Chapitre 130 : Les pouvoirs d'Élane

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 Après avoir passé une matinée entière à avancer dans des plaines dépourvues de la moindre route, le groupe décida de s'arrêter un moment pour manger et se reposer. Bien que plus habitué à marcher que ses congénères, Élane accueillit avec joie cette nouvelle. Il s'assit immédiatement dans l'herbe, enleva ses chaussures et se massa la plante des pieds.

— Vous voyagez toujours comme ça, qu'importe où vous allez ?

— Oui et non, répondit Phi en s'asseyant à côté de lui et en lançant un sort curatif qui, à son expression soulagée, lui fit le plus grand bien. Dans notre monde, les villes ont presque toutes des places avec des portails qui les relient les unes aux autres. Nous allons donc d'abord dans la ville la plus proche de notre destination de cette manière, puis nous finissons le reste à pied.

— Et si c'est vraiment loin, nous avons la possibilité d'utiliser des chevaux.

— Des chevaux ? Répéta l'ange.

— Ce sont des bêtes à quatre pattes, à la fois endurantes et rapides qui sont dressées pour que l'on puisse monter sur leur dos. Elles sont aussi très fortes et il arrive qu'elles tirent des attelages pour transporter plusieurs personnes ou du matériel.

— Elles doivent être gigantesques ces bêtes ! S'exclama-t-il.

Il est vrai que les chevaux étaient impressionnants, mais Syara avait l'intime conviction que ce qu'il appelait gigantesque était totalement démesuré. Elirielle devait avoir eu la même impression et fit apparaître une illusion d'un cheval en taille réelle devant eux.

Élane était à la fois stupéfait et fasciné par la créature inconnue qui se trouvait devant lui. Il en oublia même sa douleur au pied et le fait qu'il n'avait plus de chaussures et s'en approcha pour l'observer de plus près. Dans un soucis de réalisme, la dragonne n'en avait pas fait une représentation figée, mais qui bougeait à tel point qu'il semblait tout à fait réel. À l'exception près que sa main passait à travers si on essayait de le caresser.

— Les races d'en bas n'utilisent pas d'animaux pour les aider dans leurs tâches ? Questionna Orélius.

— Si, bien sûr. En le voyant et avec vos explications, je vois à peu près quelle bête a la même fonction chez eux, mais il ne ressemble en rien à ça. Il se dégage de la vôtre quelque chose de bien plus noble et majestueux.

— Les anges n'utilisent-ils pas d'animaux eux aussi ? Demanda Syara. Je trouve ça étonnant d'avoir pu construire une telle ville sans l'aide de leurs forces rien que pour transporter la pierre qui a servie aux murs.

— Certains ont des oiseaux chez eux, mais ça s'arrête là. Si nous avons pu bâtir de telles villes, c'est en grande partie grâce à la magie.

— D'ailleurs, tu sais l'utiliser ? Questionna Elyazra.

— Bien sûr, comme tous les anges. Dans notre culture, il y a deux grandes cérémonies. Celle des ailes qui nous fait sortir de l'enfance et celle de la magie qui nous fait entrer dans l'âge adulte. Voulez-vous une démonstration ?

Tous intéressés par cette proposition, ceux venus de l'autre monde hochèrent la tête et se rassemblèrent pour admirer le spectacle. Élane fit alors apparaître dans sa main une épée courte, faite normalement pour être maniée avec autre chose dans son autre main comme un bouclier. L'arme en elle-même était belle et simple, argentée et pourvue de trois rubis alignés sur la garde.

D'un coup de haut en bas, l'ange sembla déchirer l'espace devant lui. Une faille obscure où tournait des volutes pourpre et violet s'était ouverte. Élane y pénétra sans aucune hésitation et disparut lorsqu'elle se referma. Une autre faille similaire s'ouvrit alors à plusieurs centaines de mètres devant eux d'où il en sortit avant de les rejoindre en volant.

— Pas mal ! S'exclama Orélius. Tu peux donc te téléporter en passant par ces failles ?

— C'est un peu plus compliqué que ça. Pour mieux le comprendre, venez avec moi à l'intérieur. Ne vous en faites pas, c'est sans danger.

De nouveau, leur guide ouvrit une faille, puis les invita à passer au travers. Tous curieux, chacun y entra les uns après les autres tandis qu'il allait chercher quelque chose dans le paquetage qu'ils avaient défait pour préparer à manger.

De l'autre côté, Syara ne voyait aucune différence, comme si elle n'avait absolument rien traversé. Quoi que, il y avait bien un léger picotement qui courrait sur sa peau. La beast se dit aussi qu'il avait réussi à gagner sa confiance en un temps record. Elle avait beau ne le connaître que depuis la veille, elle était entrée dans cet espace sans aucune hésitation. Avec quelqu'un d'autre, elle aurait été beaucoup plus méfiante.

Revenant au niveau de la brèche, Élane lança quelque chose en l'air et traversa à son tour. Lorsqu'il fut passé de l'autre côté, la faille se referma et emporta avec elle toutes les couleurs du monde. L'intégralité de leur environnement n'était plus qu'en noir et blanc, seul ceux qui avaient traversé avaient gardé les leurs.

D'un geste du doigt, l'ange montra l'objet qu'il avait lancé. Il s'agissait simplement d'un fruit et ce dernier avait arrêté sa course en plein vol. Non. À bien y regarder, il continuait à descendre, mais bien plus lentement.

Lorsque Élane rouvrit la faille, le monde retrouva ses couleurs et le fruit reprit sa course. Tout le monde sortit ensuite par cette nouvelle faille, impressionné par cette démonstration. C'était un pouvoir très puissant qui, chez eux, pouvait aisément propulser son détenteur dans les plus hauts grades de mage.

— Alors ? Questionna-t-il.

— C'est un pouvoir qui a l'air redoutable, réfléchit Elyazra avant d'arborer un large sourire. Un petit combat amical, ça te dit ?

— J'échangerai avec plaisir quelques passes avec vous, mais pas maintenant si vous le voulez bien. J'ai l'estomac dans les talons. Ce soir si vous voulez, lorsque nous aurons monté le camp pour la nuit et si je ne suis pas trop fatigué par notre marche.

— Bien dit, L'estomac avant tout ! Petite sœur, vraiment, il faut que tu fasses quelque chose là. Il est vraiment trop bien pour que tu le laisses filer comme ça !

— Mais tu vas arrêter avec ça ?! S'emporta-t-elle avant de souffler pour retrouver son calme et oublier ce qu'elle venait de dire. C'est un pouvoir très intéressant et qui doit être redoutable pour qui sait bien le manier.

— Il a malgré tout ses failles. Je ne peux pas rester éternellement dedans. Je m'épuise rapidement si je m'y attarde trop ou si j'emporte trop de monde.

— Tous les anges manient-ils la magie grâce à une arme où la forme peut être plus diversifiée ?

— à ma connaissance, il s'agit toujours d'armes, répondit-il après un moment de réflexion. Pourquoi ? Ça n'est pas le cas chez vous ? C'est vrai que vous m'avez soigné sans même en utiliser.

— Mes compagnons font office d'exception dans mon monde. Normalement, personne ne peut utiliser de magie sans posséder l'équivalent de cette arme, mais nos catalyseurs, si on peut les appeler ainsi, n'ont pas du tout la même forme.

Vu qu'Élane n'avait pas hésité à révéler ses pouvoirs devant eux, Syara se dit qu'il était de bon ton de lui rendre la pareille en lui faisant une petite démonstration. Elle invoqua donc son violon de cristal, provoquant par sa simple apparition l'émerveillement de leur guide, puis se mit à jouer une mélodie simple, lente et mélancolique qui eut pour effet de faire pousser l'herbe tout autour d'eux jusqu'à ce qu'elle leur arrive aux genoux.

— Alors les catalyseurs de chez vous sont des instruments de musique ? C'est tellement plus beau et poétique que chez nous que j'en serai presque à vous envier. Je comprends mieux pourquoi vous avez pu jouer aussi facilement sur la harpe de ma mère.

— Tu aurais quand même pu montrer autre chose que ça ! Se plaignit Elyazra. De un, ça n'est pas impressionnant et de deux, il va falloir qu'on bouge toutes nos affaires maintenant !

— Mes pouvoirs sont plus variés que ça et peuvent être bien plus destructeurs, mais je préfère éviter de laisser des traces de mon passage, expliqua la violoniste en rangeant son instrument.

— J'aimerais beaucoup en apprendre plus. Pourquoi ne pas continuer à en parler pendant que nous passons à table ?

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant