Chapitre 117 : Rencontre avec le baron

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 Après plus d'une heure de marche, la ville était enfin en vue. Les soldats, bien qu'essayant de le cacher, étaient soulagés d'en finir avec cette mission d'escorte éreintante pour eux. Syara s'était déjà faite cette remarque lorsqu'ils s'étaient plaints au début. Elle avait mis ça sur le compte de leur équipement lourd plus que sur le fait que marcher n'était pas leur mode de déplacement conventionnel. Élane était d'ailleurs toujours frais, mais lui était habillé normalement. Elle était donc presque certaine que sa réflexion était la bonne, mais vu que le fils du comte était ouvert, il n'y avait pas de raison de ne pas lui demander directement.

— Est-ce l'armure qui peine autant vos soldats ? Demanda-t-elle.

— Il y a de ça, mais il y a aussi qu'ils sont peu habitués à marcher aussi longtemps.

— Et vous, ça ne vous dérange pas ?

— J'ai fini par m'y habituer. Les ailes de mon petit frère viennent tout juste de sortir, alors j'ai bien dû m'adapter quand il ne pouvait pas voler. Il était justement en train de s'exercer quand je l'ai perdu de vue. La suite, vous la connaissez.

Les anges en bas âge n'étaient donc pas pourvus d'ailes, se dit la beast. Elle et sa sœur avaient fait cette supposition vu que leur mère voulait le contrôle de leur corps pour récupérer la faculté de voler qu'elle avait perdu en coupant les siennes. Elle avait donc la confirmation de son hypothèse. Restait donc à savoir si des demies-anges comme elles allaient un jour en avoir aussi naturellement ou si un quelconque rituel était nécessaire pour les faire pousser.

— Vous étiez donc dans les plaines lors de l'attaque. Je me disais aussi que la ville était bien trop éloignée pour que vous puissiez vous rendre jusqu'à nous aussi rapidement, commenta Orélius.

— Exactement. Quand je l'ai vu revenir en panique et qu'il m'a expliqué ce qui lui était arrivé, je lui ai dit de retourner à la maison pendant que j'allais à la rencontre de ceux qui lui étaient venus en aide.

Donc les remerciements du comte n'étaient qu'une supposition vu que ça n'était pas lui qui avait demandé à son fils de venir à leur rencontre, réfléchit la violoniste. Si le père était comme le fils, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter, mais dans le doute, mieux valait qu'ils restent sur leur garde.

Continuant à avancer, le groupe finit par arriver aux portes de la ville. Celle-ci n'était pas spécialement fortifiée. Il n'y avait ni rempart, ni porte à proprement parler, juste des bâtiments d'habitation qui formaient une démarcation nette entre les plaines et la ville.

Les rues, bien que larges, n'étaient que peu fréquentées. Cependant, un nombre important d'anges traversaient le ciel au dessus d'eux. Après tout, pourquoi s'embêter à marcher quand il était possible de passer par la voie des airs pour aller d'un point à un autre ?

Les quelques personnes présentes ainsi que celles qui faisaient attention à ce qui se passait en bas étaient plus que surprises de voir des êtres d'une autre race dans leur ville. Ce spectacle en intriguait certains qui se posaient sur un toit ou un balcon pour les observer tandis que d'autres s'envolaient avec une légère crainte dans leur regard. La présence des soldats aida malgré tout à ce qu'il n'y ait aucun débordement et les invités purent ainsi rejoindre la demeure du comte sans encombre.

S'il y avait bien une tendance commune aux trois mondes, c'était bien la démesure des habitations des riches et des puissants. Là où ils avaient pu constater que la ville était autant constituée d'immeubles de quelques étages et de petites maisons, celle du baron était un véritable manoir qui faisait penser, à bien des égards, à demeure du maire de Sendra.

Deux anges attendaient devant l'entrée et, les voyant approcher, ouvrirent en grand les porte dans une synchronicité parfaite. Au passage d'Élane, les portiers inclinèrent légèrement la tête et se redressèrent immédiatement après qu'il les ait dépassés.

Au milieu du hall d'entrée, un enfant attendait près d'un homme à la stature imposante qui dépassait tout le monde d'au moins une tête. L'un comme l'autre portaient des vêtements dans le même style qu'Élane et devaient très certainement être l'enfant qu'ils avaient sauvé ainsi que son père, le baron en personne.

— C'est eux père ! S'exclama l'enfant. C'est eux qui m'ont sauvé du Noiroi !

— Tu ne m'avais pas dit qu'ils n'étaient pas des nôtres, commenta-t-il en remarquant l'absence d'ailes dans leur dos.

— Chez nous, dans ce genre de situation, on dit merci, sourit Elyazra.

Si Elirielle et Syara l'avaient laissée fanfaronner pendant le trajet, il n'était pas question que son attitude et les piques qu'elle ne cessait d'envoyer leur cause des problèmes ici. L'une se chargea donc de lui donner une tape derrière la tête tandis que l'autre lui enfonça son coude dans le flanc, juste en dessous des cotes.

— Je vous prie d'excuser mon imbécile de sœur, elle n'a jamais réussi à assimiler le principe simple qui consiste à se taire quand c'est nécessaire, expliqua Syara avec un air gênée.

— Merci. Du fond du cœur, merci d'avoir sauvé mon fils, dit tout de même le baron en s'inclinant légèrement.

— Monsieur, je tiens tout de même à préciser qu'ils viennent d'en bas. Ils n'ont rien à faire ici ! Intervint le capitaine. Lorsque nous les avons trouvés, ils pensaient passer inaperçu en usant d'illusions pour nous ressembler. Leurs intentions ne sont certainement pas bonnes !

— Vous pouvez disposer capitaine, le rembarra le baron.

— Mais...

— Laissez-moi reformuler. Retournez à votre patrouille capitaine, c'est un ordre.

Bien que peu ravis, le capitaine ainsi que toute son escouade saluèrent le baron et sortirent de la maison. Le fait qu'il n'ait pas plus insisté que ça fit naître une pensée dans l'esprit de la beast. Il ne devait pas craindre pour la vie du baron et cela voulait dire que l'homme en face d'eux était parfaitement capable de se défendre, même à cinq contre un.

Il n'était pas non plus à exclure que ce capitaine les sous-estimait grandement et, tout comme les anciens elfes avaient caché le secret de la magie par les instruments aux autres peuples, il était aussi possible que les anges aient caché la leur aux peuples d'en bas. Malgré tout, elle-même n'était pas du genre à sous-estimer ses adversaires et cet ange massif qui se tenait devant elle devait effectivement être très puissant.

— Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau, j'aimerais m'entretenir avec vous en privé. Élane, tu viens aussi. Quant à toi Firène, tu peux aller rejoindre tes amis.

— Mais je veux rester et remercier ces personnes !

— Tu auras l'occasion de les remercier quand j'en j'en aurai terminé avec eux. En attendant, ne t'approche pas de mon bureau.

Si la formulation qu'il venait de donner parlant d'en terminer avec eux ne plaisait pas à la beast, elle n'en montra rien. Le fils du baron était amical, mais qu'en était-il du baron lui-même ? Elle avait l'impression qu'elle aurait la réponse très prochainement et qu'il allait s'agir, soit d'un allié de poids dans le futur, soit d'un puissant ennemi qui allait mettre en péril leur mission.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant