Chapitre 10 : La commanditaire

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 Toujours sous une pluie battante de l'orage qui ne cessait de gronder au dessus d'eux, le groupe prit la direction de l'ouest pour rejoindre la chaîne de montagne qu'ils allaient longer pour entrer dans la forêt dont parlait le message.

Cette traversée avait déjà paru longue lorsqu'ils l'avaient faite par beau temps, mais ici elle était tout simplement interminable. Phi tentait tant bien que mal de le cacher, mais maintenir une protection comme celle-ci aussi longtemps puisait fortement dans son énergie et l'épuisait.

Le fait qu'elle puisse générer une telle chose était déjà impressionnant, pensa Syara. Après tout, elle n'était qu'une petite fée. Si elle comparait ce bouclier à son échelle, celui-ci pouvait englober un immeuble entier, il était donc normal qu'elle s'épuise à le maintenir.

Cette protection n'était cependant pas qu'un confort. Le groupe s'en rendit compte lorsqu'un éclair frappa le dôme. Cela surprit tout le monde, dont la fée qui relâcha la protection pendant quelques secondes avant d'en recréer une. Il n'empêche que sans lui, l'un des membres de l'équipe aurait pu être gravement blessé.

Après de longues heures de marche sur une plaine difficilement praticable et spongieuse, ils arrivèrent enfin dans la forêt. La pluie s'infiltrait entre les arbres qui étaient bien loin de tout retenir avec leurs branches et leur feuillage, mais tout le monde était conscient qu'imposer à Phi de garder son dôme protecteur aurait été un caprice.

Cette fois-ci, la jeune fée ne rechigna pas à reprendre sa forme originale et à aller se reposer dans le sac de Guard. Ils n'étaient de toute façon plus très loin du lieu de rendez-vous et préféraient avoir tous leur sens aux aguets plutôt que d'être privé de la vue et de l'ouïe à cause du fracas de la pluie sur la protection.

— On est en train de se faire encercler, remarqua Elyazra sur un ton neutre, comme si elle parlait du temps qu'il faisait.

— Oui, j'ai remarqué aussi, confirma Rael. C'est à peine perceptible, mais j'entends que ça se déplace tout autour de nous.

Valait-il mieux sortir armes et instruments maintenant ? Non. L'endroit ne s'y prêtait pas. S'ils se montraient hostiles et que ce qui se trouvait autour d'eux décidait d'attaquer, ils seraient désavantagés à cause du terrain.

Syara se rappelait cependant qu'une trouée dans la végétation se trouvait un peu plus loin. En se tenant au milieu, ils pourraient plus facilement voir les assaillants venir.

Le fameux endroit où aurait lieu le combat s'il devait s'engager n'était cependant pas vide. De l'autre côté de la trouée se tenaient trois silhouettes encapuchonnées. Comme le tavernier l'avait décrit, leur cape couvrait l'intégralité de leur corps et la capuche l'entièreté du visage. Ils étaient sans aucun doute les commanditaires de leur mission.

Tandis qu'ils avançaient vers ces trois personnes dont celle du milieu était plus petite, de nombreux bruissements tout autour d'eux les firent s'arrêter à mi-chemin. De nombreuses harpies ne tardèrent pas à sortir de leur cachette et à les encercler.

Avec un large sourire qui montrait qu'elle avait attendu ce moment avec impatience, Elyazra tira sa rapière de sa ceinture et se mit en garde. Elle fut cependant stoppée par Syara qui la bloqua en tendant son bras devant elle pour lui faire obstacle.

— Regarde attentivement, il y a des serres noires parmi elles.

— Je vois bien, mais il y en a d'autres !

— Range ton arme, ordonna sa sœur avant de se tourner vers les trois silhouettes qui n'avaient pas bougé. Vous nous avez fait parvenir une mission qui consistait à vous rejoindre pour écouter votre requête, nous sommes là. Nous pensons aussi savoir qui vous êtes, mais retirez tout de même ces capuches.

— Bonjour les amis, salua celle du milieu en découvrant son visage. Ça faisait longtemps que je voulais vous revoir.

— Sae ! s'exclama Syara.

Voulant courir pour la prendre dans ses bras comme elle l'avait tant de fois imaginé, la beast rencontra un problème lorsqu'elle vit que la moitié des harpies qui les entouraient s'étaient mises sur son chemin. Leurs postures ne laissaient aucun doute sur ce qu'elles feraient si elle esquissait un pas de plus.

— Laissez-les passer et ne leur faites aucun mal ! Ordonna la jeune harpie. Ce sont des amis qui ne me feront pas de mal.

Avec un certain étonnement, la beast vit que toutes les harpies, même celles qui n'étaient pas du clan des serres noires, obéirent immédiatement, adoptèrent une posture plus neutre et se poussèrent pour laisser passer Syara.

Avec ce chemin libre, la violoniste parcourut les derniers mètres qui la séparaient de la petite harpie et la prit dans ses bras. Pendant longtemps, elle s'était demandé si elle allait bien et comment elle s'en sortait dans son village. La voir ainsi en bonne santé lui réchauffait le cœur.

— Lorsque nous nous sommes quittés, vous aviez emporté une fée que la matrone gardait prisonnière. Comment va-t-elle ?

— Très bien. Nous avons sympathisé avec elle, nous l'avons rendue à son peuple, après quelques péripéties, elle en est devenue la reine et en tant que personne mature et responsable, elle a décidé de tout laisser tomber pour se joindre à nous, rit Syara. En ce moment, elle se repose dans un sac après nous avoir protégés de la pluie et de l'orage pendant tout le trajet.

— Je suis contente qu'elle s'en soit si bien sortie. Par contre, je ne vois pas Telak. Il n'a pas pu venir ?

— Il nous a malheureusement quitté il y a quelque temps lors d'une mission, répondit la beast en effaçant le sourire de son visage.

Elle ne pouvait décemment pas entrer dans les détails de ce qui était arrivé au démon du groupe. Manipulé par Anela, il s'était transformé en ange et était devenu un ennemi qu'ils avaient été forcés de tuer. Même maintenant, la fin de ce mentor qui était aussi son ami lui restait en travers de la gorge, si bien qu'elle préférait rester vague sur la disparition du bassiste.

— Et toi ? Tout se passe bien ? Enfin, si tu as fait appel à nous c'est que tu dois avoir un problème à régler, mais, enfin...

— Oui, je vais bien, répondit-elle pour la sortir de l'embarras dans lequel elle s'était mise. Nous avions repris une vie paisible au village, libérés de la tyrannie de la matrone. Je commençais à guérir de la brûlure qu'Elyazra m'avait faite...

— Désolée ! Lança la demie-dragonne depuis sa position.

— C'est oublié, sourit Sae. Quoi qu'il en soit, j'ai commencé à guérir lorsque ceci est arrivé.

Plutôt que de se perdre en explications, la jeune harpie défit sa cape et révéla ainsi ce qu'elle voulait leur montrer. Ses plumes, autrefois noires, étaient à présent vives et de toutes les couleurs. Elle était rayonnante ainsi et pourtant cela semblait être bien plus qu'un simple changement esthétique.

— Là, nous avons un très gros problème, lâcha Rael.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant