Chapitre 100 le véritable visage de Fos

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 Après avoir eu un aperçu de la vie de ses deux prédécesseurs et de l'emprise qu'avait Fos sur eux, Syara put voir les premières images qui concernaient l'esprit du violon lorsqu'il en était lui-même le porteur. Elle le vit cacher les différentes pages des partitions d'Athéa, non pas pour protéger le monde, mais parce qu'il comptait s'en servir lorsqu'elles seraient de nouveau utilisables.

Certains endroits ne lui disaient rien, comme un temple souterrain qu'il avait façonné à sa gloire et dans lequel il avait assassiné de nombreux mages pour que leurs cadavres, une fois relevés grâce à de la nécromancie, servent de gardiens contre les intrus. D'autres étaient plus familiers. Elle le vit déposer l'une des pages dans le coffre de cristal, en remettre une à Shay et une autre à Shavi ou bien au peuple des fées.

Pour ce dernier, les visages qu'elle voyait sur la stèle et les comportements qu'ils adoptaient en sa présence étaient bien loin de l'histoire qui lui avait été contée. Les fées baissaient autant les yeux que la tête, une crainte réelle se lisant sur leur visage. Chaque mot qui sortait de leur bouche semblait à peine audible, comme si parler trop fort était synonyme de châtiment pour eux. Ainsi, ils ressemblaient bien plus à des esclaves qu'à un peuple avec qui il avait sympathisé.

La scène suivante ne fit que confirmer ce que Syara avait déduit de la précédente. Elle relatait la création du coffre de cristal. Fos était arrivé en conquérant dans la forêt des fées. Celles-ci, biens portantes contrairement encore une fois à l'histoire qui lui avait été racontée, avaient refusé qu'il s'empare du cristal gigantesque qui leur permettait de rester en vie. Contrarié, le violoniste avait alors tué la moitié des fées et assujetti l'autre moitié.

L'image s'arrêta un instant sur lui, un sourire carnassier déformant ses traits. Si aucun son ne parvenait aux oreilles de Syara, le flot d'émotions et de pensées qui la traversaient lui permettaient aisément de s'approcher de tout ce qui avait pu être dit à ce moment-là.

— Puisque vous n'êtes plus aussi nombreux qu'avant, vous n'avez plus besoin d'un cristal aussi gros, entendit-elle dans sa tête juste avant que Fos ne brise le cristal en deux.

L'onde de choc que ce geste provoqua réduisit encore d'un quart la population initiale des fées. Celles qui restaient ne devaient leur salut qu'à leur maîtrise de la magie sans instrument qu'il trouvait utile.

Une nouvelle pensée qui ne lui appartenait pas traversa alors son esprit et lui donna des frissons d'horreur. Si le corps des fées était infusé de magie, peut-être pouvaient-elles servir de composé alchimique pour faire de puissantes potions. Il s'agissait donc de Fos ? Il était celui qui avait lancé la rumeur que les fées étaient des composants de la potion d'immortalité ?

Remontant un peu plus dans le temps, la stèle montra Fos qui assistait à la cérémonie de l'âme. Si la mort de la plupart de ceux qui y participaient ne lui faisait ni chaud ni froid, la puissance de ceux qui réussissaient l'inquiétait. De là était née l'idée de créer le coffre de cristal. Réduire la mortalité n'était pas la finalité, mais l'argument pour faire accepter cette méthode. Non, déjà à cette époque il savait très bien comment réduire les risques lors de la cérémonie. S'il voulait imposer le coffre de cristal, c'était avant tout pour réduire la puissance des autres mages.

Syara le savait déjà. Les instruments liés offraient une puissance bien moindre que les instruments de l'âme, mais pour elle, il s'agissait du raisonnement inverse. La société avait consenti à cette perte de pouvoir pour plus de sécurité pour ceux qui tentaient de devenir mage.

Une nouvelle fois, les images changèrent, de même que le flux de pensée. Fos était alors entouré de dragons qui, entravés par des chaînes d'énergie, lui juraient allégeance contre leur volonté. Le résultat était, pour le violoniste, mitigé. Ils allaient lui obéir et ne pourraient jamais révéler qu'ils étaient alliés contre leur volonté, mais les dragons étaient tout de même des créatures trop puissantes pour en faire de simples pantins.

À présent, Syara comprenait pourquoi l'ombre du violon avait donné un tel exemple lors de leur dernière rencontre. Il y avait effectivement une bonne raison qui poussait les dragons à suivre Fos malgré les allégations qu'ils avaient faites à son encontre.

Après d'autres images montrant les nombreuses exactions qu'avait pu commettre Fos dans sa quête de puissance et qui faisaient passer Anela, la mère de Syara, pour une véritable sainte, la stèle s'attarda sur la guerre cyber et sur une discussion entre l'envoyée des anges et le violoniste.

Là encore, il n'y avait aucun son, mais ce qui ressortait des pensées qui défilaient dans sa tête étaient qu'Anela avait déclenché la guerre cyber à la suite de la grande guerre non pas pour asseoir sa domination, mais pour empêcher celle de Fos.

La stèle montra tout de même que la mère de Syara avait fait des choses horribles et qu'elle ne valait pas mieux que Fos, mais ses actions avaient au moins eu le mérite de ruiner les plans du violoniste pour s'emparer du monde.

Les images de la grande guerre qui avait suivi le cataclysme s'enchaînèrent ensuite, peignant un Fos à deux facettes. L'une lumineuse, héros des peuples et usant de ses pouvoirs de manière désintéressée pour le bien de tous, l'autre obscure qui manipulait les dirigeants dans l'ombre et se débarrassait discrètement de ceux qui lui opposaient de la résistance.

Après cela, l'image s'évapora pour révéler les écritures d'en dessous. Celles-ci ne cessaient de se graver ou de disparaître, si bien que Syara était totalement incapable d'en saisir le moindre mot. Lorsqu'enfin cet emballement se calma, une nouvelle scène s'y superposa, montrant une elfe au teint rosé et aux longs cheveux blonds. Une partie de son visage, tout comme ses vêtements luxueux, était maculé de sang qui n'était visiblement pas le sien.

La stèle avait passé tous les porteurs de violon de l'ancien monde pour arriver à la toute première, déduisit la beast. Impatiente d'avoir cette nouvelle version de l'histoire, Syara poussa un cri de stupeur lorsque le sol se déroba sous ses pieds.

À part le fait de chuter, elle n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'elle tomba lourdement sur ce qui semblait être le canapé de sa maison.

— Tu as réussi ! S'exclama une voix enfantine.

— Ça n'a vraiment pas été simple, répondit en un souffle celle familière de Fos.

— Syara, tu m'entends ? Tu vas bien ? Questionna Cristal en se précipitant vers elle pour l'aider à se remettre de sa chute tout juste amortie par le canapé.   

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant