Chapitre 41 : Une dernière porte à franchir

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 Privée de ses mains et donc de ses instruments, Sinélia relâcha son emprise sur tous les rebelles présents. La sœur de Cristal ne devait pas être habituée à recevoir une quelconque blessure, alors se faire amputer ainsi la faisait hurler de douleur.

Une fois tous les sorts annulés du côté de l'elfe rebelle qui devait continuer à jouer pour éviter que ce qu'elle avait préparé ne se déchaîne dans la salle, Cristal révoqua son instrument et fut immédiatement prise dans une étreinte qui trahissait la peur qu'avait eue Mélyne.

— J'ai eu si peur ! s'exclama-t-elle. Jusqu'au dernier moment, j'ai cru que je n'arriverai pas à lui résister.

— Moi aussi j'ai eu peur. Dans la panique, je n'arrivais pas à trouver un moyen de t'entraver sans te blesser. Je ne voulais surtout pas qu'il t'arrive quelque chose, maman.

Ce dernier mot surprit la démone qui hoqueta en même temps que des larmes perlaient au coin de ses yeux. Elle l'avait souvent appelée ainsi en privé, mais jamais entourées comme elles l'étaient à cet instant. L'appeler ainsi était venu naturellement pour Cristal. Après tout, Mélyne avait dit plus tôt qu'elle était sa fille, il s'agissait donc de quelque chose de parfaitement logique.

Ça n'était cependant pas le bon moment pour laisser libre cours à ses émotions. Il devait rester des membres de sa famille dans le palais, dont le plus dangereux de tous, son père.

Après un rapide coup d'œil autour d'elle, la jeune elfe fut rassurée. Aucun de ses alliés n'avait péri et leurs blessures étaient superficielles. Ils étaient d'ailleurs déjà réunis autour du musicien spécialisé dans la magie curative pour profiter de ses soins.

Vu qu'il n'y avait rien d'urgent de ce côté-là, Cristal se rendit plutôt auprès de sa sœur. Sinélia s'était mise à genoux et continuait de hurler en se recroquevillant sur elle-même. Elle releva cependant la tête et fixa Cristal avec une terreur certaine qui transparaissait de ses yeux rougis par les larmes.

— P... Petite sœur. Tu... Tu ne vas pas me faire du mal, n'est-ce pas ? Je t'ai toujours bien traitée, rappelle-toi. J'ai toujours fait tout mon possible pour te rendre heureuse. Tu n'as tout de même pas oublié ta sœur chérie qui était aux petits soins ?

Si en la revoyant avant le combat Cristal avait en effet eu l'impression de voir deux visages différents chez sa sœur, à présent elle ne percevait que celui du monstre qui, acculé, tentait de s'en prendre à l'affect pour s'en sortir.

— Ne t'inquiète pas grande sœur, ne ne vais rien te faire. Après tout, ce que tu dis est vrai, tu as toujours été là pour moi lorsque j'étais enfant.

— J'ai dit de méchantes choses tout à l'heure, je le regrette. Je ne le pensais pas, c'est juste que je ne veux pas te perdre à nouveau et cette folle idée de te faire revenir par la force m'a traversé l'esprit. Je m'inquiétais pour toi !

Si elle la laissait encore parler, elle allait finir par dire que la sauver après le coup de poignard que son père lui avait donné était son idée et qu'elle collaborait avec les rebelles depuis le début, se dit Cristal. Soit ! Pourquoi ne pas rentrer dans son jeu encore un peu ?

S'agenouillant devant elle, Cristal prit Sinélia dans ses bras. Vu sa blessure, sa sœur ne lui rendit pas cette étreinte, mais elle pouvait sentir son soulagement de se faire ainsi pardonner.

— Je suis heureuse de retrouver la sœur que j'avais autrefois.

— Oui, moi aussi. Ma petite Cristal. Ma petite sœur !

— D'ailleurs, je pense que je ne suis pas la seule à être heureuse de retrouver celle que tu étais autrefois, annonça-t-elle en se relevant. Il y a ici quelqu'un qui, je pense, aimerait beaucoup parler avec toi de sa famille.

— Q...Quoi ?

— Irios, je te la laisse, prends soin d'elle comme elle a pris soin de tes sœurs.

À ces mots, Cristal dépassa Sinélia sans lui accorder un seul regard. Les autres rebelles la suivirent immédiatement à l'exception d'un satyre qui se posta devant leur ennemie vaincue. Peu de temps après, des hurlements effroyables résonnèrent dans le couloir.

Il n'était en aucun cas nécessaire de passer par un tribunal pour savoir la peine qui lui était réservée. Lorsque la peine de mort était prononcée, celle-ci était exécutée proprement et rapidement. Il était d'ailleurs mal vu de torturer les ennemis, même si personne ne se voilait la face et savait que ce procédé avait été utilisé.

Irios aurait sans doute des problèmes si quelqu'un venait à apprendre ce qu'il était en train de faire subir à Sinélia, mais plus personne ne se trouvait dans la pièce avec lui et tous ceux qui entendaient ces cris allaient sans doute oublier cette partie là de l'assaut, sans doute à cause du stress ou de la concentration qu'ils avaient en vue du prochain objectif. Du moins, c'est ce qu'ils diront une fois tout ceci terminé.

Comme ils l'avaient fait précédemment, le groupe avança avec prudence en direction de la terrasse la plus haute du palais. Depuis le temps qu'elle les affrontait, Cristal avait perdu le compte des personnes vaincues de sa famille. Combien en restait-il encore à protéger son père ? Peut-être aurait-elle dû poser la question à Sinélia avant de la laisser entre les griffes d'Irios.

Ils ne croisèrent cependant aucun autre membre de la famille et arrivèrent devant la porte fenêtre qui menait à la terrasse. De l'autre côté, ils pouvaient voir le roi tyran qui jouait de sa flûte. Mettre l'accent sur la prudence s'était malgré tout avéré utile. L'entrée avait été piégée avec une magie aussi subtile que mortelle qui aurait eu raison de tout le monde s'ils n'avaient pas fait attention.

Savoir qu'ils étaient à une porte de l'affrontement final avait quelque chose de très frustrant, surtout en voyant bien que leur dernier adversaire préparait quelque chose de gigantesque. Tout le monde s'affairait à trouver un moyen de passer, soit en cherchant d'autres passages, soit en vérifiant s'ils ne pouvaient pas contrecarrer le piège. Dans le premier cas, toutes les autres fenêtres étaient aussi piégées et dans le second, ce sort semblait impossible à contrer en peu de temps.

Cristal avait cependant trouvé la faille presque instantanément. Mais était-ce réellement une faille ? Ce sort n'affectait pas les membres de la famille royale, elle pouvait donc pénétrer sur la terrasse, mais seule. Avait-il fait ça pour que ses enfants le rejoignent ? Non, il s'agissait d'une invitation personnelle. Elle en était certaine. Il voulait que le combat final soit entre lui et elle sans que personne ne les dérange. Tout ceci était tout simplement... Parfait !

— J'ai trouvé comment entrer, mais ça ne fonctionne que pour la personne qui a trouvé ce moyen, mentit-elle.

— Et quel est-il ? Questionna Acolar.

— à tout à l'heure, répondit-elle plutôt.

— Cristal non !

Trop tard. La jeune elfe avait touché la poignée. À présent, elle se trouvait de l'autre côté de la porte fenêtre, face à son père. Face à celui qui lui avait enfoncé un poignard en plein cœur alors qu'elle n'avait que dix ans. À présent, il n'y avait plus de camp loyaliste et rebelle. Il ne s'agissait plus que d'une histoire et d'une vengeance personnelle.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant