Chapitre 59 : L'entrée d'une reine

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 Depuis l'arrivée des dirigeants, seule Syara était descendue pour dîner avec eux et préparer le terrain. Tous les autres étaient restés à l'étage et s'étaient faits discrets. Le cuisinier ne les avait pas oubliés et leur envoyait les mêmes plats que ceux servis en bas.

Lorsque le maire de Sendra avait annoncé vouloir faire un jeu avant le dessert, un servant était alors monté pour les prévenir. Le groupe et les harpies cachées par leurs capes descendirent alors et se mirent à écouter à la porte en attendant le signal. Pour le moment, tout se passait bien, mais la phase la plus critique allait bientôt avoir lieu.

Au moment où Syara demanda à quelqu'un d'entrer, tous se reculèrent pour ne pas être vu, seule Phi resta devant la porte et l'ouvrit pour pénétrer à l'intérieur. Tous les dirigeants avaient les yeux rivés sur elle. La dernière fois qu'elle avait eu l'attention d'autant de personnes, la jeune fée se trouvait encore dans son royaume. Elle avait donc perdu l'habitude de se mettre ainsi en avant et était quelque peu intimidée.

— Qui est-ce ? Questionna une humaine.

— Si je ne me trompe pas, il s'agit de l'un des membres de son groupe, expliqua l'un des membres du conseil de Léfarène. Un rapport nous est parvenu du hall et son cas est à l'étude. Vu son âge, elle ne devrait pas être autorisée à participer à des missions.

— Nous savons que nous jouons avec les limites en la prenant avec nous, mais elle est devenue un membre absolument essentiel du groupe et chaque membre lui doit la vie au moins une fois. Cependant, si je l'ai faite venir, ça n'est pas pour décider si oui ou non elle est autorisée à partir en mission, mais pour une tout autre raison. Peux-tu te présenter ?

— Bonjour, salua-t-elle avec une petite révérence ? Mon nom est Phindéréllia, reine du peuple des fées.

Si les dirigeants furent au départ surpris par une telle annonce, quelques-uns finirent par partir dans un fou-rire qui contamina toute la table. Ils devaient sans doute se dire qu'ils étaient encore tombés sur une originale comme il en existait tant chez les mages. Soit elle se donnait ce titre pour attirer l'attention, soit elle y croyait réellement et avait dû recevoir un coup un peu trop fort sur la tête.

Comme pour le reste du plan, une telle réaction avait été anticipée. William restait de marbre, de même que Phi qui ne prenait pas ces rires pour des moqueries. Syara, quant à elle, arborait toujours le sourire en coin qu'elle avait depuis qu'elle leur avait annoncé qu'une de ses assertions impossibles était vraie.

— Peut-être devrais-tu te montrer sous ta véritable forme, proposa la beast.

Ne s'occupant même pas des dirigeants toujours hilares, Phi reprit sa forme originelle, faisant réapparaître ses ailes et rapetissant jusqu'à atteindre une taille bien plus crédible pour une fée. Il n'avait fallu que le temps pour elle de voler jusqu'à la table pour que le silence s'installe dans la salle.

— C... C'est une... Vraie fée ? Questionna celui qui n'arrêtait pas d'être désagréable avec Syara depuis le début du repas.

— Que voulez-vous que ce soit d'autre ? Personnellement, je ne connais pas de sort de métamorphose pour qu'une humaine rapetisse et que des ailes lui poussent dans le dos.

— Et l'inverse ? Que les ailes disparaisse et qu'elle grandisse ? Demanda le beast bovin.

— Il s'agit de sa propre magie qu'elle utilise. Cela évite d'attirer l'attention. Je compte d'ailleurs sur vous pour que sa véritable nature reste secrète. Des imbéciles s'étaient mis en tête que des ailes de fée étaient un ingrédient pour confectionner une potion d'immortalité, ce qui est évidemment faux. Raconter autour de vous ce qu'elle est vraiment pourrait la mettre en danger, alors je compte sur votre discrétion.

Exposer ainsi la véritable nature de Phi était un gros risque, mais c'était elle-même qui avait avancé cette idée et avait insisté pour le faire. À son explication, Syara avait fortement envie de leur dire qu'elle retrouverai chacun d'eux s'il arrivait quelque chose à sa protégée, mais les menacer n'allait certainement pas les aider.

— Alors ? Que pensez-vous de mon jeu ? Intéressant n'est-ce pas ? Rit William.

Après être passé devant chaque convive, la jeune fée sauta de la table et retrouva en un instant une taille humaine. Elle ne cacha cependant pas ses ailes pour leur rappeler qu'elle n'en était en réalité pas une.

— Mais... comment se fait-il que personne n'en ait jamais vu ?

— Les fées ne s'éloignent normalement jamais de leur territoire et, si elles le font, elles ont la capacité de se rendre totalement invisible, expliqua la beast. Ça n'est d'ailleurs pas un peuple issu de l'autre monde, elles étaient déjà là lorsque celui-ci n'était peuplé que d'humains.

— Et vous dites être la reine de votre peuple ? Que faites-vous ici ? Ne devriez-vous pas être avec eux ?

— Lorsque Syara et ses amis m'ont trouvée, je n'étais pas encore reine. Ils m'ont ramenée chez moi où mon père a décidé de me remettre sa couronne. Cependant, je ne me sens pas encore prête à régner. Je préfère en apprendre plus sur le monde avant de prendre ma place sur le trône et pour ça, rien de mieux que de suivre ceux qui m'ont sauvés et qui sont devenus une deuxième famille pour moi.

— Attendez, attendez ! Tempéra un démon qui était resté plutôt silencieux depuis le début du repas. Je voudrais revenir sur une chose. Les fées étaient là avant les humains ? C'est impossible !

— Vous savez, la catastrophe de Sendra était causée par un triton qui voulait récupérer sa fille, une sirène, répondit la beast en haussant les épaules. Eux aussi vivaient ici avant l'ouverture du portail et personne ne les avait vus auparavant.

— Ça, c'est ce que vous racontez, mais vous êtes la seule à les avoir vus ! s'exclama-t-il.

Elle venait de lui présenter une fée et il ne la croyait pas quand elle disait que le phénomène surnaturel qui avait frappé cette ville était le fait d'une autre race ? Il poussait le principe de voir pour le croire jusqu'au bout celui-là !

— Pendant la catastrophe, un traître s'était glissé dans le commandement des opérations. Une fois interrogé, il nous a confirmé cette version d'une sirène enlevée, expliqua le membre du conseil qui s'était acharné sur Syara toute la soirée.

Heureuse qu'il ait enfin changé d'attitude et peut-être compris, avec l'arrivée de Phi, qu'elle n'avait pas qu'effectué des missions officielles, la Beast trépignait d'impatience en pensant à ce qui allait arriver.

— Et si nous passions à la suite ? Proposa-t-elle.

— Le dessert ? Demanda le beast bovin.

— La cerise sur le gâteau, répondit-elle avec un large sourire.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant