chapitre 49 : Précaution avant tout

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 Plusieurs heures après leur pause, le village d'Edolaf était enfin en vue. Entre temps, les deux sœurs s'étaient réconciliées et agissaient comme si absolument rien ne s'était passé. Cet étrange comportement étonnait les harpies qui n'avaient pas ce genre de relation entre elles. La beast comme la demie-dragonne avouaient bien volontiers que c'était inhabituel, mais elles se justifiaient en affirmant qu'une petite querelle de temps en temps valait mieux qu'une explosion après avoir trop longtemps gardé pour soi ce que l'on pensait.

Même Guard, qui avait pourtant mis fin à leur dispute, était d'accord avec ça. Il ajouta d'ailleurs qu'au vu de leurs pouvoirs, un affrontement sérieux serait une véritable catastrophe. Il les laissait donc s'écharper quelques instants pour que la pression redescende, puis intervenait pour faire cesser la dispute.

Sur ce point aussi, les harpies ne comprenaient pas comment il faisait. Elles ne doutaient pas de l'habileté du satyre, mais elles avaient vu quel monstre elles pouvaient devenir avec leurs pouvoirs. Pour toute réponse, Guard se contenta de dire qu'il suffisait de connaître leur point faible.

Même si elles voulaient en savoir plus, le satyre mit fin à la discussion en reprenant son sérieux. Les abords du village n'étaient plus aussi sûrs que la plaine. Les trois harpies furent donc rassemblées au milieu du groupe et chacun vérifia que leurs capes couvraient bien chaque partie de leur corps.

— Au fait, comment avez-vous fait pour faire parvenir la lettre jusqu'ici ? Questionna Syara.

— C'est moi qui y suis allé, répondit la cadette. J'ai utilisé la même cape pour me cacher. Vu qu'il pleuvait, les gens ne se sont pas posé de question. Par contre, tout le monde me regardait lorsque je suis entrée dans le bâtiment où j'ai déposé la lettre.

— C'est sûr que garder sa capuche une fois à l'intérieur, ça attire l'attention, commenta Rael. Et tu as réussi à remettre la lettre sans montrer tes... Mains dirons nous ?

— Ça n'a pas été facile, mais heureusement quelqu'un a attiré l'attention de l'homme qui servait à boire en lui demandant quelque chose. J'en ai profité pour poser discrètement la lettre devant moi, j'ai donné mes instructions, puis je suis repartie. J'ai bien cru que mon cœur allait exploser à ce moment-là.

— Et comment as-tu fait pour savoir que tu devais remettre la lettre à cette personne ?

— quand je suis arrivée, j'ai demandé à la première personne que j'ai vue comment faire passer une requête à un groupe de mage. Il m'a rapidement indiqué le bâtiment en question et de m'adresser au gérant qui avait aussi la charge de transmettre ce genre de chose, puis est parti se mettre à l'abri.

Entrer dans un village qui pouvait se révéler hostile accompagné d'une escorte était une chose, le faire seule était une tout autre histoire. Syara ne pouvait que saluer le courage de cette harpie qui aurait pu ne jamais revenir de sa mission s'il y avait eu le moindre problème. Si la cadette semblait à peu près à l'aise, l'inquiétude se lisait parfaitement sur le visage de Sae, même avec sa capuche rabattue qui ne laissait entrevoir que la pointe de son nez et sa bouche.

— reste bien au milieu et tout se passera bien, la rassura la beast.

Avec un léger hochement de tête, l'impératrice montra qu'elle avait bien entendu ce conseil, mais ne semblait pas plus rassurée pour autant. Si elle était ainsi dans un petit village, sa réaction en arrivant à Sendra risquait de poser problème, se dit la violoniste.

— On s'arrête prendre une bière avant d'y aller ? proposa Elyazra.

— On ne va pas prendre un tel risque pour te faire... commença à s'énerver Syara.

— Du calme, je plaisante ! Je sais très bien qu'on ne s'arrêtera pas avant de nous trouver devant le maire de Sendra.

Alors qu'ils traversaient le village pour rejoindre la petite place des téléportations, la Beast surveillait les alentours et prêtait notamment attention aux comportements des habitants qu'ils croisaient. Des regards partaient parfois dans leur direction, mais ne s'attardaient pas vraiment sur eux. En somme, ils avaient un comportement normal et s'ils pouvaient peut-être se demander qui se cachait sous ces capes, tout indiquait que ça n'était qu'une simple question dont ils ne chercheraient pas la réponse, telle une simple divagation.

Une fois arrivé sur la place, Guard se sépara du groupe pour entrer dans un petit hall. Devant l'air surpris de l'ainée des harpies, Rael expliqua le fonctionnement des portails et la nécessité de porter un collier spécial pour pouvoir les traverser, chose que le satyre était parti chercher.

Cela ne lui prit que quelques minutes avant de revenir avec des pendentifs en main qu'il distribua à tout le monde. Pour les harpies, le cordon était heureusement assez long pour qu'elles puissent les passer par-dessus leur capuche, cela leur évita d'avoir à les retirer et ainsi s'exposer à la vue de tous.

— C'est celui-ci, indiqua Guard en pointant l'une des quelques structures en forme d'anneau présents sur la place.

Si le portail semblait désactivé, celui-ci émit une lumière bleue à leur approche alors qu'un voile éthéré se formait à l'intérieur de l'anneau. Le processus d'activation avait été progressif, mais cela n'avait pas empêché les harpies de sursauter de surprise. Étant peu habituée à la magie, ce genre de chose pourtant commune devait déjà les impressionner.

— Ne nous précipitons pas, conseilla Syara. Nous devrions passer dans un ordre précis.

— Tu proposes quoi ? questionna sa sœur.

— toi et Gard en premier pour vous assurer qu'elles ne seront pas bousculées dès leur arrivée. Ensuite elles accompagnées de Phi qui pourra au besoin les protéger avec une barrière et enfin moi et Rael pour fermer la marche.

— l'avant-garde. Tu sais comment me faire plaisir, sourit la demie-dragonne.

— Ne va pas non plus tout brûler autour de toi, c'est juste une précaution. On vous laisse quelques secondes pour établir un petit périmètre de sécurité avant qu'elles ne passent.

— Compris cheffe, en avant !

Avec entrain, Elyazra prit Guard par le poignet et sauta dans le portail, disparaissant ainsi avec son partenaire d'avant-garde. Les trois harpies étaient peu rassurées à l'idée de prendre ce moyen de transport, ce qui fit rappeler à Syara un élément important avant qu'elles ne s'y lancent.

— A l'intérieur, vous allez sentir beaucoup de vent, comme si vous voliez à grande vitesse. Faites bien attention à vos capuches. Personne ne peut vous voir dans le tunnel donc ça n'est pas très grave si elle s'enlève, mais tenez-la tout de même pour éviter que, dans la panique, vous n'arriviez pas à les remettre lorsque vous arriverez à destination. Lorsque le vent se calmera, cela voudra dire que vous êtes sur le point de sortir. Assurez-vous que vos capes sont bien mises et tout se passera bien.

— Je ferai attention à ça, assura Phi qui, elle, était habituée à voyager ainsi.

Guidées par la fée, les trois harpies s'engouffrèrent dans le passage. Syara et Rael attendirent quelques secondes, puis empruntèrent le portail à leur tour pour rejoindre le reste du groupe à la ville portuaire de Sendra.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant