Chapitre 2 : Dispute familiale

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 Avec un air dépité, le groupe passa le portail qui leur permettait de retourner à Léfarène. Ils avaient certes accompli leur mission, mais les dégâts qu'ils avaient causés dans le champ pendant le combat avaient été déduits de la récompense promise pour ce travail.

— On a combien ? questionna la demie-dragonne une fois arrivés dans la ville où ils habitaient.

— Pas assez pour payer le loyer, souffla le satyre qui s'occupait des comptes de l'équipe.

— Donc si je comprends bien, on peut dire au revoir à la soirée au bar qu'on avait prévu ce soir, commenta-t-elle, dépitée.

Si beaucoup de choses avaient changé depuis que Syara et Elyazra avaient vaincues leur mère et empêché l'invasion des anges, ce point-ci n'avait pas bougé. La demie-dragonne n'avait pas perdu son goût pour l'alcool, ce qui était un problème pour les finances du groupe qui en pâtissaient.

Elle n'avait d'ailleurs toujours aucune notion de l'argent et il lui était interdit d'y toucher. De plus, pour ajouter à son malheur, si elle n'hésitait pas à aguicher les hommes au bar pour se faire payer des coups lorsqu'elle était célibataire, elle avait cessé de le faire depuis qu'elle s'était mise en couple avec Rael. Elle plaisantait d'ailleurs souvent à ce sujet en disant que leur couple leur coûtait cher à cause de ça.

— Et dire au revoir à la bonne bouffe, se désola à son tour Syara.

Tout comme Elyazra, sa sœur n'avait pas abandonné ses habitudes de manger comme quatre. Bien qu'elle ait quelque peu réduit en ayant le moral en berne à cause de ses pouvoirs qui déclinaient, cela représentait toujours une somme conséquente, si bien qu'il avait été décidé qu'elle pouvait se lâcher après une mission réussie, mais faire attention le reste du temps. La beast ne pouvait cependant pas considérer que cette mission était réussie vu la récompense qu'ils avaient finalement reçue.

Quelque peu démoralisés, ils finirent par rentrer chez eux. Avec le couple que faisait Rael et Elyazra, il était devenu urgent de trouver une maison pour loger tout le monde convenablement. Ils avaient réussi, à force de recherche, à en trouver une qui leur convenait en périphérie de la ville.

Cette dernière n'avait pas de jardin, mais une grande pièce à vivre et surtout une chambre pour chaque personne. Si Syara était enfin débarrassée de sa sœur qui ne prenait plus toute la place dans son lit, c'était incontestablement Guard qui avait le plus gagné dans ce déménagement. Le satyre n'avait plus à dormir sur le canapé et avait enfin un peu d'intimité dans sa chambre. Enfin, même si Phi pouvait ne prendre que peu de place sous sa forme originelle, il avait été convenu qu'elle avait le droit, comme tous les autres, à une chambre normale.

— Bon, souffla Guard en se posant sur le canapé. Si nous n'avons pas accompli la mission comme il le fallait, cela nous donne au moins l'occasion d'apprendre de nos erreurs. Je vous écoute. Qu'est-ce qui n'a pas été et comment nous aurions dû faire pour la mener à bien et correctement ?

— Premièrement, si une certaine personne ici ne s'était pas amusée à faire courir le sanglier partout dans le champ, peut-être que la cliente ne nous aurait pas hurlé dessus comme elle l'a fait, commença Syara.

— Tu parles de moi là ? Demanda Elyazra avec un ton qui montrait clairement qu'elle n'allait pas se laisser faire.

— Tu vois quelqu'un d'autre ici pour qui cette description correspond ? Rétorqua sa sœur.

— Eh bien si madame la grande mage savait faire autre chose qu'un sort de vent tout juste bon à faire voltiger une feuille morte, et ça avec plus de cinq minutes de préparation, peut-être que le champ serait dans un meilleur état.

— Et si... tenta d'intervenir Phi.

— Au moins je n'ai pas fait pire que notre cible, contrairement à toi ! Je te rappelle qu'on devait protéger ce champ, pas le labourer entièrement !

— D'ailleurs, en parlant de ça, nous aurions pu... essaya de nouveau la fée

— Mais on a de la chance, tu as eu un éclair de lucidité et tu t'es retenue ! Si ça n'avait pas été le cas, je suis certaine que le champ et la maison ne seraient plus qu'un tas de cendres !

— Parce que maintenant on part sur des accusations de choses qui ne se sont pas produites ? Dans ce cas, peut-être qu'exaspérée par ta propre incompétence, tu aurais pu céder ta place à ton double psychopathe et en plus de détruire la propriété de la cliente, on y serait passé nous aussi !

— Dans le genre pire équipière qu'on puisse avoir, tu te places au sommet !

— Et toi tu es aux antipodes de la sœur sympathique ! Tu sais quoi, je ne connais pas ton père, mais tu as visiblement pris beaucoup plus du côté de notre mère.

Si le principe du mot de trop existait, Elyazra venait incontestablement de le prononcer. Bouillante de colère, la beast arma son poing pour le coller en plein de le visage de la demi-dragonne. Elle savait que sa constitution lui donnait une résistance hors du commun, mais à cet instant Syara était prête à se briser toutes les phalanges rien que pour lui faire ressentir ce coup.

Fort heureusement, Guard avait senti qu'elles allaient arriver à de telles extrémités. Pendant leur dispute, le satyre s'était levé pour se positionner de façon à pouvoir intervenir. Ainsi, avant que la violoniste n'ait pu donner son coup, il lui avait saisi le bras pour la retenir.

— Et puis merde, j'en ai marre de toi, je sors, annonça Elyazra en se rendant jusqu'à la porte d'entrée.

— Ne t'avise pas d'aller dans un bar !

— Je fais ce que je veux et je t'emmerde ! Répondit la demi-dragonne avant de claquer la porte.

— Syara, je sais que ça n'est pas facile en ce moment, mais... commença Guard après quelques secondes de silence.

— Et puis merde, moi aussi j'ai besoin de prendre l'air, se décida la beast.

Malgré le fait qu'à cet instant Syara ne voulait en rien faire les choses comme sa sœur, la beast suivit ses pas et sortit de la maison. Ça n'était certainement pas pour lui courir après et se réconcilier avec elle, mais toutes deux avaient besoin d'air pour se rendre compte que, l'une comme l'autre étaient allées trop loin.

— Je vais rattraper Ely, décida l'elfe noir. Il y a peu de chances qu'elle se rende dans un bar sans avoir d'argent, mais je pourrais peut-être la calmer un peu.

Avec un hochement de tête, le satyre approuva ce que son ami venait de dire. Intérieurement, il se disait qu'elle pouvait très bien arriver aux bonnes conclusions seules et une fois la tension retombée, mais il savait aussi que Rael s'inquiétait pour elle et que ne pas le laisser la suivre le rendrait soucieux.

Finalement, il ne restait plus que Guard et Phi qui, les yeux baissés, avait une triste mine. Ces deux furies n'avaient même pas pensé à elle alors qu'elles savaient que la jeune fée était très sensible à ce genre de discorde.

— Ne t'en fais pas, tout va s'arranger. Elles vont finir par revenir et se chamailler gentiment comme elles le font d'habitude.

— Tu es sûr ?

— Mais oui. Ce sont deux fortes têtes qui ne voudront jamais admettre qu'elles ont eu un comportement stupide, mais elles finiront par s'en rendre compte, reviendront à la maison et feront comme si cette dispute n'avait jamais existé. Parlons plutôt d'autre chose. J'ai entendu que tu voulais intervenir, tu as une idée de ce que nous aurions pu faire ?

— Nous aurions dû l'attirer dans la forêt. Ça aurait été plus compliqué de lancer des sorts sur lui, mais les arbres l'auraient empêché de prendre trop d'élan pour ses charges et les champs auraient été intact.

— Voilà la réponse que j'attendais... Et en plus de la part de la seule personne qui n'a rien à se reprocher dans ce qui s'est passé, sourit le satyre. La mission peut être considérée comme échouée, mais toi tu as été formidable. Je compte sur toi pour être aussi efficace à notre prochaine mission.

— J'essaierai d'être encore plus réactive ! Se motiva la jeune fée.

— On ne te mérite pas dans notre équipe, rit-il en lui caressant le cuir chevelu comme le ferait un père fier de sa fille.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant