Chapitre 12 : Être à la hauteur

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 Bien qu'ils aient accepté la mission, il allait être compliqué pour eux de partir immédiatement. L'orage grondait toujours, la pluie était diluvienne, la nuit commençait à tomber et la fatigue du trajet se faisait sentir. Vu qu'il était dangereux de tenter de remonter pour rejoindre un village de harpies sur un plateau, ils optèrent plutôt pour se réfugier dans une grotte à proximité.

Celle-ci avait déjà été aménagée par les harpies qui attendaient leur arrivée depuis plusieurs jours et avait comme avantage d'être assez surélevée pour que l'eau ne s'infiltre pas à l'intérieur. Une fois leur paquetage défait, un temps libre fut décrété avant que chacun ne se rassemble pour déterminer la marche à suivre pour réussir cette mission.

Elyazra était alors partie s'entretenir avec les deux sœurs de Sae. Elles étaient celles qui s'étaient tenues à côté d'elle, mais n'avaient pas vraiment parlé avant qu'ils ne soient entrés dans cette grotte. Phi, qui n'était au courant de rien, se réveilla et du recevoir des explications sur tout ce qui s'était passé depuis qu'elle s'était endormie. Une fois au fait de la situation, elle s'était naturellement rendue auprès de l'impératrice pour se présenter.

Les voir ainsi toutes les deux faisait irrémédiablement se dessiner un large sourire sur le visage e la beast. Elles étaient l'une comme l'autre les dirigeantes de leurs peuples respectifs, mais a cet instant, elles ne ressemblaient qu'à deux jeunes adolescentes qui sympathisaient.

De leur côté, Guard et Rael étaient restés ensemble et abordaient les autres harpies. Vu que Sae leur avait laissé leur libre arbitre et leur permettait de s'exprimer avec une totale transparence, ils voulaient en apprendre plus sur ce qu'elles pouvaient ressentir lorsqu'elles étaient sous l'emprise d'un ordre de leur impératrice.

De ce que Syara pouvait entendre, il y avait deux types d'ordres. Ceux généraux où l'impératrice s'adressait à au moins un groupe de harpies et l'ordre individuel. Dans le premier cas, ce qui était dicté leur semblait d'un coup être l'évidence même. Elles ne perdaient pas leurs souvenirs et certaines se rappelaient parfaitement avoir éprouvé de l'animosité envers les autres races. Pour elles, c'était comme si elles avaient passé des heures à débattre avec quelqu'un sur un sujet, qu'elles avaient fini par se rendre compte que cette personne avait raison et s'étaient finalement rangées de son côté.

Dans le cas d'un ordre individuel, les sentiments étaient plus complexes. Seuls les membres du clan des serres noires avaient vécu une telle expérience. Sae ne voulait en aucun cas des pantins obéissants à ses moindres ordres, mais un peuple aussi libre que les autres et capable de contester ses décisions s'ils trouvaient qu'elles n'étaient pas bonnes. Beaucoup de harpies lui avaient d'ailleurs fait savoir qu'elles considéraient que s'allier avec les autres races était de la folie.

Celles, donc, qui avaient subi un ordre individuel étaient les membres de son clan, lorsqu'elle ne contrôlait pas encore parfaitement ses pouvoirs. Un tel ordre donné par une impératrice était perçu comme un extrême privilège et devenait une véritable obsession.

L'une d'elles poussa même l'explication encore plus loin pour bien faire comprendre ce qui leur arrivait. Elle affirma que si Sae usait de ses pouvoirs d'impératrice et lui ordonnait de se trancher la gorge, elle le ferait sans aucune hésitation, avec le sourire et mourrait avec la satisfaction d'avoir été jusqu'au bout pour sa maîtresse, quand bien même ça n'aurait été qu'un caprice.

Cela donnait froid dans le dos et même elles étaient terrorisées à l'idée d'être ainsi contrôlées. Dans l'ensemble, toutes les harpies étaient heureuses que l'impératrice soit Sae et non une harpie sanguinaire qui allait les sacrifier dans des raids suicides comme c'était le cas pour toutes les autres impératrices avant elle.

Si certaines ne voyaient pas l'intérêt de se rapprocher des autres races, bien plus encore préféraient juste faire leur vie dans leur village sans déranger personne et ne pas être obligée d'y partir pour massacrer des gens qu'elles ne connaissaient pas et qui ne leur avaient rien fait.

— Alors ? Tu boudes ? Demanda soudainement Elyazra.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Je ne sais pas, tu reste là, toute seule dans ton coin.

— J'écoute la conversation qu'ont Rael et Guard avec les autres harpies. C'est très instructif. En même temps, je garde un œil sur Sae et Phi. Regarde les. Elles ne se connaissent que depuis quelques minutes, mais elles donnent l'impression d'être des amies d'enfance.

— Ça n'est pas vraiment étonnant. Elles se ressemblent beaucoup toutes les deux. Un peu naïves, idéalistes, qui cherchent la paix... Si tout le monde était comme elles, on se retrouverait vite à court de travail.

— Si ça devait arriver, je serai plus qu'heureuse d'arrêter, mais ça n'est pas le cas, commenta-t-elle avec une mine presque abattue.

— On y est, s'exclama Elyazra en s'asseyant à côté d'elle. Allez, dit à ta grande sœur ce qui ne va pas.

— Arrête de te foutre de m...

— Je ne me fou pas de toi, je suis on ne peut plus sérieuse. Je veux que tu saches que je serai toujours là si tu as besoin qu'on se crie dessus, mais aussi si tu as besoin de te confier à quelqu'un. Je n'ai pas attendu de savoir qu'on avait la même mère pour te considérer comme ma sœur.

— Tu me considérais comme ta sœur et tu voulais coucher avec moi ?

— Arrête, tu sais très bien que ça n'était que pour plaisanter et que je faisais uniquement ça parce que tes réactions étaient bien trop drôles.

— J'ai peur, souffla-t-elle finalement pour en revenir au sujet de ses inquiétudes. J'ai peur de ne pas être à la hauteur. J'ai peur qu'au moment crucial où il faudra se battre pour la protéger, mes pouvoirs me fassent défaut comme c'est le cas depuis que j'ai refermé ce portail. J'ai peur que Sae se fasse tuer à cause de moi.

— Tu n'es pas la seule à la protéger, nous sommes tous là pour ça. Pour le moment, personne n'a jamais réussi à percer les boucliers de Phi, donc elle sera déjà en sécurité de ce côté là. Et puis, tu peux compter sur nous pour que les assaillants ne fassent pas long feu. Après, si ça t'inquiète tant que ça, pourquoi ne pas demander directement à la personne qui connaît plus le violon que toi ?

— Qui ?

— Sérieusement ? Ne me dit pas que tu n'as pas essayé de rentrer en contact avec l'esprit qui se trouve dans ton violon ! Pas le psychopathe, l'autre. Tu sais, celui qui s'engueulait avec son lui débile dans le coffre de cristal.

— Fos ? Si, j'ai essayé plusieurs fois, mais ça n'a rien donné.

— Alors tu devrais réessayer. J'ai comme le pressentiment que cette fois-ci, ça sera différent. Après tout, tu ne cherches plus à récupérer tes pouvoirs pour faire des missions et gagner de quoi payer le loyer, mais pour protéger quelqu'un qui t'es cher. Je suis sûre qu'il ne saura pas rester indifférent à ça.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant