Chapitre 132 : Arrivée sur une nouvelle île

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 Une fois le portail passé sans aucune transition, comme s'il s'agissait d'une simple porte menant à ce nouvel endroit, Syara remarqua immédiatement le changement d'atmosphère. Les plaines du baron étaient silencieuses, légèrement venteuses et très ensoleillées. Ici, elle était accueillie par la fraîcheur et l'ombre d'un bois où des oiseaux lui souhaitaient la bienvenue en chantant. Lui souhaitaient-ils la bienvenue ou prévenaient-ils leurs congénères d'une potentielle menace ? Se demanda-t-elle.

— Cet endroit me rappelle ma forêt, s'émerveilla la fée avec un large sourire aux lèvres.

— C'est vrai, constata Elyazra. Un arrière-goût désagréable dans la bouche en moins.

Rien qu'à ce commentaire, la demie-dragonne fit frissonner de dégoût la beast. Elle faisait ici référence à la potion qu'elles avaient dû boire pour résister au sort d'amnésie qui englobait la forêt des fées. Au moins, sa sœur n'avait eu que celle-ci à prendre, son pire souvenir gustatif de ce séjour ayant été la potion pour la changer en homme.

— Si j'ai bien compris, nous ne sommes plus sur les terres de ton père, demanda Orélius à l'intention d'Élane.

— C'est ça. Nous en sommes même très éloigné. Nous sommes à environ trente jours de vol.

— Il est possible de faire un tel voyage sans passer par des portails ?

— Je sais que ceux d'en bas le fonts grâce à de grandes embarcations qui peuvent résister en haute mer. Certains y passent même une grande partie de leur vie pour faire du commerce. Pour les anges, c'est aussi possible vu que les océans sont parsemés d'îles où nous pouvons nous poser. C'est ce que nous faisions avant les portails, mais c'est un voyage éprouvant autant physiquement que mentalement. Cela demande une grande préparation pour être certain de tomber sur une île avant de tomber de fatigue.

Et ils comptaient envahir l'autre monde ainsi ? Se dit Syara avec un léger sourire en coin. Sans savoir comment naviguer, ils n'avaient que peu de chance d'y parvenir, les océans de son monde n'étant pas pourvus d'îles à intervalle régulier comme c'était le cas ici.

D'ailleurs, s'ils apparaissaient sur l'île d'Anela, cela allait être leur premier obstacle. Elle était perdue à plus d'une journée de vol des cotes. Leur seule chance serait de convaincre les habitants de l'île de les transporter sur le continent, mais là encore, de ce qu'en avait vu Syara, il n'y avait pas non plus une véritable flotte à disposition.

Quelques navettes pour faire la liaison, une dizaine de bateaux de pêche, en somme, rien pour mener une invasion de grande ampleur. À cela s'ajoutait bien sûr des dragons qui connaissaient à présent l'emplacement de cette île et donc de l'endroit où le portail allait sans doute s'ouvrir. Contrairement à ce qu'ils pensaient, ils étaient attendus. Leur mission était donc autant d'empêcher l'invasion que d'éviter le massacre d'anges qui, s'ils étaient comme Élane, n'avaient rien de maléfique ou de belliqueux et se retrouvaient mêlés à tout ceci contre leur gré.

— Y a-t-il quoi que ce soit à savoir sur la grande famille de cette île ? Doit ont agir avec méfiance ou pouvons-nous leur faire confiance ? Questionna Elirielle.

— Cette île céleste et celle terrestre au-dessus de laquelle elle tourne est bien plus petite, ce qui fait que cette famille est bien moins influente que la mienne. Nous entretenons de très bonnes relations au point où je pourrais aller me présenter chez eux sans être annoncé et être accueilli les bras ouverts.

— C'est plutôt une bonne nouvelle, mais je sens que ça n'est pas tout, remarqua Elyazra.

— Cette grande famille étant moins influente, elle ne peut pas s'opposer aussi ouvertement au roi. Mieux vaut éviter de passer chez eux à cause de ça. Évitons la ville principale et passons plutôt par les villages, même si je crains qu'ils ne soient vides.

— Ils ont répondu à l'appel de mobilisation, déduisit Orélius.

— Tous les hommes valides en âge de se battre ainsi que toutes les femmes n'ayant pas d'enfant en bas âge sont partis. Seuls quelques exceptions ont été autorisées à rester pour entretenir les villages. De ce que m'a dit mon père, certains ne comptent plus qu'un seul habitant.

— Ça doit en faire du monde qui attend devant un portail que vous êtes les seuls à pouvoir ouvrir, commenta Syara.

— D'où l'impatience et l'hostilité du messager du roi que vous avez croisé. Votre arrivée est d'autant plus salutaire que nous arrivons à court d'excuses pour ne pas être mobilisé.

— Ils recherchent avant tout ceux spécialisés dans la magie des portails. N'ont-ils pas exigé que vous les envoyiez en premier lieu ?

— Si, bien sûr, mais mon père a prétexté qu'ils étaient essentiels pour acheminer les ressources depuis l'île terrestre jusqu'à chez nous, ce qui n'est pas faux en soi.

— Sommes-nous encore loin du déchu ?

— L'île céleste sur laquelle il s'est installé est la prochaine. Il nous faut traverser celle-ci, ce qui va nous prendre deux jours normalement.

— J'espère qu'il pourra nous aider, souhaita Phi avec une pointe d'inquiétude dans la voix.

— Je l'espère aussi. J'en ai marre d'avoir une aile en vrac moi ! S'exclama la demie-dragonne.

Une nouvelle fois, Syara ne sut quoi répondre. Soit elle disait ça pour plaisanter et réagir en lui disant qu'ils n'y allaient pas pour ça était absurde, soit elle était sérieuse et s'était bien trop prise au jeu de l'ange blessée. Rien, ni dans son intonation, ni dans sa posture, ne permettait de déterminer si elle avait dit ça au premier degré.

— C'est ça. Et quand on aura soigné ton aile, on te jettera dans le vide depuis le bord de l'île pour voir si tes ailes ont retrouvé leur force, sourit Orélius.

— C'est un peu précipité, il va me falloir réapprendre à voler, réfléchit-elle. Apparemment, Phi est très forte pour enseigner ce genre de chose. Je compte sur toi !

— Heu... Oui... D'accord, bafouilla la fée.

Il était à présent évident qu'elle n'était pas sérieuse, mais Phi gardait toujours cette naïveté et devait penser qu'il s'agissait d'une véritable demande. L'ayant vu s'essayer à la voltige sous l'emprise d'un sort de vol de Syara, elle savait qu'Elyazra serait une élève plus que difficile, voir désespérée, mais ne voyait pas comment refuser poliment.

La demie-dragonne arriva à tenir ce rôle pendant une dizaine de minutes alors qu'ils continuaient de marcher dans la forêt. Ce fut Elirielle qui finit par voler au secours de la pauvre fée disant, avec un large sourire sadique, qu'elle s'occuperait personnellement de lui apprendre à voler et que ça n'était pas une blague.

Vu ce qu'elle lui avait fait endurer pendant les entraînements au combat, c'était au tour d'Elyazra de se sentir mal à l'aise et de chercher des excuses pour se défiler. De leur côté, Orélius et Syara avaient trouvé une bonne occupation en demandant à la dragonne des précisions sur son entraînement et, de ce qu'ils pouvaient voir sur le visage de ceux qui étaient capables de voler, c'était une méthode qu'ils n'avaient vraiment pas envie d'expérimenter eux-mêmes. Tout ceci ne donnait qu'une envie à la beast. Assister à un tel entraînement avec sa sœur comme victim.... Élève.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant