en aura fini avec les assaillants avant que tu ne sois là, ajouta Syara avec un large sourire.

— Dis aussi que je suis inutile tant que tu y es !

— Sans le moins du monde insinuer cela, je pense que c'est une bonne idée, affirma le maire. Avoir des oreilles à l'extérieur nous donnerai des chances de nous préparer si quelque chose de fâcheux venait sur nous. Ce genre de nouvelle, même s'il était demandé de la tenir secrète, ferai le tour de la ville avant que quiconque ne parvienne jusqu'à nous.

— Et ça ferait donc de moi un élément indispensable et je serai là à temps pour fracasser des têtes ! Tu vois petite sœur, ça n'est pas compliqué d'y mettre les formes pour me faire plaisir, le maire a très bien compris ! Tu devrais prendre exemple sur lui.

— Mais oui, mais oui. Au fait monsieur le maire, n'oubliez surtout pas de dire à vos employés de fermer à double tour tous les placards qui contiennent de l'alcool une fois arrivé.

— Pfeu ! Comme si une simple serrure allait m'arrêter. Dites-leur aussi de verrouiller le garde-manger si vous ne voulez pas qu'elle vous le dévalise entièrement en plein milieu de la nuit parce qu'elle aura eu une petite faim.

À présent habituées à ce genre de chamailleries, les harpies souriaient sous leur cape devant cette scène. Le maire avait aussi l'habitude des aventuriers excentrique et s'en amusait sans s'offusquer tandis que Rael et Guard se cachaient le visage et que Phi tentait en vain de faire cesser la petite dispute entre les deux sœurs.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant