Chapitre 115 : Châtiment ou récompense?

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 Si les anges avaient baissé leurs armes à la demande de ce nouvel arrivant, ils ne les avaient pour autant pas révoquées et continuaient d'encercler le groupe d'intrus. L'homme qui les avait interrompus s'était approché et placé à côté du chef du contingent. Contrairement aux autres, il ne portait pas d'armure, mais plutôt une tunique bleue et or qui devait valoir une véritable fortune à elle seule si elle était vendue dans le monde d'où le groupe d'expédition venait.

— Monsieur, sauf votre respect, ces êtres n'ont rien à faire sur les terres célestes. C'est un crime punissable de la mort !

— Ces personnes ont sauvé mon petit-frère de l'attaque d'un Noiroi géant, contra l'inconnu.

Ainsi, comme les elfes d'antan, les anges ne considéraient pas les autres races comme leurs égaux, se dit Syara. Ils n'étaient visiblement pas tous comme ça et ce simple échange l'avait prouvé. L'un les avait considérés comme des êtres tandis que l'autre parlait d'eux en tant que personnes.

Si son sort de traduction avait fait en sorte d'accorder de l'importance à cette nuance, ce devait être parce qu'il y en avait une. En les qualifiant d'êtres, l'ange en armure devait les voir comme, au mieux, juste au-dessus des animaux alors que celui qui avait utilisé le terme personnes pouvait les voir comme leurs égaux.

— Je sais que votre travail consiste à prévenir de toute intrusion, aussi je ne vous empêcherai pas de le faire. Cependant, je vous laisserai expliquer à mon père pourquoi il n'a pas pu remercier comme il se devait et comme il le souhaitait les sauveurs de son fils. Il vous demandera sans doute aussi comment un Noiroi a pu autant approcher de ses terres alors que vous étiez censé les surveiller.

Un choix qui n'en était pas un, pensa la beast en souriant intérieurement. Elle avait beau ne rien connaître aux lois des anges, vu la tête que tirait celui en armure, il risquerait très gros à s'en prendre à eux.

— Eh bah, il a l'air influent le papa ! S'exclama Elyazra.

— Le papa ? Comment osez-vous parler en ces termes du baron Voklan ! Explosa le soldat.

— C'est une insulte chez eux d'être père ? S'étonna la demie-dragonne. Pourtant c'est factuel. Si cette gentille personne ainsi que le gamin qu'on a sauvé sont ses fils, alors ça fait de lui leur papa, non ?

Au vu de la mâchoire serrée et des phalanges qui blanchissaient tandis qu'il serrait la poigne de son arme, le soldat hésitait réellement à s'occuper d'eux quel qu'en soient les conséquences. Si Syara avait envie de dire à sa sœur de se taire et que ça n'était pas le moment d'intervenir, elle trouvait qu'elle n'avait pas spécialement tort sur le coup.

De plus, lui demander une telle chose allait sans doute mener à une nouvelle scène de sa part. Si une telle chose allait s'avérer inévitable dans le futur, mieux valait qu'elles montrent un tel spectacle le plus tard possible, quand la tension serait totalement redescendue.

— Mais j'y pense ! En fait, ça n'est pas de sauver des enfants qui t'intéresses ! Réfléchit à haute voix Elyazra en se tournant vers sa sœur. Tu ne chercherais pas à sauver des petits nobles plutôt ?

— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

— Eh bien réfléchi ! Une princesse sirène, une future reine fée, une future impératrice harpie et maintenant le fils d'un baron. Tu te spécialises dans les têtes couronnées ! Annonça-t-elle, toute fière d'avoir trouvé ça.

— Mais ça n'a rien à voir ! Eh puis, la plupart du temps, nous n'avons appris que bien plus tard ce genre de chose ! Se défendit la violoniste. Un enfant était en danger, j'ai voulu le sauver, point.

— Techniquement, c'est moi qui l'ai sauvé, contredit sa sœur.

Et voilà la fameuse scène qui commençait, se désola le groupe. L'une des deux semblait cependant consciente qu'il valait mieux éviter une telle chose devant les anges. Elle se garda donc de rétorquer que sans elle, l'ange serait toujours en train d'être consumé par des flammes noires et se contenta de souffler en admettant que oui, techniquement, c'était sa sœur qui l'avait sauvé.

— Sirène, harpie, fée ? Mais qu'est-ce que vous racontez ? Demanda le soldat pour qui ces races ne devaient rien lui dire. Et puis qui me dit que ça n'était pas votre plan depuis le début ?

— De nous trouver par hasard à l'endroit où un oiseau géant s'attaquait à un enfant et de décider de le sauver sans même savoir qui il était ? Répondit Syara pour souligner l'absurdité de sa question.

— Vous pouvez très bien avoir dressé ce noiroi pour qu'il attaque le jeune maître et que vous tuiez la bête pour passer pour son sauveur ! D'ailleurs, où se trouve le noiroi à présent ? Où est sa dépouille ?

— Le noiroi a disparu dans les nuages, mais il était incapable de voler, répondit Elirielle. Et pour vos accusations, cela voudrait dire que nous comptions sur votre incompétence à arriver à temps pour le sauver vous-même ? Ça n'est pas très flatteur pour votre réputation... Une faillie de sécurité, ça arrive, mais que des envahisseurs soient au fait de cela et l'exploite en dirait long. Ne préférez-vous pas la version qui arrange tout le monde, qui est la véritable version qui plus est, qui parle d'un heureux hasard que nous nous trouvions là au bon endroit et au bon moment pour sauver un enfant d'un tel monstre ?

Un tel discours de la part de la dragonne allait sans aucun doute tous les énerver, se dit Syara. Le chef des anges semblait d'ailleurs serrer encore plus autant les dents que son arme. Pourtant, son regard trahissait tout autre chose que de l'énervement. Vissé sur le sol, il montrait qu'il enrageait non pas parce qu'elle l'avait nargué, mais parce qu'elle avait raison sur toute la ligne. L'éloquence des dragons était redoutable.

— Alors capitaine ? Que comptez-vous faire d'eux ? Demanda le fils du baron.

— À vous de décider, finit-il par annoncer en un souffle résigné. Nous suivrons vos ordres.

— Dans ce cas, que diriez-vous d'escorter ces personnes auprès de mon père ? Quant à vous, j'espère que vous ne voyez pas ça comme une contrainte. Il s'agit ici d'une invitation. Malgré l'interdiction de vous trouver ici, je vous promets que vous ne risquerez rien et que nous cherchons uniquement à vous remercier pour ce que vous avez fait.

Après un regard entendu, le groupe accepta l'offre qui leur était proposée et se mit en route pour rencontrer le baron. Leur déguisement tombé, ce fut à pied que le trajet fut fait pour le grand déplaisir des anges visiblement peu habitués aux longues marches. Seul le fils du baron ne semblait pas en être incommodé, mais lui ne portait pas une lourde armure sur les épaules.

De toute façon, voler aurait impliqué d'utiliser de la magie devant eux. Cela se serait fait sans rien avec Elirielle ou avec un instrument pour Syara. De plus, ni Orélius, ni Elyazra ne savaient se diriger avec un sort de vol. La marche à pied était donc la seule option, mais aussi une bonne occasion de récolter des informations en parlant avec le seul ange qui semblait ouvert à la discussion.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant