Chapitre 120 : Allié ou ennemi ?

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 — Firène ? Appela le baron en voyant que son fils se trouvait toujours dans le bureau.

— Je suis désolé papa, je n'ai pas pu le retenir, se désola l'enfant.

— Tout ceci n'a aucune importance. Au moins, tu as essayé, c'est le plus important. Mais je voudrais tout de même continuer à parler avec ces personnes en privé. Si tu souhaites vraiment les remercier personnellement, j'enverrai quelqu'un te chercher une fois que nous en aurons terminé.

Visiblement déçu que son père n'ait pas oublié sa présence, Firène sortit du bureau, les épaules basses. La encore, ce qu'il venait de dire confortait Syara dans l'idée que le baron n'était pas nécessairement un ennemi bien qu'il ne veuille pas les croire.

— Où nous en étions-nous arrêté ? Questionna-t-il.

— Vous étiez en train de nous remercier d'avoir sauvé votre fils et vous apprêtiez à nous laisser partir, répondit Elyazra.

— Bien essayé, rit l'ange. Il me semblait pourtant que nous étions plutôt en train de parler de l'endroit d'où vous venez.

— Et vous aviez émis des doutes sur la véracité de notre réponse, ajouta Elirielle. Peut-être avez-vous déjà une idée d'où nous pourrions réellement venir selon vous ?

— J'en ai effectivement une. Je vais m'efforcer de ne pas regarder votre jeune amie pendant que je vous l'exposerai. Il est bien trop facile de lire la vérité sur son visage et cela n'aurait rien d'amusant. Voici donc ma théorie. Vous êtes effectivement hors de la juridiction de mon peuple, non pas parce que vous habitez un petit village reculé, mais parce que vous venez tout droit d'un autre monde. Plus précisément de celui des humains.

Comme il l'avait promis, le baron n'accorda aucune attention à Phi. Heureusement, pensa la beast. S'il avait vu son air choqué, il aurait tout de suite compris qu'il était dans le vrai. Les autres arrivaient à rester impassibles ou feignaient l'étonnement. Ils n'avaient d'ailleurs même pas besoin de le feindre vu qu'ils étaient tous surpris qu'il ait deviné une telle chose.

— Vous pensez vraiment cela, père ? S'étonna Élane. Comment seraient-ils arrivés dans notre monde ? Et pourquoi ?

— Je dirai de la même manière que nous tentons de pénétrer dans le leur et justement parce que nous tentons de pénétrer dans le leur. Mais ça n'est pas tout. Je pense aussi que vous n'êtes pas n'importe qui là-bas. Qu'au moins trois d'entre vous étiez là lorsque l'une des nôtres a tenté d'ouvrir un portail depuis votre monde. C'est vous qui l'en avez empêché et qui avez refermé le passage.

Il en savait beaucoup trop ! Comment était-ce possible ? Cet ange avait-il la faculté de lire dans les pensées ? Ou bien était-il relié d'une quelconque manière aux sbires qui accompagnaient Anela ? Peut-être n'étaient-ils que des avatars contrôlés à distance et qu'il était l'un de ceux qui en faisait bouger un.

— Alors, que dites-vous de cette théorie ?

— à ce stade-là, s'entêter à le nier ne ferait que faire perdre du temps à tout le monde, souffla la dragonne.

— Alors c'est vrai ? Vous venez réellement de cet autre monde ? Questionna le fils du baron qui montrait certes de la surprise, mais aucun rejet.

— Comment avez-vous fait pour savoir autant de choses ? Demanda la beast.

— Tout d'abord, comme vous avez pu l'entendre lorsque le messager du roi est venu, ceux de mon peuple qui peuvent manipuler les failles entre les mondes appartiennent tous à des familles qui sont sous ma juridiction. L'un d'eux était présent lorsque le portail s'est ouvert et m'a donné une description détaillée des personnes présentes de l'autre côté.

Voilà qui semblait bien plus logique que des avatars d'anges contrôlés à distance. Il avait fallu qu'ils tombent sur les terres de la seule personne capable de les reconnaître ! Enfin, ils auraient tout aussi bien pu arriver chez ceux qui, comme le messager, considéraient tous les non-anges comme des créatures inférieures. Cela aurait été plus mouvementé, Elyazra aurait sans doute été ravie, mais le scénario dans lequel ils évoluaient était, aux yeux de la beast, bien meilleur que s'ils devaient se battre dès le début.

— Que comptez-vous faire en venant ici ? Questionna Élane.

— Nous ne voulons faire de mal à personne, promit immédiatement Phi. Tout ce que nous souhaitons, c'est empêcher la guerre.

— Rien que ça ! Rit le baron.

— Vous ne semblez pas particulièrement vouloir de cette guerre non plus, commenta Orélius. À moins que vous n'ayez dit que la vérité au messager du roi et que vous retardez l'envoi de vos troupes uniquement à cause de préoccupations logistiques.

— Et si ce ne sont effectivement que des préoccupations logistiques et que je souhaite cette guerre autant que le roi ? Qu'allez-vous faire ?

— Mais, père ? Vous ne cessez de répéter que cette invasion n'apportera rien et que nous n'avons aucune raison de nous battre contre ce monde qui ne nous a rien fait ! Protesta Élane.

— Les enfants sont un véritable bonheur, mais parfois, il leur arrive de gâcher les petits plaisirs de leurs parents, se désola son père.

— Comme je vous comprends, souffla Elirielle. Pour ma part, c'est un peu différent. Je me retrouve avec deux gamines qui ne sont pas de moi et qui me donnent parfois envie de les encastrer dans un mur.

— Ça n'est vraiment pas gentil de parler de Phi comme ça ! S'offusqua Elyazra.

Et c'était reparti. La terreur était sortie de son état léthargique et recommençait à faire des siennes. Quoi que, dans ce cas précis, elle n'était pas celle qui avait lancé les hostilités et sa réponse était plus que gentille comparé aux horreurs qu'elle aurait pu sortir.

Quoi qu'il en soit, Syara était rassurée. Le baron ressemblait de plus en plus à un allié pour eux. Il n'avait aucun préjugé sur leurs races, ne leur en voulait pas pour ce qui était arrivé aux anges dans leur monde et se positionnait presque ouvertement contre la guerre qui se préparait.

Alors qu'elle se refaisait dans sa tête la conversation qui venait d'avoir lieu, un détail attira cependant l'attention de la violoniste. Une tournure de phrase dont il manquait une résolution.

— Y a-t-il autre chose qui nous a trahi si l'on exclu la description donnée par la personne qui nous a vu ? Demanda-t-elle.

— Pourquoi une telle question ?

— Vous avez dit tout d'abord pour évoquer cette première raison. Cela implique qu'il y a au moins un ensuite.

— Bien vu. La seconde raison, celle qui m'a fait comprendre qui vous étiez à l'instant même où j'ai posé les yeux sur vous, c'est que vous deux ressemblez toutes les deux fortement à votre mère, annonça-t-il en pointant tour à tour Syara et Elyazra.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant