Chapitre 52 : La stupéfaction du maire

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 Guidé par le maire, le groupe se rendit jusqu'à son bureau et y pénétra avant qu'il ne ferme la porte. Alors qu'il se rendait jusqu'à son fauteuil, Guard trouva plus prudent de vérouiller discrètement la porte au cas où une personne tenterait d'entrer sans avoir frappé.

— La dernière fois que nous nous sommes vus, vous n'étiez accompagnée que de votre mentor il me semble. Je vois que vous avez réussi à former une petite équipe.

— Oui, j'ai rencontré Rael pendant le sauvetage de Sendra, Guard et Elyazra se sont joints à nous plus tard et Phi était au départ l'objectif d'une mission de sauvetage et a fini par se joindre à nous.

— N'est-elle pas un peu jeune ?

— Son rôle de soutien l'éloigne quelque peu du danger. Nous faisons aussi attention à elle, mais elle a aussi prouvé à de nombreuses reprises qu'elle était un membre essentiel de l'équipe et qu'elle pouvait très bien veiller sur elle-même tout en protégeant les autres.

— En tout cas, son inscription au hall des musiciens de Léfarène n'a posé aucun problème, commenta Rael pour éviter que le sujet de la conversation ne s'attarde sur la fée.

— Et ces trois personnes-ci ? Vous pouvez retirer vos manteaux vous savez ?

— Elles le feront, mais avant tout, nous avons besoin que vous nous promettiez certaines choses. N'appelez pas la garde et ne criez pas.

— Vous m'inquiétez là. Si ça n'était pas vous, j'en viendrais à penser que vous voulez me braquer.

À bien y réfléchir, elle aurait dit exactement la même chose s'il s'agissait d'un braquage, réfléchit Syara. Le maire ne semblait cependant pas si inquiet que ça contrairement à ce qu'il disait.

— Nous sommes en mission d'escorte pour ces personnes. Tout ce que nous voulons, c'est qu'elles puissent vous parler tout en étant certain qu'elles seront en sécurité.

— Tout ceci m'intrigue. Très bien, je vous fais confiance. Je n'élèverai pas la voix et je n'appellerai pas la sécurité, promit-il.

— Merci. Allons-y graduellement, d'abord vous deux.

Toutes les précautions ayant été prises, les deux sœurs de Sae purent retirer leur capuche sans faire de geste brusque. Le maire arqua d'abord un sourcil en voyant les serres qu'elles avaient à la place des mains, puis recula instinctivement dans sa chaise en se rendant compte de quelle créature se trouvait dans son bureau. Il tint tout de même sa promesse et n'ouvrit même pas la bouche.

— Comme vous le voyez, ce sont...

— Des harpies, finit-il.

— Du clan des serres noires de la chaîne d'Hara, confirma Syara. Nous les escortons depuis là-bas et nous avons pu voir qu'elles étaient effrayées à l'idée de se trouver dans une ville telle de Sendra. Autant vous dire qu'il leur a fallu beaucoup de courage et une très bonne raison à la fois pour nous contacter et pour venir ici aujourd'hui.

— Peut-on vraiment leur faire confiance ?

— Si elles nous ont contactés, c'est parce que nous nous sommes rencontrés dans une précédente mission, répondit Guard.

— Elles ont brisé tous les préjugés que nous avions sur leur espèce, appuya Rael.

— Et la troisième ? Demanda-t-il en voyant que la plus petite des trois gardait sa capuche.

— Il s'agit de celle qui va sans aucun doute vous faire le plus gros choc, mais je vous prie de garder l'attitude que vous avez jusque-là.

— Je m'attends à tout, mais je sens que je vais tout de même être surpris.

Se tournant d'abord vers Syara, Sae vit par son hochement de tête que c'était à son tour de se découvrir. Tout comme ses sœurs, elle prit son temps pour montrer d'abord ses serres, puis pour retirer sa capuche, révélant ainsi son visage et ses plumes aux multiples couleurs. En plus de cela, elle défit le nœud qui retenait sa cape et la laissa tomber, se révélant ainsi entièrement.

Les yeux exorbités du maire montraient bien qu'il était choqué par ce qu'il avait devant les yeux. En homme de parole, il tint cependant sa promesse et ne dit rien. Quelque peu intimidée, la jeune harpie chercha du regard un conseil auprès de Syara qui, par sa gestuelle, l'invita à se présenter.

— B... Bonjour monsieur le maire, salua-t-elle. Mon nom est Sae, de la tribu des serres noires et récemment devenue impératrice des harpies.

— C... C'est une blague ? Bafouilla le maire. V... Vous n'avez tout de même pas ramené une impératrice harpie à Sendra, n'est-ce pas ? Vous voulez que la ville se fasse attaquer ou quoi ?!

— La ville ne craint absolument rien, le rassura Elyazra. Elle n'a pas été capturée, c'est son idée de venir ici. Vous feriez mieux de l'écouter, ce qu'elle a à proposer pourrait changer le monde.

— Le devoir des musiciens est de traquer et de tuer l'impératrice dès qu'elle apparaît et vous, vous la protégez ?

Sae avait beau avoir le titre d'impératrice et les pouvoirs qui allaient avec, le fait qu'il évoque ainsi son exécution la tétanisa sur place. Ce changement chez elle avait affecté les autres harpies du monde entier, mais elle restait en définitif une jeune fille effrayée qui n'avait jamais quitté les abords de son village.

— Agir ainsi serait l'erreur du siècle, affirma calmement Rael. Que Sae soit devenue impératrice est une chance inespérée car elle est différente des précédentes.

— Et en quoi ?

— Je... Je ne veux pas faire de mal aux autres races. Je veux que les harpies puissent vivre en harmonie avec elles.

— Pardon ?

— Tout comme nous avons pu leur montrer qu'ils se trompaient sur notre espèce, nous avons pu apprendre à leur contact que nous nous trompions nous aussi sur les vôtres, expliqua l'aînée.

— J'ai d'ors et déjà demandé à toutes les harpies de ne plus agresser les autres races, ajouta Sae. Je sais que c'est un rêve d'enfant qui ne connaît rien au monde, mais ce rêve de paix est sincère.

Après être resté silencieux pendant un moment, le maire se fendit d'un sourire, puis se mit à rire à gorge déployée. Si les harpies ne comprenaient pas une telle réaction, Syara pensait qu'il s'agissait ici d'un rire nerveux qui devait servir de protection face à cette situation invraisemblable.

— Une impératrice harpie pacifiste, j'aurai vraiment tout vu. D'ailleurs, si je n'avais pas appris il y a quelques mois que nos océans étaient peuplés de sirènes, j'aurais cru à un canular.

— Donc vous nous croyez ? Questionna Sae avec un sourire d'espoir.

— Je n'en suis pas encore là. Pour le moment, j'envisage la possibilité qu'il y ait éventuellement une infime chance que tout ceci soit vrai. Le fait que vous soyez accompagnées de la petite louve de Sendra est ce qui m'a retenu d'appeler la garde malgré la parole que je vous ai donnée. Vous avez mon attention, mais il va falloir vous montrer très convaincantes.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant