Chapitre 124 : Longévité angélique

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 Avec le morceau qu'avait joué Syara à la Harpe et la réaction que cela avait provoqué chez le baron, le sujet de sa femme vint naturellement sur la table comme sujet de conversation. Plutôt que de demander de but en blanc et sans aucun tact les circonstances de sa mort, la beast voulut plutôt savoir comment elle était de son vivant.

Élane et son père louèrent sa gentillesse et sa douceur. De tous, elle était celle qui embrassait le plus les idéaux d'égalité entre les peuples et se rendait souvent sur les terres d'en bas pour s'enquérir de leurs besoins. Firène, quant à lui, ne pouvait rien dire sur elle, étant trop jeune lorsqu'elle était partie.

Même sans qu'ils n'aient besoin de l'évoquer, le baron leur révéla au bout de compte ce qui lui était arrivé. La violoniste s'attendait plus ou moins à tout, mais ce qui l'avait frappé était tout aussi triste que banal. Elle avait été emportée par une maladie qui l'avait peu à peu privée de toutes ses forces jusqu'à ne plus pouvoir se déplacer. Aucun remède ni magie n'avait pu la sauver et, si elle était triste de laisser son mari et ses deux enfants en bas âge, c'est avec le sourire d'avoir eu une vie heureuse, bien que courte, qu'elle était partie.

Ce genre de discussion n'était pas vraiment de celles qui égaillaient un repas. Ainsi, s'ils étaient compatissants pour ce qui leur était arrivé, les visiteurs ne s'attardèrent pas sur ce passage de leur vie et passèrent plutôt à autre chose. Les derniers mots du baron concernant sa femme avaient d'ailleurs donné un élément parfait comme transition.

De ce qu'ils avaient compris, lui était assez âgé pour avoir connu Anela avant sa traversée dans l'autre monde. Cela les questionnait sur la longévité des anges vu qu'il avait aussi affirmé que sa femme avait eu une vie courte. Il était aussi étonnant qu'ils aient eu deux enfants en aussi peu de temps. En tant que dragonne, Elirielle savait que ceux qui vivaient longtemps n'avaient que rarement des enfants. Si les anges étaient immortels et qu'ils se reproduisaient à la même vitesse que les mortels, cela ferait bien longtemps que les îles célestes seraient saturées.

En réalité, les anges avaient une espérance de vie qui pouvait varier entre une centaine d'années et un demi-millénaire. Seuls quelques personnes pouvaient être considérées comme immortelles, à savoir les chefs des grandes familles. Ses enfants, quant à eux, allaient vivre plus longtemps que le reste des anges, mais restaient mortels avec une espérance de vie de deux millénaires.

Plus les générations s'éloignaient des chefs de grande famille et plus la durée de vie tendait vers celle des anges normaux, qu'ils s'unissent entre membres de ces dites familles ou non. À une certaine époque, oui, tous les anges étaient immortels, mais personne, pas même le baron qui avait connu ce temps lointain, ne savait pourquoi une telle dégénérescence s'était produite et pourquoi lui avait été épargné.

Il n'en restait pas moins que, même avec une espérance de vie de cinq-cents ans, avoir deux enfants à quelques années d'intervalle restait étonnant. Le baron lui-même avoua que cela avait été une surprise pour tous, ceux-ci étant d'habitude espacés d'une centaine d'années.

De leur côté, Syara et Elyazra ne cessaient de se regarder l'une et l'autre. Tous ses chiffres les avaient perdues et il était compliqué de savoir quel était leur espérance de vie. En considérant leur mère comme l'une des immortelles, devaient-elles s'attendre elles aussi à vivre plusieurs centaines d'années ? Pour la demie-dragonne, vu que son père avait lui aussi une longévité démesurée, cela était fort possible, mais Syara, elle, était dans le flou le plus total.

L'union entre les anges et les peuples d'en bas étant totalement proscrite, le baron n'avait aucune réponse à leur apporter. Si en ce monde hybride il y avait, ceux-ci étaient cachés du regard des anges.

À la fin du repas, une discussion plus sérieuse se profila. Sans entrer dans les détails que Firène ne devait pas entendre, Orélius voulait revenir sur leur présence sur les terres célestes et les risques qu'ils encouraient. Sur les terres du baron, cela n'allait pas poser de problème, mais le demi-dragon se demandait si la simple présence d' Élane allait suffire lorsqu'ils en seraient partis.

Après tout, le messager avait bien fait comprendre qu'ils n'avaient pas le droit de se trouver ici. Il y avait aussi ce capitaine de la garde qui ne les portait pas dans son cœur. Qu'est-ce qui l'empêchait de dire la vérité à quiconque il croiserait sur leur présence plutôt que l'histoire qui allait être portée au roi.

Contrairement aux visiteurs, le baron ne s'en alarmait aucunement. Il connaissait les idées de ce capitaine et le surveillait déjà. L'un des soldats qui les accompagnait lui rapportait ses moindres faits et gestes. Il n'aurait pas l'occasion de donner sa version avant que celle du baron ne fasse le tour de la ville. Une version assez convaincante pour que les possibles espions du roi croient en celle-ci.

Ils étaient ainsi libres de se balader dans sa ville et il promit que toutes les dispositions seraient prises pour que leur portrait ne traverse pas sa frontière. Enfin, pour le second point qu'Orélius avait soulevé, ils allaient effectivement se faire repérer et arrêter s'ils se baladaient sur d'autres terres que les siennes sans un déguisement convaincant.

En guise de démonstration, Elirielle se leva et montra celui qu'ils arboraient et qui n'avait pas trompé les sentinelles. Pour le baron, la qualité de l'illusion n'était pas en cause. Ce qui les avait trahis était les approximations dans ce derniers, certains détails qui pouvaient être à peine perceptibles pour des non-anges, mais qui étaient flagrants du point de vue d'un membre de cette espèce.

Pour lui donner une bonne comparaison, il affirma que c'était comme s'il essayait de se faire passer pour eux, mais que, dans son déguisement, son nez n'avait pas de narine ou que ses doigts n'avaient pas d'ongle. Sans avoir côtoyé des membres de leur espèce, il penserait qu'il serait parfait alors que eux verraient de suite la supercherie.

Pour pallier à cela, le baron proposa à Elirielle de corriger son sort de déguisement avec elle pour qu'aucun ange ne puisse se douter de quoi que ce soit. La dragonne accepta avec joie et suivit le baron dès la fin du repas. Comme elle l'avait promis à Firène, Phi réitéra sa proposition d'aller voler ensemble, chose qu'il accepta avec joie.

Enfin, pour les trois personnes restantes, Élane leur proposa une visite de la ville. Comme l'avait dit son père, ils n'avaient pas besoin de déguisement ici et pouvaient circuler librement, surtout en sa compagnie. Cette occasion d'en découvrir plus sur la culture de cette race dans un environnement amical ne pouvait qu'être bénéfique pour la suite de leur mission, se dit Syara. Ainsi, l'ange, la beast et les deux demis-dragons sortirent par la grande porte du manoir et se lancèrent à la découverte de cette ville angélique

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant