Chapitre 48 : Une histoire d'œuf

158 48 36
                                    

 Après avoir applaudi la prestation de Sae et l'avoir complimentée sur sa voix, le groupe rangea les quelques affaires qu'ils avaient sorties et se remirent en route. D'après les estimations de Guard et Rael, ils avaient parcouru la moitié du chemin jusqu'à Edolaf et pouvaient encore se permettre d'assurer une protection minimale encore pendant un temps.

Sae et Phi reprirent donc la tête du groupe tout en se mettant à chanter. Si la harpie avait une voix ravissante, celle de la fée était plutôt jolie bien que plus banale. Au moins, elles n'étaient pas de vraies casseroles comme pouvait l'être Elyazra, pensa Syara.

— Je sais à quoi tu penses, grogna la demie-dragonne.

— Hein ?

— J'ai vu ton regard en coin. Tu espères que je ne me joigne pas à elles.

— Mais pas du tout ! Se défendit sa sœur. Je me disais qu'on avait de la chance. Le tavernier nous avait dit qu'on était parti pour une semaine de pluie et même s'il y a de l'orage, pas une seule goutte n'est tombée.

— Tu pensais vraiment ça ? Questionna Elyazra de manière suspicieuse.

— Et en se disant ça, elle a prié pour que tu ne te mettes pas à chanter, ce qui ferait tomber des trombes d'eau sur nous, intervint Rael, hilare.

— Toi par contre, je vais faire en sorte que tu ne puisses plus du tout chanter, menaça-t-elle en lui jetant un regard noir.

— Mais ça n'est pas moi qui ai pensé ça, moi j'adore t'entendre chanter, se défendit-il en toute hâte.

— C'est un grand mélancolique, il aime regarder la pluie tomber, enchérit Syara.

— Je vais me faire une grillade d'elfe façon dragon noir, tu vas voir ! Avec de la queue de Beast en accompagnement.

— Allons, ne vous battez pas pour ça, intervint Guard en levant les yeux au ciel. Un peu de tenue pendant une mission d'escorte.

— En plus, on sait comment se terminent vos petites querelles d'amoureux et il n'y a aucun endroit où vous pouvez vous isoler ici, alors ça ne sert à rien de continuer, ajouta la beast.

— S'isoler pour quoi ? Questionna Sae.

— Pour... heu...

— Eh bien oui très chère sœur, explique lui pourquoi on chercherait à s'isoler, appuya Elyazra avec un large sourire de vengeance.

Totalement prise au piège, Syara se rendit compte que ses moqueries s'étaient retournées contre elle. Sa sœur était redoutable pour retourner ce genre de situation. La beast se sentait d'autant plus trahie qu'Elyazra était à présent accrochée au bras de Rael, comme s'il avait toujours été de son côté.

— Tu l'apprendras quand tu seras plus grande, dit le satyre, sauvant ainsi la violoniste de cette situation.

— Nous non plus nous ne voyons pas vraiment pourquoi elle a dit ça, commenta la sœur harpie la plus âgée.

Surprise qu'elles ne voient pas de quoi il était question, mais nullement gênée par ce sujet contrairement à sa sœur, Elyazra leur chuchota à chacune les explications sur ce dont il était fait allusion.

— Oh, je vois, dit-elle comme s'il s'agissait d'une révélation.

— Vous semblez surprises, remarqua Syara.

— Chez nous, c'est un peu différent. Pour ce genre de chose, nous nous rendons juste dans le nid d'un mâle.

— Ah ! Vous parlez de faire un œuf ! s'exclama Sae.

— Finalement elle n'a pas besoin d'être plus grande pour l'apprendre, se ravisa Guard.

— Ça n'est pas vraiment étonnant que cela diffère autant de chez nous vu la grande disparité entre population masculine et féminine chez les harpies, commenta Rael.

— Mais... Tu as déjà...hésita la beast.

— Ce sujet a l'air de te déranger, remarqua l'impératrice. Chez nous ça ne pose aucun problème d'en parler, même aux plus jeunes.

— Je suis la plus âgée et j'entre à peine dans l'âge où je suis autorisée à avoir mon premier œuf, bien que je puisse techniquement en avoir un depuis plusieurs années, expliqua l'aînée. Nous suivons cependant des règles strictes pour éviter la surpopulation car les ressources dans les montagnes sont limitées.

— J'ai... Tellement de questions, s'avança la demie-dragonne avec un intérêt certain.

— Eh bien tu attendras d'être seule avec elles pour les poser ! s'exclama Syara qui, elle, ne voulait pas en entendre plus. Et pas question d'aborder ce sujet devant Phi !

— Hein ? Pourquoi ? Je veux savoir moi ! Protesta la fée d'une voix qui montrait que, contrairement à Sae, ce genre de chose lui avait été caché.

— Non, tu ne veux pas savoir ! Paniquèrent à l'unisson Guard et Syara.

Surprise de s'être fait ainsi crier dessus sans même savoir de quoi il était question, Phi commença à avoir les larmes aux yeux, tourna le dos au groupe et accéléra le pas.

— Ah bah bravo, tu l'as faite pleurer, constata Elyazra.

— Toi la nymphomane alcoolique, tu la fermes, rétorqua sèchement la beast.

— Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'une frigide névrosée boulimique !

— Assez ! Intervint Guard, à bout. J'en ai jusque-là de vos querelles stupides et de vos engueulades pour un rien, alors l'une comme l'autre, je ne veux pas vous entendre jusqu'à ce qu'on soit arrivé en ville, c'est clair ?

Telles des enfants devant un père plus qu'énervé, les deux sœurs se turent immédiatement et continuèrent à marcher en regardant leurs pieds. Pourquoi fallait-il que cela finisse toujours ainsi, se dit le Satyre. Il n'aimait pas endosser ce rôle, mais était le seul à pouvoir l'assumer et à avoir le pouvoir, en sa qualité de gestionnaire des comptes, pour être crédible.

Alors qu'elles s'étaient éloignées l'une de l'autre, Rael remarqua l'air étonné des harpies. Il les rassura de suite en affirmant que ce genre de scène était habituel avec ces deux fortes têtes, puis remarqua immédiatement un mouvement d'oreille chez Syara et un de tête pour Elyazra. Toutes deux avaient une ouïe fine et avaient sans doute entendu ce terme de forte tête qui ne plaisait ni à l'une, ni à l'autre lorsqu'il venait de quelqu'un d'autre qu'elles-mêmes.

Il continua malgré tout en expliquant que tout ceci allait s'arranger rapidement et demanda à Sae un service. Rattraper Phi pour la consoler et lui faire retrouver le sourire. Après tout, la pauvre fée n'avait rien demandé et n'était qu'une victime collatérale de la dispute infantile entre la beast et la demie-dragonne.

La jeune harpie accepta avec joie cette mission et rejoignit son amie. À peine quelques minutes plus tard, leurs chants résonnaient de nouveau sur la plaine.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant