Chapitre 36 : déménagement

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 À la suite du combat entre Cristal et son frère ou elle était sortie victorieuse, tout s'était accéléré. Les autres habitants de la cité souterraine avaient réussi à vaincre la garde de Kelemir. Elle s'attendait à une promenade de santé agrémentée d'un joyeux massacre d'êtres inférieurs qui ne devaient se défendre qu'avec, au mieux, des épées de mauvaise qualité. Ils étaient finalement tombés sur un comité d'accueil pourvu d'instruments de l'âme ainsi qu'un dragon particulièrement énervé qui avait décimé la moitié d'entre eux à lui seul.

Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée ici, Cristal était acclamée par tous. Ils étaient venus à elle après qu'elle ait pu se remettre de ses émotions et ne l'avaient donc pas vu pleurer sur la dépouille de leur ennemi juré.

Pendant des heures, ils l'avaient portée sur leurs épaules pour que tout le monde voie l'héroïne qui s'était débarrassée d'un membre de la famille royale. Derrière elle dans le cortège, les têtes des assaillants avaient été plantées sur des piques et la suivaient partout où ils l'emmenaient, comme elle l'avait prédit. Au moins, elle avait pu éviter que le corps de son frère ne soit ainsi profané. Avec le sort qu'elle avait lancé sur sa dépouille, ils ne pourraient rien lui faire avant qu'elle ne s'éteigne et, là, il ne resterait de lui qu'un tas de cendres.

Épuisée à la fois par son combat et par le fait de s'être fait balader dans toute la ville, Cristal ne resta que très peu de temps le soir alors que la ville était en fête et comptait bien se saouler toute la nuit jusqu'à plus soif. Elle était plutôt rentrée chez elle en compagnie de sa mère adoptive qui ne la lâchait plus depuis qu'elle l'avait retrouvée.

Là, dans sa maison, seule avec la personne en qui elle avait le plus confiance, Cristal se permit de parler à cœur ouvert de son combat contre son frère et ce qu'elle avait ressenti à sa mort. D'après Mélyne, Kelemir était l'un de ses frères les moins détestables. Il avait commis des fautes impardonnables, Cristal en avait d'ailleurs été témoin, mais il n'avait jamais tué de manière sadique ses serviteurs. Si leur sort était tout de même scellés lorsqu'ils entraient à son service, ils finissaient toujours par mourir à la tâche et non pour satisfaire un quelconque plaisir sadique de sa part.

Malgré ces horreurs, la démone comprenait les sentiments de sa fille adoptive. Ce duel à mort avait créé un lien très fort entre eux deux et elle, contrairement à toutes les autres personnes de la ville, l'avait déjà connu sous un jour amical.

Les jours suivants, alors que l'euphorie était retombée, furent dédiées à toutes les victimes que ce groupe d'assaillant avait faites. Cristal participa à chacune des commémorations et séance de recueillement. Elle était, là encore, acceptée et fut même invitée à prendre la parole pour honorer les victimes. Après huit ans, ils l'avaient enfin acceptée et ne la voyaient plus ni comme une elfe ni comme un membre de la famille royale, ni encore comme un monstre, mais comme une héroïne et un compagnon de bataille.

Il était temps qu'ils la voient ainsi vu que le temps de cette ville était révolu et que le moment de sortir au grand jour était arrivé. Si Kelemir avait réussi à trouver leur cachette, alors ils étaient certains que toute la famille royale savait où ils se trouvaient. Le fait qu'il ne revienne pas devait leur avoir mis la puce à l'oreille sur le fait qu'il se passait quelque chose sous terre.

Cristal, Efrène le dirigeant du conseil et Acolar le dragon en étaient venus à la même conclusion. Les gardes avaient été doublées et la brèche par laquelle les assaillants avaient pénétré dans la ville était surveillée jour et nuit par de nombreux musiciens pour parer à une nouvelle attaque.

Il ne fallut pas attendre bien longtemps avant qu'une autre escouade d'elfe loyaliste n'arrive par ce passage. Les rebelles ne leur laissèrent aucune chance et tous moururent avant même d'avoir pu lancer le moindre sort.

Cette position était définitivement compromise et, s'ils pouvaient faire avec des éclaireurs, ils ne pouvaient certainement pas affronter des contingents entiers ni des membres de la famille royale. Sans compter sur le fait que, basés ainsi sous terre, ils risquaient de se faire ensevelir sans pouvoir rien faire.

Le plan d'évacuation fut donc déclenché. S'il aurait été totalement impossible de le mettre en place efficacement avant l'arrivée de Cristal, la magie qu'elle leur avait offerte en révélant le déroulé de la cérémonie des instruments d'âme avait fait naître chez plusieurs rebelles des dons pour la téléportation. Grâce à leurs pouvoirs, ils pouvaient transporter personnes et matériels dans une nouvelle cachette.

Ces autres bases sécurisées n'étaient cependant pas aussi spacieuses que cette grotte. Ainsi, tous les habitants furent répartis à différents endroits dans le monde entier. Cristal faisait partie du dernier groupe à quitter la ville. Ça n'était pas une volonté des habitants, même si quelques jours avant certains auraient voulu qu'ils l'abandonnent là, mais bien de sa propre initiative. Elle voulait être là pour les défendre s'ils se faisaient attaquer pendant l'évacuation.

Heureusement, rien de tel ne se produisit et la jeune elfe passa le portail en compagnie de sa mère une fois qu'elles se furent assurées que personne n'avait été oublié derrière. Dans cette nouvelle base, une chose attira immédiatement son attention. Un passage d'où émanait une forte lumière. En l'empruntant, elle fut éblouie et faillit ne pas voir qu'un véritable précipice se trouvait à ses pieds.

La corniche sur laquelle elle se trouvait était perchée à des milliers de mètres de haut, sur une montagne inaccessible à pied. Une fois habituée à cette forte lumière, Cristal ne put s'empêcher de sourire. C'était la première fois qu'elle revoyait l'extérieur depuis que son père lui avait planté une dague en plein cœur.

— Belle vue, n'est-ce pas ? Questionna Efrène en arrivant à son niveau. C'est Acolar qui a trouvé cet endroit.

— Oui. Ils ne nous trouverons pas ici, admit-elle. Mais nous ne pourrons pas non plus y rester cachés. Nous allons rapidement manquer de vivres. Et pour ce qui est de la place... Elle manque déjà.

— C'est extrêmement temporaire. Nous ne comptons plus rester cachés.

— Ça veut dire que...

— Le temps est venu. Nous partirons bientôt en guerre contre le tyran.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant