Chapitre 84 : La colère de la désignée volontaire

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 Les grandes lignes des actions ainsi que les acteurs qui allaient y participer ayant été décidés, le Kiel'Felas put prendre fin pour donner lieu à d'autres réunions stratégiques en plus petit comité au sein de la forteresse et non plus au-dessus du lac de lave à la chaleur étouffante. Réunis dans la même pièce, les participants désignés pour se rendre dans l'autre monde devaient discuter de la manière dont ils comptaient accomplir leur mission, mais Syara ne comptait pas se laisser faire face à cette mission qui lui avait été imposée.

— Qu'est-ce qui t'a pris de nous impliquer là-dedans ?! Explosa-t-elle en prenant Orélius par le col pour le plaquer contre le mur.

— Vous ? J'ai juste proposé à Ely de m'accompagner. Pourquoi tu le prends aussi personnellement ?

— Parce qu'il n'est pas question que je la laisse partir seule pour un autre monde !

— Eh ! C'est moi la grande sœur je te rappelle ! S'offusqua la demie-dragonne. Je suis parfaitement capable de me gérer moi-même !

— Oui, oui, on en reparlera plus tard si tu veux, mais pour l'instant, laisse les adultes discuter.

— Va te faire voir ! S'énerva Elyazra en lançant au visage de la beast la première chose qui lui passa sous la main.

Se baissant pour éviter le chandelier volant, Syara ignora sa sœur et se reporta de nouveau sur celui qui les avait embarquées dans cette galère. Orélius arborait un large sourire et était visiblement amusé par la situation.

— Ça se voit tout de suite que vous êtes sœurs. Vous êtes exactement pareil.

— Ta gueule ! Lancèrent en cœur les deux femmes en colère.

— Bon, pour en revenir au sujet principal, proposa le demi-dragon pour éviter qu'elles ne se liguent contre lui pour se passer les nerfs. Je ne vois pas pourquoi tu t'énerves autant. Qu'est-ce qu'il y a de mal à lui proposer de m'accompagner ?

— Tout d'abord, tu ne lui as pas proposé en expliquant ce que cela impliquait, tu lui as juste dit qu'elle pourrait boire en allant là-bas. Ensuite, nous ne pouvons pas nous éloigner de ce monde parce que nous avons une personne à protéger. Enfin, est-ce que tu trouves que c'est une bonne idée d'envoyer en infiltration chez les anges celles qui ont trucidé leur envoyée ?

— Je me suis dit que ce serait une bonne idée de partir en voyage avec elle. Nous avons été séparés pendant presque un an, mais avant ça, il ne s'est pas passé un jour sans qu'on ne se voie pas depuis nos dix ans. Et pour la personne à protéger, si les anges nous envahissent, elle ne sera pas non plus en sécurité.

— Syara... Tu me prends vraiment pour une alcoolique qui ne pense qu'à boire ? C'était une blague tout à l'heure. Je ne veux pas l'accompagner parce qu'il y aura peut-être de l'alcool là-bas, mais parce que je le considère comme mon frère et que j'aimerais passer du temps avec lui. Et puis, toi et moi, nous appartenons un peu aux deux mondes. Celui-ci de par nos pères et l'autre de par notre mère. Tu ne penses pas, sachant cela, que c'est à nous d'agir pour empêcher l'invasion ? Et si ça se trouve, tous les anges ne sont pas nos ennemis. Ils ne sont peut-être que dirigés par des tyrans comme les harpies l'étaient avec leur matriarche.

Avec leurs crêpages de chignon quotidiens pour des sujets aussi futiles que puérile, la beast avait fini par sous-estimer sa sœur. Malgré les apparences, elle avait très bien compris ce qu'impliquait cette nouvelle mission et ses arguments étaient pour le moins convaincants. D'un autre côté, pourquoi s'entêtait-elle à jouer l'imbécile alcoolique ?! À cause de ça, elle passait pour une personne qui n'était pas fiable et qu'il fallait constamment surveiller !

— Le cousin d'Ely a raison, appuya Phi. Si la guerre éclate parce que nous avons décidé de ne pas agir pour protéger Sae, alors elle sera encore moins en sécurité.

— Parce que tu veux y aller toi aussi ?!

— Je ne vous ai pas juste accompagnées pour participer à cette réunion. Je vous l'ai dit que je voulais être là parce que je sentais que quelque chose de dangereux pouvait arriver et que mon aide vous serait utile !

— En voilà une qui a du cran ! S'exclama Orélius. Toi par contre, si tu ne veux pas faire partie du voyage, personne ne t'y oblige. Après tout, ma proposition ne concernait qu'Ely à la base.

S'il comptait l'énerver, le demi-dragon n'aurait pas pu s'y prendre autrement. La mâchoire serrée, la main fermement agrippée à son col, Syara tendit son poing en arrière, prêtre à décrocher un coup dont il se souviendrait toute sa vie, même avec la résistance qu'offrait son sang de dragon.

Elle resta un instant dans cette position, son bras tremblant à force de serrer le poing, puis se ravisa, lâcha Orélius et sortit de la pièce en claquant la porte. Le silence s'installa alors dans la pièce tandis que le cousin d'Elyazra allait s'installer sur une chaise, enfin libéré de l'emprise de la beast.

— Pas commode ta sœur. Ça ne doit pas être facile de vivre avec elle.

— On se dispute souvent, mais ce ne sont que des chamailleries comme nous en avions toi et moi, souffla la demie-dragonne.

— Je ne comprends toujours pas ce qui lui a mis les nerfs en pelote comme ça.

— Même si ça en a l'air, ça n'est pas contre toi. À ma naissance, mon père s'est enfui avec moi, mais elle, elle a passé les premières années de sa vie auprès de notre mère. J'ai dit pendant le Kiel'Felas que c'était une connasse, mais ça reste un doux euphémisme. On peut largement considérer qu'elle a été torturée pendant huit ans avant que son père ne s'enfuie et la mette à l'abri, perdant lui-même la vie par la même occasion. Elle pensait en avoir terminé avec sa mère et ces histoires d'anges envahisseurs et voilà que ça revient sur le tapis et qu'elle doit être impliquée.

— Personne ne la force...

— Si... Elle, répondit Phi. Elle est dotée de pouvoirs incroyables et pense que si quelque chose de grave arrive, il est de sa responsabilité de l'en empêcher.

— Ne t'en fais pas pour elle. Elle va sortir prendre l'air, remettre de l'ordre dans ses pensées, puis reviendra une fois qu'elle sera calmée pour nous annoncer d'elle-même qu'elle fera partie du voyage.

Rassuré d'entendre qu'il s'agissait d'un comportement normal chez elle, Orélius se détendit. À présent, il ne restait plus qu'à attendre que Syara fasse ce que sa sœur avait annoncé.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant