Chapitre 31 : des loups dans la bergerie

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 Sortant de la maison, Cristal fit disparaître la protection qu'elle avait érigée. L'attention n'était de toute façon plus portée sur elle, mais sur la ville où un effondrement avait eu lieu. Certains gardaient une certaine animosité envers elle, mais se calmèrent rapidement en voyant les deux parents sortir avec l'enfant inconscient mais sain et sauf dans leur bras.

— Que s'est-il passé ? Un imbécile qui s'est exercé en pleine ville ? Questionna l'elfe.

— Je ne pense pas, je n'ai rien vu qui ressemblait à un sort partir de là.

— Ils ont sans doute besoin de soins là-bas, j'y vais !

— Sois prudente, j'ai un très mauvais pressentiment.

— Oui, moi aussi.

Son violon toujours en main depuis qu'elle avait érigé la barrière autour de sa maison, Cristal joua quelques notes qui lui permirent de s'élever dans les airs. L'enchantement mis en place, elle n'avait plus besoin de jouer pour le maintenir et se déplacer dans les airs aussi aisément que sur terre et rangea donc son instrument.

Cette facilité à lancer des sorts en était presque frustrant. Pour obtenir une mélodie un tant soit peu audible et avec plus de dix notes, elle devait faire appel à des sorts d'une grande complexité ou dont le maintien demandait à ce qu'elle continue de jouer.

Le sort de vol ne faisait pas partie de cette deuxième catégorie, mais au vu de l'urgence, ça n'était pas plus mal. Cristal arriva aux frontières de la ville en un temps record et remarqua de suite que la partie touchée par l'effondrement qui se trouvait encore au loin était aussi en proie aux flammes.

— Si seulement j'avais un peu plus travaillé ce domaine-là, ragea-t-elle en voyant qu'elle ne pouvait pas aller plus vite.

Bien qu'elle se dise cela, elle devait être la personne la plus rapide de la ville. Même les races pourvues naturellement d'ailes ne devaient pas pouvoir la suivre. Elle arriva donc en un rien de temps dans la partie touchée et remarqua en survolant celui juste avant que les habitants prenaient la fuite plutôt que d'aller aider ceux qui avaient été touchés. Si c'était une simple catastrophe, ils n'agiraient pas comme ça, se dit-elle en se posant.

Ses sens aux aguets pour détecter la moindre personne en détresse, l'elfe s'engouffra dans les rues sinueuses. L'endroit dans lequel elle se trouvait n'avait été que peu touché par la chute de la voûte. Peut-être que personne n'avait été gravement blessé et qu'ils s'étaient enfuis.

En se disant cela, Cristal décida de s'approcher de l'épicentre de la catastrophe et, au détour d'une rue, se stoppa net. Elle n'arrivait pas à en croire ses yeux. Une dizaine d'elfes portant les couleurs de la royauté se tenaient là, dans cette ville où ils avaient pris toutes les précautions nécessaires pour qu'ils n'en entendent jamais parler.

L'un d'eux se démarquait des autres de par la prestance qu'il dégageait, mais aussi par ses vêtements qui transpiraient le luxe à outrance. Son visage était aussi familier à Cristal, mais ça ne pouvait être...

— Kelerim ?

— Tiens, une fleur au milieu de la fange. Je vous prierai cependant de m'appeler prince Kelerim. Ces animaux vous auraient-ils fait prisonnière ?

Pensant sans doute que l'attention du prince et de sa garde était tournée vers Cristal, une elfe noire tenant son bébé dans ses bras sortit de sa cachette et tenta de s'enfuir. Après un simple regard dans sa direction sans même bouger la tête, le prince invoqua une lyre en cristal et passa ses doigts sur les cordes pour les faire sonner.

L'elfe noire, eut un sursaut, comme si une flèche venait de se planter entre ses omoplates, mais le sort qu'il venait de lancer était bien plus terrible. Sa pauvre victime n'avait même pas eu le temps d'amorcer le pas suivant que tout son corps, ainsi que celui de son enfant, tomba en morceaux, comme si une centaine de lames l'avait découpée, elle et son bébé, en une fraction de seconde.

— Non ! Hurla Cristal avec horreur.

— Non ? Ne seriez-vous donc pas prisonnière ?

— Une partie de moi a toujours refusé tout ce qu'on racontait sur la barbarie de la famille royale, mais tout était vrai... Ça n'est qu'un ramassis de monstre, grinça-t-elle entre ses dents.

— Mon prince, laissez-nous nous occuper de cette folle, dit l'un de ses gardes.

— Non, j'ai envie de m'amuser un peu et j'en ai un peu assez de chasser ces bêtes. Je vous laisse faire le ménage dans ce taudis. Moi, je vais faire entendre raison à cette pauvre petite qui s'est égarée du droit chemin.

— à vos ordres.

Après s'être incliné devant le prince, chaque garde partit dans une direction différente. Cela n'arrangeait pas Cristal qui ne voulait pas d'autres victimes, mais elle devait s'occuper de son frère en priorité. C'était lui la menace principale. Les autres allaient peut-être faire des victimes sur leur passage, mais finiraient par être arrêtés par les musiciens qui se trouvaient en ville. La résistance n'avait cependant aucune chance contre un prince, c'était donc à elle de s'en occuper.

— Bien que tu te sois accoquinée avec ces sauvages, tu es plutôt mignonne. Une fois que je t'aurai remis les idées en place, je ferai peut-être de toi une de mes maîtresses. Qu'en dis-tu ? Une vie dans un château somptueux, à l'air libre, loin de la crasse et de l'odeur pestilentielle qui règne ici. Tu y seras heureuse, j'en suis certain !

— Il n'y a pas assez de place dans ton château pour accueillir toutes les maîtresses de l'obsédé que tu es.

Si dans son enfance Cristal n'avait jamais remarqué que ses frères et sœurs changeaient de serviteurs régulièrement, il n'avait pas échappé à l'ancienne princesse que la femme qui se tenait auprès de Kelemir était différente à chaque fois. Sans doute pensaient elles être chanceuses, qu'elles allaient vivre la vie de château comme il le promettait, mais elles n'étaient pour lui que des objets éphémères qu'il entourloupait, consommait, puis jetait en les renvoyant là où il les avait prises.

— Il doit bien rester un peu de place aux écuries, répondit-il en hochant les épaules. Ça sera toujours mieux qu'ici.

— Tu es un monstre Kelemir, comme tous les autres. Et tu seras le premier à tomber.

À ses mots, l'ancienne princesse invoqua son instrument et le posa sur son épaule prête à déverser sur son frère un déluge de sort. Voir cela perturba grandement Kelemir qui, les yeux exorbités, n'arrivait pas à refermer sa bouche grande ouverte.

— Un violon... Un instrument royal... Cristal ?

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant