Prologue

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L'arrivée du printemps est annonciatrice de tant de belles choses. La saison des amours, de la gaieté et du renouveau était la préférée de Daphné. Durant cette période, elle pouvait progressivement voir les fleurs de sa mère éclore, les unes après les autres. Et lorsque venait l'été, le jardin de ses parents était magnifique, parsemé de tant de couleurs, embaumé de mille et une senteurs. Alors elle s'allongeait là et regardait le ciel bleu et ses nuages aux nombreuses formes s'y baladant.

Le printemps amenait également avec lui toute une série de festivités au village. Les gens pouvaient y danser, y boire la meilleure bière de la région selon certains, on y faisait goûter notre dernière tourte à nos voisins alors que les enfants se couraient après en faisant voler derrière eux des rubans de toutes les couleurs.

« Un, deux, trois, si tu ne cours pas tu ne gagneras pas ! Quatre, cinq, six, les mages feront de toi de la chair à saucisse ! Sept, huit, neuf, si tu perds tu manges un bœuf ! »

Innocence enfantine. Ils se récitaient cela sans en connaître la réelle signification. Ils riaient de bon cœur, faisaient la course et le perdant se voyait affubler d'un gage. Daphné n'y avait participé qu'une seule fois et elle avait perdu, les autres enfants s'en étaient assuré.

« On ne te connait pas, on ne va pas te laisser gagner ! »

C'était vrai, ils ne la connaissaient pas. Ses parents ne lui autorisaient que rarement à aller plus loin que la clôture, et lorsqu'elle pouvait passer le portail, elle ne le faisait qu'avec l'un d'eux. Les habitants du village étaient alors surpris de la voir se balader. Alors les commerçants avaient commencé à en rigoler.

« Si la fille des Harlet est de sortie alors c'est un jour de chance ! »

Elle en revenait toute contente à chaque fois. S'ils se considéraient chanceux de la voir alors elle devait être quelqu'un d'important, non ? Mais elle ne pouvait pas s'acclimater à toute cette joie qu'elle ressentait, elle devait attendre avant de pouvoir sortir de nouveau.

Parfois, lorsque sa mère se sentait fiévreuse, son père lui proposait de venir l'aider dans leur boutique. Ses parents étaient fleuristes, voilà pourquoi il y avait tant de fleurs dans leur jardin. Les bouquets de Marianne Harlet faisaient parler tout le village et la gentillesse et le sourire de son mari le rendaient excellent en commerce. Mais leur petite fille était presque une inconnue. Alors, dès qu'elle travaillait à la boutique, les gens s'empressaient de lui poser des questions. Certains se montraient plus subtils que d'autres.

« Pourquoi restes-tu enfermée chez toi ma petite ? Ne souhaites-tu pas aller jouer avec les autres enfants ? Tes parents s'occupent eux-mêmes de t'apprendre à lire et à écrire ? N'est-ce pas compliqué avec la boutique ? N'aimerais-tu pas aller à l'école ? Te laissent-ils vraiment toute seule à la maison lorsqu'ils travaillent ? Que fais-tu en journée ? »

Son père temporisait toujours en leur expliquant que sa fille était atteinte d'une maladie qui l'empêchait de faire trop d'exercice et qui pouvait la clouer au lit parfois durant plusieurs jours. Un mensonge, bien évidemment, mais c'était ce qu'ils avaient décidé de dire dès qu'on leur posait des questions. Alors on la prenait en pitié.

« La petite fille des Harlet est malade, pauvre gamine. Et dire que ces gens ont eu tellement de mal à avoir un enfant, Dieu n'a vraiment pas été clément. »

Parfois, elle avait envie de leur hurler qu'elle allait bien, qu'elle n'avait jamais contracté aucune maladie mais elle ne le pouvait pas, les habitants du village ne comprendraient pas ce qu'elle était. Alors elle se murait dans le silence. Il était si facile de ne rien dire et de baisser la tête, les gens pensaient alors que sa propre situation l'attristait.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now