Chapitre 106 : Réveil difficile mais apaisé

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 Les esprits apaisés et Syara rassurée, la beast avait passé un petit moment en compagnie des deux habitants du violon pour parler avec eux de la suite des événements concernant l'ombre. En considérant qu'elle se rangeait de leur côté, deux options s'offraient à elle. Soit elle avouait à l'ombre qu'elle avait percé à jour sa supercherie, risquant ainsi sa colère et de nouvelles manigances dans son coin, soit elle lui disait qu'elle n'était pas encore convaincue et restait indécise. Cette seconde option impliquait sans aucun doute d'être de nouveau convoquée, mais l'ombre serait au moins occupée à chercher comment la rallier à sa cause et poserait moins de problèmes.

Une troisième option, celle de lui mentir en lui disant qu'elle avait ouvert les yeux et voulait rejoindre son camp fut rapidement évoquée, mais balayée presque aussitôt. Certes, elle serait plus proche de leur ennemi et pourrait rapporter plus d'informations, mais cela impliquait aussi d'utiliser sans complexe le violon corrompu.

En donnant cet argument, Syara vit Cristal frémir d'effroi à l'idée de se faire de nouveau torturer. Tous admirent donc qu'aller trop loin n'était pas une bonne idée. Il fut donc décidé qu'elle jouerait l'indécise. Restait à savoir comment lui expliquer sa disparition des archives.

Là encore, ce fut la beast qui apporta la réponse. Elle comptait utiliser les méthodes de l'ombre pour les retourner contre lui. Se baser sur la vérité et la falsifier juste assez pour coller à son récit. Ainsi, dans cette histoire, elle leur avait bien avoué qu'elle avait vu les archives et ce qu'ils contenaient, mais les contre-arguments n'avaient pas été aussi pertinents que dans la réalité et l'avaient laissée dans l'indécision.

Jusqu'à ce que la nuit touche à sa fin, les trois violonistes reprirent un à un les arguments que Cristal avait pu donner pour les transformer en quelque chose de bancal qui pouvait justifier sa non prise de position. L'exercice était plus difficile que prévu. S'ils travestissaient trop la réalité, elle n'aurait pas de raison de ne pas rejoindre l'ombre, mais s'ils ne le faisaient pas assez, elle ne pouvait pas affirmer qu'ils ne l'avaient pas convaincue.

Finalement, c'est totalement épuisée que Syara se réveilla dans son lit. Un tour dans la salle de bain lui fit pousser un soupir d'exaspération lorsqu'elle vit son reflet et notamment ses cernes. Son état provoqua différentes réactions de la part de son entourage. De l'inquiétude pour la plupart, surtout avec la baisse de moral qu'elle avait montré ces dernières semaines, de hilarité pour sa sœur qui, ayant trouvé il y a quelque temps un livre sur les animaux qui peuplaient le monde avant l'ouverture du portail, lui avait trouvé un surnom qu'elle trouvait parfait dans cette situation. La beast panda.

Pour ceux qui s'inquiétaient, Syara les rassura en affirmant que la nuit blanche qu'elle venait de passer était nécessaire pour réfléchir à certaines choses et qu'elle serait fin prête, après une bonne nuit de sommeil, à reprendre l'entraînement. Concernant sa sœur, la beast se contenta de lui proposer de devenir une dragonne panda en lui faisant deux coquards.

Comme d'habitude, la situation s'envenima rapidement, les noms d'oiseaux fusèrent de part et d'autre, puis les deux sœurs se réconcilièrent juste avant d'en venir aux mains. Après avoir engouffré tout ce qui leur passait à portée pendant le petit-déjeuner, les deux terreurs se rendirent au terrain d'entraînement. L'une était là pour en découdre avec les dragons qui leurs servaient d'instructeurs, l'autre s'était posée pour observer le combat.

Avec tous les entraînements qu'elle avait endurés ces derniers jours, la progression d'Elyazra était flagrante. Elle avait même arrêté de foncer tête baissé comme un taureau enragé et se coordonnait à présent avec Orélius pour le couvrir ou l'appuyer dans ses attaques si nécessaire.

La demie-dragonne avait aussi arrêté d'écourter l'entraînement dès que le combat cessait. À présent, elle prenait quelques instants pour s'en remettre, puis repartait pour une nouvelle session. Syara devait faire très attention. Elle savait déjà que sa sœur se retenait lorsqu'elles se chamaillaient, mais là, avec sa progression, il était possible que leur prochain jeu de main se termine avec une beast étalée au sol se demandant ce qui avait bien pu lui arriver.

— Tu es vraiment sûre que ça va ? Demanda Phi en venant s'asseoir à côté d'elle, une pointe d'inquiétude dans sa voix.

— Mais oui. J'ai juste passé une nuit blanche, c'est tout. Je l'ai passé à réfléchir à certaines choses qui faisaient que je n'allais pas bien ces derniers jours. Considère que c'est un mal nécessaire pour que je puisse aller mieux.

— Je sais que tu me caches des choses pour ne pas m'inquiéter, mais je n'aime pas ça et, justement, ça m'inquiète !

— Il y avait de quoi, je le comprends, mais je te promets que tout est réglé à présent. Mais et toi ? Tout va bien ? Tu ne t'ennuies pas trop ici ?

— Rael et Guard me manquent, mais ça va, je ne m'ennuie pas. Quand tu t'entraînes à lancer le sort de traduction, Shassiam m'aide avec ma propre magie.

— C'est vrai ? Je ne savais pas ça ! Il s'y connaît en magie féerique ?

— Non, mais lui aussi utilise la magie sans instrument et beaucoup de ses conseils étaient très bons. Il a aussi très bien compris la nature de mes pouvoirs et m'a donné beaucoup d'idées sur comment je pouvais en tirer plus de potentiel. Au début, il me faisait un peu peur, mais finalement il est aussi gentil que Shay.

— Eh bien, avec vous trois qui vous entraînez avec acharnement, c'est moi qui vais être à la traîne lorsque le moment sera venu de partir, rit Syara. Il va falloir que je redouble d'efforts pour remonter à votre niveau.

— C'est vrai que tu as l'air d'aller mieux. En tout cas, tu as plus le moral.

— Même épuisée, j'irai toujours mieux qu'Ely maintenant. Vu comment Shassiam la malmène, tu vas avoir du travail.

Observant le combat, qui se déroulait au milieu de la cour, Phi ne put que constater que Syara avait raison. Même si elle continuait à se battre, la demie-dragonne était encore dans un état lamentable et allait avoir besoin de soin.

— Je crois que c'est de ma faute, grimaça la soigneuse.

— Pourquoi ça ?

— J'ai remarqué qu'à chaque fois que Shassiam pensait à un nouveau sort pour moi, Ely ou Orélius se retrouvaient avec la blessure parfaite pour que je l'essaie.

La regardant avec de grands yeux stupéfaits, Syara tourna elle aussi son attention vers le terrain d'entraînement. Il ne se servait tout de même pas d'Elyazra comme d'un cobaye pour Phi, si ?

— Phi ?

— Quoi ?

— Ne répète surtout pas ce que tu viens de me dire à Ely, d'accord ?

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant