Chapitre 66 : Casser les préjugés

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 Pendant plusieurs jours, les ambassadeurs envoyés par les principales villes du pays purent découvrir la culture harpie. La consigne était de briser les préjugés qu'ils pouvaient avoir, aussi, il leur avait été demandé de ne surtout pas se retenir sur les questions, même si elles pouvaient être offensantes. Comme leur avait expliqué Sae, mieux valait aborder tous les sujets plutôt que de se faire de fausses idées.

Sans doute trop habitués à respecter un certain protocole et une retenue pour ne pas froisser leurs hôtes, les ambassadeurs hésitèrent longuement avant de se lancer. Kleyn, était le seul à s'être lancé et, pour alléger les autres, choisit les rumeurs les plus horribles qui pouvaient être entendues par cette espèce.

Il parla d'enlèvements d'enfants, de personnes leur servant de nourriture, d'attaques brutales sur d'innocentes personnes, de rituels malsains et tout autre joyeuseté qui pouvaient coller aux plumes des harpies.

Sae répondit à chaque question sans s'offenser et dépeignit une société bien différente de ce dont ils pensaient. Tout d'abord, ils ne mangeaient pas les autres espèces et n'enlevaient personne. À vrai dire, les harpies ne sortaient que très peu de leur territoire.

Pour Syara, ces histoires d'enlèvements devaient servir à faire peur aux enfants et, pour ce qui était des attaques de villes, cela devait venir des périodes de l'histoire où une impératrice belliqueuse était apparue.

La jeune impératrice continua ainsi ses explications, décrivant les fêtes cérémonielles comme des moments de célébrations où se mêlaient chants, danses et banquets. Totalement transparente, elle ne cacha pas malgré tout les travers que pouvaient avoir son espèce. Les attaques des promeneurs insouciants étaient véridiques et causées par une défense farouche de leurs territoire qui était considéré comme envahi dès qu'une personne non harpie entrait dedans, quel que soit ses intentions. Elle alla même jusqu'à révélé qu'elle et ses deux sœurs s'en étaient prises à Elyazra avant de le regretter et de comprendre qu'elles aussi avaient beaucoup d'idées préconçues sur les autres races.

Une nouvelle fois, Syara intervint pour appuyer son propos. Les harpies étaient des ennemies de tous depuis des temps immémoriaux. Il était donc normal qu'on leur apprenne dès le plus jeune âge à s'en prendre aux envahisseurs qui venaient sur leurs terres pour prendre ce qui leur appartenait. Même si cela n'était que quelques champignons, les harpies vivaient de chasse et de cueillette et ne pratiquaient aucune culture. De ce fait, prendre ces champignons revenait à leur voler de la nourriture parfois déjà rare à certains endroits où étaient implantées des tribus harpies. Ce point n'était de toute façon plus d'actualité vu que Sae avait ordonné à tous ses semblables de ne plus attaquer les autres races qui entraient dans leur territoire.

Si certains étaient rassurés de la voie qui était prise, d'autres doutaient encore. Ils trouvaient que ces explications peignaient un portrait un peu trop parfait des harpies. Face à ce commentaire, la jeune impératrice n'hésita pas à utiliser l'exemple de la matrone qui régnait avant sur son clan. Elle parla de cette horrible personne et de son cerbère de compagnie qui avait fait de nombreuses victimes autant chez les humains que chez les harpies. Toutes les harpies n'étaient pas bienveillantes, mais ce constat pouvait aussi être fait pour les autres races.

Le fait qu'elle ait un esprit critique sur sa propre espèce et qu'elle ne cherche pas à ne montrer que le meilleur finit de convaincre ceux qui hésitaient encore à poser des questions. Culture, traditions, mode de vie, hiérarchie, tout y passait. Même la question des hommes harpies fut posé lorsque l'un d'eux se présenta pour les saluer.

À la fin de la première journée, un banquet typique de la culture harpie fut organisé avec, cette fois-ci, uniquement les membres du clan des serres noires. Une nouvelle fois, beaucoup restaient en observateur. Seuls quelque rares ambassadeurs, tels que Kleyn qui n'avait cessé de montrer son investissement, s'était joint aux nombreuses villageoises qui dansaient.

La stature imposante et musclée du beast bovin avait de quoi impressionner, mais ses mouvements de danse le rendaient plus ridicule qu'autre chose. Il ne s'offusquait pas des quelques rires et, même, amplifiait encore plus ses pas de danse pour amuser les harpies.

Pendant cette soirée où Elyazra ne pouvait boire faute d'alcool, la demie-dragonne tenta de rentabiliser encore plus cette mission. Elle trouvait que le pendentif offert à l'impératrice était magnifique et que Kleyn aurait au moins pu penser à sa très bonne amie Syara et en prendre un second pour elle.

Lorsque sa sœur sortit ça, la violoniste faillit s'étouffer avec son jus de fruit en l'avalant de travers. Le beast rit de bon cœur et lui expliqua que, même s'il le voulait, il s'agissait de quelque chose d'absolument impossible pour lui. Après avoir acheté le pendentif, il n'avait pas cherché à le cacher et sa femme était tombée dessus. Apprendre qu'il n'était pas pour elle avait donné lieu à une scène où, selon ses dires, il avait vu sa dernière heure arriver. Il avait dû user de toutes ses compétences de diplomate pour rester en vie, dissiper le malentendu et jurer qu'il ne la trompait pas.

Au moins, cette anecdote avait fait la soirée d'Elyazra qui avait eu beaucoup de mal à s'en remettre. De son côté, Syara comprenait mieux pourquoi il avait été nommé maire. Il était dénué de pouvoir, mais il se dégageait de lui une certaine aura de sympathie qui faisait que les personnes se rangeaient facilement derrière lui. Son histoire en était encore un exemple vu qu'elle servit, en plus de faire rire aux éclats Elyazra, à dérider les autres ambassadeurs qui furent encore plus ouverts par la suite.

Les jours suivants furent dédiés à la visite d'autres clans, mais aussi et surtout aux ressources qui pouvaient être exploitées. Sur ce point, tous les envoyés ne purent que constater qu'elles étaient colossales et que refuser de traiter avec les harpies serait un énorme gâchis. Après avoir abordé tous les points importants, tous furent catégoriques sur le message qu'ils allaient transmettre. Les harpies n'étaient pas les monstres qu'ils pensaient et leur avis était plus que favorable pour entamer le traiter entre l'union des races et les harpies.

Si elle avait gardé un certain calme jusqu'à ce qu'ils descendent du plateau, tout le groupe put assister à l'explosion de joie de la jeune harpie. Celui-ci fut cependant de courte durée lorsqu'elle se rendit compte que le départ des ambassadeurs signifiait aussi celui de ses amis.

— Vous êtes sûrs que vous ne pouvez pas rester un peu plus longtemps ?

— Oui, il faut que nous rentrions, répondit Guard, peu enjoué, comme tout le monde, à l'idée de se séparer des harpies.

— Je vous ai déjà remis votre récompense pour votre mission, mais ces quelques pierres ne sont rien en comparaison à ce que vous avez fait pour moi. Grâce à vous, mon rêve est en train de se réaliser, je ne pourrais jamais assez vous remercier pour ça !

— Il est en train de se réaliser, mais n'est pas encore réalité, annonça Syara. Si tu veux nous remercier, fais tout ce que tu peux pour qu'il le devienne. Je n'ai qu'une hâte, que les harpies puissent entrer librement dans Léfarène pour que je puisse t'inviter chez nous.

— Je le souhaite aussi de tout mon cœur.

— En attendant, prends cette boucle d'oreille. Si tu appuies dessus, tu pourras me parler et moi, avec l'autre, je pourrais t'entendre et te répondre. N'hésite pas à l'utiliser, même si tu as juste envie de nous parler. Et si tu as un problème, préviens nous avec et nous abandonnerons ce que nous seront en train de faire pour venir au plus vite.

— Merci... Merci pour tout, renifla-t-elle, les yeux aux bords des larmes.

Sentant que les larmes montaient pour elle aussi, Syara alla étreindre sa protégée. Elle resta un long moment dans cette position, à lui souhaiter bon courage et bonne chance pour la suite, puis se sépara d'elle pour que les autres puissent à leur tout lui dire au revoir.

Après de nouvelles embrassades avec Rix et Risha, le groupe se rendit jusqu'au bord du plateau où une nacelle les attendait. À l'intérieur, tous firent de grands gestes d'au-revoir à la jeune harpie et à ses sœurs jusqu'à ce qu'elles ne soient plus en vue.

— Bon courage, ma petite Sae, murmura une dernière fois la beast en appuyant sur sa boucle d'oreille.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant